"Une série de meurtres d’une rare violence bouleverse la vie de trois hommes : le père de la dernière victime qui rêve de vengeance ; un policier en quête de justice qui n’hésitera pas à outrepasser la loi ; et le principal suspect – un professeur de théologie arrêté et remis en liberté suite aux excès de la police. Forcément, ça ne peut pas donner une enquête classique…"
Aharon Keshales et Navot Papushado, sont deux réalisateurs (et accessoirement scénaristes et monteur de leurs propres films) israéliens dont leurs noms ne vous disent rien. Ce n’est pas un mal, puisqu’ils ont seulement à leur CV un long-métrage qui a dû se contenter d’une sortie en direct-to-dvd en janvier 2013. Rabies, tel est son nom, met en scène un groupe d’adolescent dont la route va croiser celle d’un serial killer qui ne semble pas seulement présent faire son footing matinal. Faisant croire au simple slasher sur le papier, le film s’avérait être bien plus intéressant que cela et se démarquait assez aisément de la concurrence malgré un fil conducteur finalement convenu. Grâce à ce premier film, qui fit malgré tout son petit bonhomme de chemin, notamment au travers de quelques festivals de cinéma où il fît sensation (Gerardmer 2012), les deux réalisateurs qui étaient à sa tête, on bénéficier de ce beau coup de pouce pour ce lancer dans une nouvelle aventure nommée : Big Bad Wolves. Un budget plus important, un véritable distributeur pour offrir au film une sortie cinéma, pour finir avec l’approbation de Quentin Tarantino qui en a notamment dit qu’il s’agissait du "Meilleur Film de l’Année"…rien que ça. Meilleur film de l’année peut-être pas, mais qu’elle est donc réellement ce film, qu’est-ce que Big Bad Wolves ?
Débutant par une scène d’introduction à la plastique absolument superbe, lorgnant vers un esprit de conte, tout en souhaitant conserver une identité qui lui est propre, on se demande si ce Big Bad Wolves est une comédie noire ou un thriller psychologique et violent. Cette scène d’introduction qui nous dévoile des enfants, jouant à cache-cache, s’achève par la disparition d’une petite fille dont on ne sait rien pour le moment. Il n’en reste seulement qu’une chaussure rouge. Grâce à cette belle esthétique, conservée jusqu’à l’apparition du titre du film, on découvre bien un film qui s’approprie des éléments provenant de contes pour enfants et les références envers les contes ne vont pas s’arrêter à cette introduction. Big Bad Wolves représente la chasse au grand méchant loup (mais qui est le grand méchant loup : le suspect, le policier ou le père ?), chasse que vont mener un policier aux méthodes peu conventionnelles et le père de la petite fille retrouvée attachée à une chaise en pleine forêt, la culotte au niveau des genoux et la tête en moins. Les premières minutes annoncent la couleur et même si le film proposera quelques mises en situation destinées à faire sourire, quelques jeux de mots très sombres, mais très drôles ou des personnages secondaires frôlant volontairement le ridicule, afin de faire redescendre la pression, il restera avant tout une chasse à l’homme où tout est permis et où l’envie de vengeance laisse place à une rage sans limites.
Brutal lors de ses scènes de torture, Big Bad Wolves met le spectateur face à un homme dont la mentalité peut changer (le flic) ainsi que face à un homme incontrôlable dont la rage ne cessera de blesser (le père). Le film décrit justement la méchanceté de l’homme lorsqu’il est en colère et prêt à tout pour avoir se qu’il souhaite, mais également la psychologie du deuxième homme qui lui est méchant parce qu’il se donne cette image, mais dont la rage n’atteint pas celle du père en quête de vengeance. Cette symétrie est intéressante, car les hommes se rejoignent sur un point, mais ils n’ont pas le même point de vue et ne sont pas rongés par la même envie, la même force. De plus, le spectateur va en permanence se demander si le suspect qu’ils interrogent et torturent est bel et bien coupable de cet odieux crime. N’est-ce pas seulement un simple objet pour les deux hommes qui ont besoin d’un coupable pour évacuer et pour se déculpabiliser de tout ce qu’ils sont en train de faire ? Plusieurs axes narratifs qui sont intéressants à décrypter, car bien menés grâce à une narration maitrisée et dont les questions posées trouvent de réelles réponses grâce à une prise de position des réalisateurs. Le plan final laisse bouche bée, amène à réfléchir, mais il laisse tout de même un léger sentiment de déjà vu.
De toute évidence et c’est sans surprise que le film n’atteint pas la force psychologique d’un véritable thriller à la manière d’un film réalisé par Denis Villeneuve, Atom Egoyan ou même David Fincher, mais il réussit tout de même à captiver grâce à une écriture juste qui joue habilement entre la violence psychologique et physique. Big Bad Wolves ne ment pas au spectateur et va droit au but grâce à une seconde partie qui prend aux tripes et qui rehausse clairement une première demi-heure soporifique et finalement sans grand intérêt puisque misant beaucoup sur les policiers en charge de l’enquête, policiers qui ne seront clairement plus du tout présents dans la seconde partie. Conventionnel, mais efficace dans son montage comme dans sa réalisation qui aime jouée sur les plans en plongé ou contre-plongé (connotation de soumis et insoumis, ce qui ramène encore une fois aux scènes de torture et d’interrogatoire), Big Bad Wolves est une bonne surprise, sans être le film de l’année. Choquant, mais juste, sans pour autant surprendre. Il souhaite prouver la cruauté de l’homme de par une violence qui n’est pas cachée et ça fonctionne. On pourrait dire que le tout manque de finesse ou de justesse, mais l’essentiel est là et le film n’a pas pour but d’égaler le travail des plus grands dans le genre.