Pourquoi la plupart la plupart des aspirants auteurs échouent

Par Nathalielenoir

S’il est un sujet qui fâche et pourtant ô combien crucial lorsqu’il est question d’embrasser une carrière d’auteur, c’est bien l’échec. La très grande majorité des aspirants scénaristes/écrivains ne parviennent pas à devenir professionnel.

Il est certes tentant de blâmer la malchance, un milieu du cinéma et de l’audiovisuel qui fonctionne en vase clos et serait incapable de reconnaitre « le vrai talent », le manque de « piston », voir une conspiration extra-terrestre. En réalité, aussi difficile que ce soit à entendre, la plupart des wannabe échouent… parce qu’ils n’ont pas les qualités pour devenir professionnels. La bonne nouvelle c’est que ça se soigne, à condition bien entendu de faire preuve d’humilité…

J’en entends déjà souligner cyniquement que les grands gourous du scénario, dont John Truby, notre orateur du jour, n’ont justement pas réussi à vendre leurs propres scénarios. Ce n’est pas faux, mais ils passent leur temps, en revanche, à côtoyer des scénaristes à succès, des producteurs influents, bref ils sont carrément bien placés pour savoir comment le métier fonctionne…

Je vous propose donc d’écouter attentivement les deux extraits d’interview qui suivent et d’essayer de prendre un peu de recul sur vous-mêmes, jeunes Padawans:

Je résume les propos de John Truby, en substance, pour mes lecteurs non anglophones:

La première erreur des aspirants scénaristes consiste à se lancer dans une carrière dont ils ignorent tout, de penser naïvement qu’il suffit d’aimer écrire, de manifester quelques aptitudes à l’écrit ou déborder d’idées (forcément) géniales. En réalité le métier d’auteur est l’un des plus difficiles qui soit, techniquement bien entendu mais surtout psychologiquement:

  • il y a beaucoup d’appelés pour peu d’élus
  • il faut des années pour réellement savoir écrire en professionnel
  • il faut ramer encore des années pour espérer débuter une carrière
  • il faut être capable de gérer la critique et la réjection
  • savoir écrire un scénario ne signifie pas qu’on soit capable de le vendre
  • l’écriture ne devient pas plus simple avec l’expérience car chaque projet est unique et demande un énorme investissement
  • débuter une carrière ne signifie pas ranger les rames, rien n’est jamais acquis dans ce métier

La seconde erreur que commettent les auteurs peu expérimentés consiste à démarcher avec des scénarios mal écrits, notamment en termes de structure. Passons sur les considérations de notre orateur sur la structure en 3 actes, qui ne fonctionnerait pas selon lui à un niveau professionnel, car là il prêche clairement pour sa seule paroisse. Ceci étant dit, il faut effectivement des années de pratique, et bien des scénarios écrits « à perte » avant de prétendre maîtriser la dramaturgie. Quand j’écris « à perte » c’est simplement pour souligner que les premiers scénarios/romans méritent rarement d’être lus par un lecteur professionnel, ils ne représentent pas pour autant une perte de temps puisqu’ils constituent un entrainement nécessaire.

John Truby ajoute, et je le rejoins également sur ce point, que maîtriser la dramaturgie ne signifie pas qu’un auteur n’a plus rien à apprendre, loin s’en faut.

Si je résume, vouloir devenir scénariste, c’est accepter de travailler d’arrache-pied pendant des années sans vendre le moindre écrit, d’essuyer des refus à répétition, de passer au mieux pour un(e) idéaliste au pire pour un rebut de la société aux yeux de son entourage, dans l’espoir de faire enfin carrière. Vendre un scénario ne garantit pas d’en vendre aisément un deuxième. Pour devenir scénariste, il faut dès le départ traiter l’écriture comme un vrai métier, ce qui nous amène à cette seconde vidéo:

Le point qui différencie, au premier coup d’oeil, un scénariste professionnel d’un amateur, c’est son habilité ou non à gérer la critique. Et John Truby d’ajouter, à juste titre, que pour pouvoir améliorer votre écriture il vous faudra trouver un lecteur compétent, c’est à dire capable de livrer un avis professionnel, utile. Sauf exception, cela n’inclut donc aucun membre de votre entourage.

J’ajouterai un dernier point: la pratique intensive de l’écriture ne vaut que si l’auteur se cultive, s’ouvre au monde. On commence toujours à écrire sur soi-même, sujet qui a peu de chances d’intéresser les lecteurs/spectateurs. J’en discute très souvent avec mon agent, qui rencontre beaucoup d’auteurs débutants, et qui est consternée par leur nombrilisme complaisant…

Il est très difficile de réussir une carrière de scénariste, chers lecteurs, ne la sabotez-pas vous-mêmes


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