Ioanis Nuguet, réalisateur de « Spartacus et Cassandra »
Tandis que l’euphorie cannoise battait son plein, j’ai rencontré Ioanis Nuguet, le réalisateur de Spartacus et Cassandra, le documentaire bouleversant dont je vous parlais plus tôt. L’occasion d’une douce parenthèse que je vous propose de partager…
Des Films et des Mots : Comment a émergé l’idée de faire un film sur ces deux enfants rroms?
Ioanis Nuguet : L’élément déclencheur à été le discours que le Président Sarkozy a prononcé à l’été 2010 au sujet de l’immigration et de la décision de démanteler la moitié des campements rroms en quelques mois à peine. Très vite, j’ai eu envie de voir ce qu’il se passait dans ces campements, de rencontrer ces familles, de raconter leur histoire. L’idée d’un film est venue rapidement. Je voulais donner à voir toute cette richesse humaine, cette générosité que je côtoyais au quotidien. J’ai commencé par filmer des baptêmes, des mariages, à réaliser des DVD, ce qui m’a permis de me « faire la main ». Car si je n’avais pas de scénario précis en tête, je savais que je voulais tourner un film du point de vue des enfants.
DFDM : Spartacus et Cassandra est votre premier film. Comment s’est passé le tournage?
I.N : Plutôt bien, pour quelqu’un d’autodidacte! Mais à l’impossible, nul n’est tenu, d’autant plus quand la motivation est bien réelle. J’ai ainsi pu apprendre le roumain au cours de ces quatre dernières années. Sachant que cette langue est surtout orale, une fois que vous la pratiquez, vous êtes considéré par la communauté comme l’un des leurs. Pour en revenir au tournage, j’avais essentiellement des grands axes de scènes, mais rien de très arrêté. Par exemple, il est arrivé que Cassandra vienne me raconter un rêve qu’elle avait fait et qu’on l’intègre au film. Le gros travail d’écriture s’est fait au montage. A vrai dire, nous avons passé 1 an 1/2 en tournage, et autant de temps au montage! Mais j’étais bien entouré et chacun y allait de sa contribution.
DFDM : Quel est votre rapport au cinéma?
I.N : Il est vrai que mon « milieu » d’origine, c’est la danse. Mais le cinéma m’a toujours fasciné. C’est un médium qui offre une possible condensation du temps, qui permet d’avoir plusieurs plans, d’intégrer l’inconscient et de le restituer en images. Il y a aussi quelque chose de l’ordre de la magie : au cinéma, on amplifie, on transforme, tout en restant attentif aux idées qui peuvent émerger au fur et à mesure. Danser ou faire des films sont finalement deux formes d’expression qui se ressemblent beaucoup. On retrouve une certaine chorégraphie par exemple dans les mouvements de caméra de Jean Vigo, une poésie sublime chez Tarkovski ou Kalatozov*…
DFDM : Et aujourd’hui, quelles ont les nouvelles de Spartacus et de Cassandra?
I.N : Plutôt bonnes! Spartacus rentre au lycée et aimerait s’engager davantage dans la cause des rroms. Cassandra passe en 4e et pense beaucoup aux garçons. Nous vivons tous les quatre – avec Camille – à la campagne, dans la maison que Camille a acheté et qui a nécessité pas mal de travaux. Le chapiteau trône dans le jardin et accueille les amis de Spartacus et Cassandra pendant les vacances. Les enfants sont toujours en contact avec leurs parents, même si ce n’est pas toujours évident : leur père est en Angleterre, leur mère est retournée en Roumanie. Les revoir est forcément compliqué. Mais ils s’épanouissent de plus en plus et c’est formidable de les voir grandir dans l’insouciance que leur âge suppose.
* NDLR : Mikhaïl Kalatozov est un réalisateur d’origine géorgienne qui a remporté la Palme d’Or en 1958 pour Quand passent les cigognes.
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