Scarlett Johansson est une mangeuse d’hommes. Ce n’est pas nouveau mais Under the Skin en donne une vision particulière, étrange, perturbante, déconcertante.
Si le réalisateur Jonathan Glazer n’a pas réalisé un seul film en 10 ans, c’est parce qu’il s’est consacré presque entièrement à la création de Under the Skin, adapté du roman de Michel Faber. Recherche de financement délicate, écriture peaufinée jusqu’au bout, développement de caméras spéciale, recherche de l’actrice idéale, travail dans le détail sur le son … il aura pris son temps pour raconter l’histoire de cette extra-terrestre qui circule en Ecosse en kidnappant des hommes solitaires pour en faire on ne sait quoi.
Sur ce pitch, on aurait facilement pu obtenir une série B faisant office de plaisir coupable comme nos souvenirs de la Mutante peuvent l’évoquer. Mais il n’en sera rien car d’emblée le réalisateur nous plonge dans une ambiance étrange où les images et les sons parlent bien plus que le peu de mots qui sont exprimés. Centré entièrement sur le point de vue de cette extra-terrestre, le film nous fait part de se prise de conscience, petit à petit de l’humanité qui pourrait la gagner, ou des questions qu’elle peut se poser sur les hommes qu’elle découvre, tout aussi étranges qu’elles, menés par leurs pulsions.
Hélas, le film se révèle très vite refermé sur lui-même, ne s’offrant jamais au spectateur et le caressant même à rebrousse-poil, ne cherchant jamais à l’inclure dans sa trame. Les pistes inexploitées ne feront qu’accentuer cet écart et les questions que nous n’avons pas envie de nous poser nous feront prendre encore plus de distance. Qui est ce motard qui semble à la poursuite de l’alien ? que deviennent les corps kidnappés ? Autant de questions sans réponses et qui ne méritaient pas d’être posées tant elles ne nous intéressent pas et nous sortent alors de la découverte de l’humanité, de la solitude désolée par cette extra-terrestre sans repères.
Avec un style caméra cachée cherchant une certaine réalité qui est loin d’être sexy mais captant au contraire les aspects les plus brumeux de son histoire et de ses décors avec un rythme lent, il sera difficile d’entrer dans le film et deux réactions sont alors possible : la fascination ou le rejet total. Et votre réaction sera alors bien différente selon ce que vous avez envie de voir et de découvrir et des questions sur lesquelles vous voulez réfléchir ou non à la sortie. Car certaines images restent forcément en mémoire mais le rythme lent nous laisse toujours somnolent, d’un ennui total.
Et dans le film, il y a donc Scarlett Johansson. Celle qui a trouvé son meilleur rôle en n’étant que la voix de Her sera ici pratiquement muette et offrira juste son corps. Mais loin de chercher à renvoyer une image purement sexy et désirable, elle n’est finalement qu’un corps servant à attirer les hommes dans un piège sombre et au son étrange. Le jeu mutique de l’actrice qui incarne ici une alien aussi déshumanisée que possible, ne comprenant pas ce qu’il se passe est aussi prenant que le film, soit on y adhère, soit on le rejette. Certes, au 3e degré, dans Under the Skin, Scarlett s’interroge sur son image d’actrice et sur l’image de son corps au cinéma et l’on peut saluer l’audace qu’elle a eu n décidant de s’aventurer dans ce film si particulier, mais cela n’en fait pas forcément un grand rôle.
Déroutant et développant autant que questions inutiles que d’ennui total, Under the Skin navigue sans cesse entre le film de SF fascinant et le film d’auteur sans budget et prise de tête pour pas grand chose. Étrange.