[Festival de Cannes 2014] “Les Merveilles” d’Alice Rohrwacher

Les merveilles Les Merveilles nous entraîne au coeur d’une communauté rurale de Toscane, un peu à l’écart du monde.
C’est là que vit la jeune Gelsomina, auprès de ses soeurs et de ses parents. On comprend que ces derniers sont des écologistes convaincus de la nécessité de vivre de manière la plus simple et naturelle possible, loin du pseudo-confort moderne. Ils sont apiculteurs et fabriquent un miel artisanal, loin des normes agricoles imposées par l’Union Européenne. Ils savent que leur petite communauté est condamnée à court terme. Ils n’ont pas les moyens de moderniser leurs installations, pas les moyens de payer leur loyer, et les abeilles semblent mal supporter les pesticides recommandés par les chambres d’agriculture régionales.

Ils symbolisent d’une certaine façon les difficultés du monde paysan à résister au “progrès” et aux standards imposés par l’Union Européenne, qui tendent à faire peu à peu disparaître les spécificités des terroirs et des secrets de famille artisanaux.
La preuve définitive de cet inexorable déclin est donné par l’arrivée d’une équipe de télévision dans la région. Ils sont en train de tourner une émission baptisée “Les Merveilles” qui, par le biais d’une compétition entre agriculteurs locaux, entend redonner aux téléspectateurs le goût de l’authentique et du rustique. Mais la démarche est maladroite : le décor de l’émission est celle d’une caverne antique et les participants, vêtus de peaux de bêtes ou de couronnes de laurier, sont définis comme les derniers descendants des étrusques, un peuple éteint depuis des lustres.

Mais Gelsomina est fascinée par ce show qui lui ouvre les portes d’un monde inconnu, à mille lieues de cette vie qu’elle n’a pas choisie. Elle admire beaucoup l’animatrice du jeu (Monica Belucci), dont elle envie l’irradiante beauté. Et elle aimerait beaucoup gagner les 6000 € promis au vainqueur, qui permettraient à sa famille de financer toutes les installations exigées par les services d’hygiène. Alors elle inscrit la famille à ce concours, contre l’avis de son père (Sam Louwyck), un homme vigoureusement opposé au progrès qui impose à ses choix de vie au reste de la famille.

Les merveilles - 3

Tous les enjeux du film d’Alice Rohrwacher sont là, dans cette opposition entre un père trop protecteur et une adolescente qui cherche à s’émanciper et s’ouvrir au monde extérieur, et dans la collision d’un monde rural très rude, au mode de vie archaïque, et un univers contemporain déconnecté des réalités, factice et vulgaire.
Ce n’est probablement pas le film le plus abouti de ce 67ème festival, ni thématiquement, ni formellement, et il aurait peut-être été plus à sa place  hors-compétition ou dans la section “Un Certain Regard”, mais il ne manque pas de charme. Alice Rohrwacher signe là une oeuvre relativement simple et humble, à l’image de ses personnages principaux, témoignant d’une certaine réalité sociale et cherchant la beauté et la poésie dans les interstices du récit.

Parmi les vraies “merveilles”offertes par ce film, on peut citer la jeune comédienne Maria Alexandra Lungu, dont la douceur illumine chaque plan, et quelques plans originaux, comme la vision d’un chameau reconverti en berger ou un beau numéro de domptage d’abeilles.
Un peu de miel dans le monde de brutes que constitue, parfois, le festival de Cannes…

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