[Festival de Cannes 2014] Jour 6 : Des étoiles plein les yeux

Par Boustoune

Des étoiles plein les yeux…
C’est dans cet état béat que nous a laissés cette sixième journée de projections. La faute, principalement, à Maps to the stars, le nouveau long-métrage de David Cronenberg, portrait au vitriol de l’industrie cinématographique américaine, sur lequel l’auteur greffe ses thématiques habituelles sur les névroses, les mutations, la monstruosité, l’opposition des éléments. Une oeuvre brillante, enthousiasmante, fascinante, désarmante, envoûtante et autres rimes superlatives en “-ante”, qui mériterait d’être récompensée par le jury. (lire notre critique).
Comme souvent, l’accueil a été partagé, certains restant totalement hermétiques aux puzzles complexes concoctés par le cinéaste,  ou frileux face à la violence de certaines scènes et de certains thèmes. Mais beaucoup ont, comme nous, adoré ce film, que l’on peut considérer comme un maillon majeur de la carrière du cinéaste canadien.

Nous avons aussi été assez agréablement surpris par Foxcatcher, le long-métrage de Bennett Miller, également en compétition officielle. Si nous avons eu un peu de mal à rentrer dans ce récit, mené sur un rythme assez lent, nous nous sommes finalement laissé séduire par la performance d’acteur inattendue de Steve Carell, impressionnant dans la peau d’un personnage riche à millions, mais frustré et solitaire, qui va basculer dans la folie meurtrière. Et nous avons apprécié la critique sous-jacente de l’idéologie américaine, axée sur l’argent, la réussite et le patriotisme, plutôt gonflée pour un film  de ce calibre. (lire notre critique)

Hors compétition, nous avons  également beaucoup aimé Caricaturistes, Fantassins de la liberté, un documentaire qui rend hommage au travail des dessinateurs de presse et explique bien les problématiques rencontrées. Jusqu’où aller dans la provocation, l’impertinence, l’humour? Comment répondre aux menaces des intégristes et des radicaux? Comment le dessin, la caricature peut devenir un outil de dialogue et de paix? Quinze dessinateurs venus de tous les coins de la planète répondent à ces questions et racontent leur parcours, avec humour, intelligence et une farouche volonté de défendre la liberté d’expression.

A Un Certain Regard, nous avons découvert le très curieux Bird people de Pascale Ferran. Nous éviterons d’en dire trop sur le scénario – surprenant – pour ne pas gâcher les effets de surprise voulus par la cinéaste. Juste préciser que tout tourne autour d’un hôtel proche d’un aéroport, où gravitent clients de passage et personnel de service, que l’intrigue est divisée en deux chapitres, axés chacun sur un personnage différent, et interrogeant sur la notion de liberté.
Les deux parties du récit sont également très différentes l’une de l’autre, la première privilégiant les longs plans fixes et une tonalité très froide, très sèche, et la seconde étant beaucoup plus légère et dynamique. “Aérienne”, serait-on tentés d’ajouter…
Le tout confirme que Pascale Ferran est une cinéaste rare, mais précieuse, parce qu’audacieuse et innovante. Chaque nouveau film  correspond à un défi artistique, une expérience autour du langage cinématographique, du style esthétique ou de la narration, qu’elle relève toujours haut la main, tout en conservant ses qualités propres – sa mise en scène élégante et sa  direction d’acteurs performante.
Evidemment, comme face à toute oeuvre “expérimentale”, il y a ceux qui apprécient – comme nous – et ceux qui restent perplexes. Peut-être est-ce pour cela que le comité de sélection du festival a préféré projeter ce film dans le cadre de Un Certain Regard plutôt qu’en compétition officielle, où il n’aurait pourtant pas fait tache…

Autres films présentés dans la section, le film sud-coréen  A girl at my door de July Jung et le film grec Xenia de Panos H. Koutras.

A la Quinzaine des réalisateurs, l’ambiance était noire, avec les projections de Mange tes morts de Jean-Charles Hue, Cold in July de Jim Mickle, et sa belle brochette d’acteurs – Michael C. Hall, Don Johnson et Sam Shepard – et These final hours de Zack Hidlitch. Des oeuvres globalement bien accueillies par les festivaliers.

Et à la Semaine de la critique, ils ont hurlé à la lune avec When animals dream, un film de loup-garou  de Jonas Alexander Arnby et sont retournés à l’école avec The Kindergarten teacher, de Nadav Lapid. Gageons que l’enseignante était moins poilue que les homme-loups, et moins plumée que le moineau de Pascale Ferran, véritable vedette du jour, avec les stars de Cronenberg, bien sûr…