[Festival de Cannes 2014] “The Homesman” de Tommy Lee Jones

Par Boustoune

La conquête de l’ouest américain n’a pas été une partie de plaisir pour les pionniers : conditions de vie difficiles, climats rugueux, famines, épidémies, attaques des tribus indiennes Beaucoup ont péri lors du voyage, d’autres en tentant d’exploiter leurs terres. Et pour les femmes et les enfants, c’était encore plus difficile…
Le nouveau film de Tommy Lee Jones, The Homesman, adapté du roman éponyme de Glendon Swarthout, débute en 1855, dans un village de pionniers du Nebraska où, suite à un hiver particulièrement rude, trois femmes sont devenues folles.
La première a perdu ses trois enfants à la suite, à cause d’une épidémie dévastatrice. La seconde a tué son bébé, issu d’un viol. La dernière est devenue hystérique après la mort de sa mère.

Le conseil du village, incapable de les gérer, décide de les confier à une institution religieuse dans l’Iowa, à des centaines de kilomètres de là. Les hommes étant trop lâches pour les escorter jusque là, Mary Bee Cuddy (Hilary Swank) décide de s’occuper du convoi.  En chemin, elle sauve de la pendaison George Biggs (Tommy Lee Jones), un type bourru et rustre qui a déserté la Cavalerie et mène, depuis, une vie de vagabondage. En échange, elle lui impose de l’escorter durant son trajet jusqu’en Iowa. Un voyage semé d’embûches, de dangers et d’imprévus, qui va profondément transformer le vieil homme.

Pour une fois, le mot “crépusculaire” associé au western n’est pas galvaudé. The Homesman est une oeuvre très rude, éprouvante, sèche et amère. On y voit des hommes et des femmes essayant de survivre aux multiple aléas de la vie dans l’Ouest sauvage, tentant vaille que vaille de s’accrocher à leur rêve américain en espérant fonder un foyer, une famille et prospérer. Mais, au bout du parcours, il n’y a le plus souvent que chagrin, folie et solitude. Et l’alcool ou la mort pour alléger les souffrances.

Ce qui commence comme un film d’aventures classique, articulé autour de l’affrontement de caractères de Mary Bee et George, l’idéaliste autoritaire et le vieil ours, et de péripéties attendues – fugue d’une des aliénées, rencontre avec une troupe d’indiens,… – bifurque brutalement à mi-parcours vers un récit beaucoup plus sombre, voire totalement désespéré, selon la façon d’appréhender le dénouement.

En tout cas, la distance parcourue par les personnages est autant physique que psychologique. Chez Mary Bee, la femme forte, la confrontation avec les grands espaces et la folie provoque une cassure. Chez George, elle ravive une humanité et une foi en l’avenir profondément enfouies sous des couches épaisses de souvenirs sombres et d’images d’horreur guerrières. Il réalise qu’il est important d’avoir quelque chose à chérir et à protéger dans un monde aussi privé d’humanité, et qu’il fat servir de guide pour les plus faibles. C’est ce changement magnifique qui constitue le principal intérêt du film, qui lui confère une toute autre dimension que celle d’un banal film d’exploitation.

Trois enterrements nous avait appris que Tommy Lee Jones avait parfaitement intégré les codes et les traditions du western classique et était capable de les mettre au service d’un autre type de récit, plus intimiste. The Homesman  transforme parfaitement l’essai, avec une oeuvre encore plus forte et plus aboutie, dont la force dramatique et le féminisme prégnant auront pu toucher la présidente du jury, Jane Campion.