“Edge of tomorrow” de Doug Liman

Par Boustoune

L’action se passe dans un futur proche. Un astéroïde entre en collision avec la Terre, libérant une cohorte de “Mimics”, des aliens belliqueux qui entendent bien prendre le contrôle de notre planète. L’affaire est mal embarquée. En quelques jours, ils ont vaincu la France, l’Allemagne, et progressent rapidement en Europe. Aucune armée au monde ne semble capable de leur résister. Les troupes anglaises et américaines se préparent pourtant à un grand débarquement, une ultime tentative pour prendre l’ascendant sur ces infâmes extra-terrestres. Les alliés croient en leurs chances, même si elles sont minces. Les soldats sont tous dotés de combinaisons exosquelettes dernier cri, dotées d’armes puissantes, et emmenés par une guerrière redoutable, Rita Vrataski (Emily Blunt), qui s’est illustrée à plusieurs reprises sur le champ de bataille. Une héroïne, une vraie… Ce que n’est pas, à priori, le major William Cage (Tom Cruise), un gradé planqué dans le service de communication des armées, qui n’a aucune envie de se retrouver sur le terrain. C’est pourtant là que l’envoie le Général Brigham (Brendan Gleeson), qui n’apprécie pas les tire-au-flanc, et à plus forte raison à la veille d’une bataille aussi importante.

Evidemment, Cage, qui n’a aucun entraînement et ne sait même pas comment utiliser efficacement sa combinaison, meurt en l’espace de quelques minutes, comme la plupart de ses équipiers, victimes d’une embuscade…
Fin? Non, car Cage rouvre les yeux et se réveille à la veille de la bataille, à son arrivée au cap militaire. Au contact d’un des belligérants extraterrestres, il a glané un pouvoir précieux, celui de pouvoir revivre la même journée, encore et encore, tout en gardant intacts ses souvenirs et son expérience des scènes de combat vécues. Chaque fois qu’il combat, il finit par mourir, mais entretemps, il a tout loisir d’étudier les stratégies ennemies, de mettre au point des tactiques pour vaincre les aliens et de gagner un peu plus d’aptitudes de combat, affutant son endurance et ses réflexes.
Peu à peu, malgré la lassitude de devoir revivre chaque jour le même cauchemar, Cage se mue peu à peu en véritable machine de guerre. Avec l’aide de Rita, il cherche “jour après jour” le meilleur moyen de frapper l’ennemi en plein coeur. Mais combien de temps va-t-il pouvoir conserver ce don particulier? Et comment détruire un ennemi aussi malin et aussi puissant?

Edge of tomorrow, c’est la collision brutale de plusieurs concepts scénaristiques. La rencontre de Un jour sans fin (la boucle temporelle infinie), Starship Troopers (l’opposition entre des G.I.s parfois bas du casque et des extraterrestres monstrueux) et Elysium (les combinaisons exosquelette), le tout assaisonné de références diverses et variées, littéraires, cinématographiques et vidéo-ludiques.
Certains esprits chagrins vont sûrement voir dans ce mélange de genres la preuve flagrante du manque d’inspiration des scénaristes hollywoodiens, obligés de recycler des vieilles idées. A tort, puisque les frères Jez et John-Henry Butterworth et Christopher McQuarrie ne font qu’adapter assez fidèlement (1)  le roman “All you need is kill” d’Hiroshi Sakurazaka (2) et le manga éponyme qui en a été tiré, signé Takeshi Obata (3). Bien sûr, on peut penser que Sakurazaka a quand même été influencé par les oeuvres précitées, mais de là à fustiger le manque d’inspiration des scénaristes américains…
Et puis, on se moque totalement de savoir ce que le film de Doug Liman emprunte à Un jour sans fin et aux oeuvres de SF et d’anticipation. L’important est que le scénario fonctionne, que l’on accepte son concept et qu’on se laisse porter par ce récit d’aventures et d’action futuriste haletant.
Et force est de constater que cela fonctionne parfaitement bien…

