Résumé : Dans le Nebraska. Mary Bee Cuddy, jeune fermière célibataire, se propose d’escorter trois jeunes femmes qui ont perdu la raison vers leurs terres natales. Elle sera épaulé dans sa tâche par un vieil homme.
Beaucoup de cinéastes se sont risqués à prospecter sur les vastes pleines américaines. Certains y ont déterré de véritables diamants de poussières, d’autres s’y sont perdu, à tout jamais. Il y a de cela neuf ans, Tommy Lee Jones, jeune réalisateur de 56 ans, avait pioché, dans son Texas natal, du côté de la frontière mexicaine, afin d’y célébrer Trois Enterrements. La réussite de cette mise en bière le consacre d’emblée comme un artiste d’avenir, et Luc Besson, son partenaire à la production, comme un mécène de goût. Après une longue pause, toute fois entaillée par une transposition télé d’une pièce de Cormac McCarthy (The Sunset Limited), l’acteur/réalisateur entame, toujours sous la bannière de la société EuropaCorp, un nouveau pèlerinage en terre sauvage, adaptant, cette fois, le romancier Glendon Swarthout. Point de shérif vieillissant ou de tuniques bleus dans ce western, mais une pionnière célibataire, rude comme un pot et autoritaire comme pas deux. Citoyenne dans l’âme, Mary Bee Cuddy s’est proposée d’escorter trois jeunes épouses de fermiers, devenues folles par la force d’un environnement particulièrement inhospitalier. Seul, face à l’immensité désertique d’un territoire hostile (l’occasion d’un magnifique plan en amorce, dévoilant l’ampleur de la tâche qui s’annonce à elle), elle est contraint d’honorer son serment avec l’aide d’un vieille homme qui, la corde au cou, ne pu refuser le marché tendu par la bergère. Une Chevauchée Fantastique longeant une fracture semblable à celle, auparavant explorée, d’une immigration mexicaine forcée. En portant ainsi son regard sur l’exercice de la féminité, The Homesman brosse un portrait sinon original (les récents Gold et La Dernière Piste s’y sont approchés), au moins loin des canons du genre. Ces trois jeunes femmes de l’Est parties plus à l’Ouest encore après avoir subit les affres d’un quotidien cruel, ainsi que cette béguine indomptable dont la générosité est récompensé par un bouquet d’ingratitude permet au réalisateur d’aborder les conséquences du déracinement de filles arrachés à leur milieu par des hommes en quête de rosières dociles pures, à la beauté pas encore endurcie par la sécheresse d’une nature hostile. Mariant la beauté des grands espaces, shootés par un Rodrigo Prieto en état de grâce, aux gestes quotidiens des petites gens, ce lopin de pellicule cultivé, avec amour, par un metteur en scène pétri d’humanité pour les personnages qu’il dessine, touche en plein cœur les amoureux de l’intime. Aucun des cinq voyageurs ne semblent avoir ainsi été écarté de la piste, tous obtiennent un développement à leurs mesures. Long et sinueux est le chemin qui conduit ces radiés de la société, et dans son infini sagesse, Tommy Lee Jones semble bien décidé à nous le faire partager. Mais, loin d’être un handicape, ce rythme lancinant permet, en réalité, au récit, aux superbes performances d’un casting quatre étoile supporté par une Hilary Swank enfin retrouvée, et aux images de s’étendre et de faire naitre une magie, celle d’une traversée intime et héroïque. La musique, bouleversante, de Marco Beltrami, vient achevée une expérience que l’on est pas prêt d’oublier. Une date dans la carrière de ce monstre du cinéma américain et dans l’histoire récente du western. (4.5/5)
The Homesman (États-Unis, 2014). Durée : 2h02. Réalisation : Tommy Lee Jones. Scénario : Tommy Lee Jones, Kieran Fitzgerald, Wesley A. Oliver. Image : Rodrigo Prieto. Montage : Roberto Silvi. Musique : Marco Beltrami. Distribution : Hilary Swank (Mary Bee Cuddy), Tommy Lee Jones (George Briggs), Grace Gummer (Arabella Sours), Miranda Otto (Theoline Belknapp), Sonja Richter (Gro Svendsen), John Lithgow (le reverend Dowd).