Culte du dimanche : Coup de Cœur

Par Fredp @FredMyscreens

Ce dimanche, place à un film méconnu du grand Francis Ford Coppola. Méconnu mais qui a grandement chamboulé la carrière du cinéaste : Coup de Coeur.

Si Francis Ford Coppola a connu l’enfer sur le tournage d’Apocalypse Now, le résultat est le chef d’oeuvre que l’on connait aujourd’hui, salué par la critique et le public. A l’aube des années 80, le cinéaste peut donc se lancer dans n’omporte lequel de ses projets qu’il peut maintenant produire lui-même avec sa societé de production American Zoetrope. Il se lance alors dans la réalisation d’un film en apparence beaucoup plus simple puisque Coup de Coeur est un drame intimiste sur un couple en perdition le soir du 4 juillet.

Mais Coppola ne cherche pas à faire un film romantique comme les autres et va donner une personnalité toute singulière à ce drame en explorant des possibilité à la fois dans l’image et dans le son. Ainsi, son film se déroule sur une unité de temps (une nuit), de lieu (Las Vegas) et dérive légèrement vers la comédie musicale. En effet, le réalisateur s’est entouré de Tom Waits pour composer la bande-originale du film avec des chansons qui racontent en partie ce que ressentent les personnages. La musique jazzy et sombre de Waits donne ainsi tout de suite un ton désespéré et nostalgique à cette histoire de rupture.

Si l’identité sonore est bien établie, il en est de même pour les images. En effet, le réalisateur a décidé de faire un film très stylisé en tournant exclusivement en studio. Il reconstruit ainsi certaines vues de Vegas en studio en y donnant un aspect irréel, rendant la ville encore plus artificielle qu’elle ne l’est déjà dans la réalité, renvoyant alors les dérives de ce couple à une sorte de rêve, cauchemar ou fantasme selon les instants.

Car le fait de tourner en studio dans des décors qui sentent clairement le carton-pâte donne à Coppola l’occasion de jouer sur les premiers et arrières plan et sur les éclairages pour montrer ce qui arrive aux deux personnages séparés et dans des lieux différents dans une seule et même image sans avoir recours à un effet de splitscreen. Il en résulte donc des transitions douces qui donnent l’impression qu’une grande partie du film est tournée en plan séquence. Avec un éclairage travaillé, il nous offre ainsi de très belles scènes de danse feutrées, des visions oniriques des fantasmes de ce couple à la dérive.

A côté de ce travail très poussé sur l’image et le son, à  travers ce couple, on peut aussi voir dans l’histoire de la rupture de ces deux personnages et dans les rencontres qu’ils vont faire certaines interrogations sur les envies de la classe populaire quand on lui donne certains rêves et qui cherche à savoir ce qu’elle veut vraiment. Formellement, il s’agit donc de l’un des plus beaux films de son auteur mais sur lequel la forme prend tellement le pas sur le fond que l’on y voit plus une belle démonstration technique, un sublime exercice de style qu’un grand film romantique qu’il aurait pu être.

Les envies de Coppola de tout faire en studio on décuplé les coûts de production, son plateau devenant le plus grand décor construit en studio. Coppola a-t-il encore eu les yeux plus gros que le ventre après Apocalypse Now. Assurément et cette fois il ne sera pas suivi. En effet, devant la singularité plastique du film, les critiques et le public sont déconcertés. Le film est un véritable four financier qui ruine Coppola. Un Coup de Coeur qui vire au coup dur dont il aura du mal à se remettre, contraint alors pendant les années 80 et 90 à aligner les films de commande pour se renflouer afin de reprendre ensuite son indépendance pour laquelle il s’était tant battu avant. Mais avec les années passées, Coup de Coeur est devenu l’une des œuvres de Coppolales plus intéressantes pour sa maîtrise et son exploration des techniques du cinéma.