… du moins pendant les 2/3 du film. Car après, cela se gâte un peu, hélas…
La mise en place est assez rapide. On comprend très vite que Cage va revivre encore et encore la même journée. Doug Liman trouve le bon équilibre entre la répétition des scènes et des répliques, nécessaire pour que le spectateur comprenne la situation et ressente la frustration du héros face aux mêmes problèmes, encore et encore, et un montage un peu plus dynamique, qui permet la progression de l’intrigue dans le même mouvement. Il jongle habilement entre les séquences de combat spectaculaires, les touches d’humour bienvenues et l’évolution de la relation entre Cage et Rita. Même si certaines scènes sont trop lourdement explicatives, même si le concept global peut prêter à sourire, le récit avance à un train d’enfer, sans faute de goût et, à priori, sans ces incohérences inhérentes aux histoires bousculant l’espace-temps.
Mais la belle mécanique finit par s’enrayer, faute d’enjeux suffisamment forts.
La bataille du débarquement occupe près de la moitié du film, mais perd de son intérêt dès lors que le héros commence à devenir une véritable bête de guerre, atomisant de l’ET à coups de mitraillette, de grenades et même de sabre. Il ne fait plus aucun doute qu’il est invincible et qu’il va aller au bout de sa quête. Aussi, pour ne pas risquer de lasser le public, il faut bien lui trouver de nouveaux défis à relever… Et c’est là que le bât blesse.

Alors qu’on pensait n’en être qu’au tout début d’un périple guerrier de plus en plus dangereux, l’intrigue prend un curieux virage vers le romantisme nunuche. Les aliens font une pause pendant que  le major Tom utilise son pouvoir pour apprendre à mieux connaître la belle Emily, espérant la séduire entre deux fusillades. Va-t-il y parvenir? Le suspense est à son comble… Allez, on vous gâche gentiment le plaisir en vous disant qu’il va au moins jusqu’à connaître le deuxième prénom de la demoiselle. Bigre! Qu’il est fort!
Au bout d’un moment, l’auteur se rappelle que le but du héros est quand même de sauver la planète… Mais comme il n’a plus trop d’idées, il décide de boucler rapidement sa boucle temporelle en passant directement à l’objectif final : dénicher le “cerveau” des armées aliens et l’anéantir. Le rythme, qui avait faibli avec l’interlude romantique, ne repart pas vraiment, le cheminement devenant beaucoup plus prévisible.
Notre intérêt faiblit de plus en plus à mesure qu’approche le dénouement. Et celui-ci enfonce le clou de notre déception. Après un ultime morceau de bravoure filmé de façon épileptique – très mauvais pour les effets visuels numériques et pour la 3D relief…– le film se clôt de façon assez grotesque. On ne sait pas si cette fin est celle du roman ou si elle a été imaginée par les scénaristes. Dans les deux cas, ces derniers ont fauté. Soit ils n’ont pas su adapter le texte pour le rendre regardable sur grand écran, soit ils ont apporté une touche personnelle malheureuse…

Ce qui est dommage, c’est que le film ne tient pas vraiment ses promesses. Les premières images montrées par le distributeur, correspondant à un montage resserré de la première moitié du récit donnaient envie de découvrir la suite. Hélas, le résultat final n’apporte rien de plus que des scènes assez inutiles, surlignant le principe du “Jour sans fin”, et ce dénouement décevant. Forcément, c’est la frustration qui domine, car on espérait un film de SF à la fois jubilatoire et intelligent et on se retrouve avec un “simple divertissement” formaté.

Mais sans doute attendait-on trop de ce film. Edge of tomorrow n’a probablement été conçu que comme un gros blockbuster estival destiné à un large public. Dans cette catégorie, force est de constater qu’il constitue un spectacle tout à fait honorable, susceptible de plaire à son public-cible – les adolescents et les jeunes adultes – tout en bénéficiant de l’indulgence des autres spectateurs, finalement heureux de voir un divertissement légèrement au-dessus de la moyenne des blockbusters US.
De notre côté, nous n’avons pas détesté le film de Doug Liman, mais nous n’avons pas vraiment envie de le revoir en boucle… Notre critique se ferait de plus en plus féroce avec la répétition des visionnages…

(1) : Nous n’avons pas lu le roman original, mais nous nous fondons sur l’avis de confrères l’ayant parcouru. Hormis le personnage principal, modifié pour convenir à Tom Cruise, le reste semble assez fidèle.
(2) : “Edge of tomorrow (All you need is kill)” d’Hiroshi Sakurazaka – éd. Kaze
(3) : “All you need is kill” de Takeshi Obata – éd. Kaze

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Edge of tomorrow
Edge of tomorrow

Réalisateur : Doug Liman
Avec : Tom Cruise, Emily Blunt, Brendan Gleeson, Bill Paxton, Noah Taylor, Charlotte Riley
Origine : Etats-Unis, Australie
Genre : un jour sans fin meets Starship troopers
Durée : 1h53
Date de sortie France : 04/06/2014
Note pour ce film :
Contrepoint critique : Pop movies

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