Sorti l’été dernier, American nightmare nous avait séduit autant par son enrobage de thriller efficace que par sa critique féroce de la société américaine. Et apparemment, il a su séduire bien d’autres spectateurs puisque ses producteurs ont vite mis en chantier un deuxième volet.
Comme le premier épisode, le film se déroule dans un futur proche, où le nouveau pouvoir en place, les “Pères Fondateurs”, assied sa politique sur un nouveau dispositif, la purge annuelle. Le temps d’une nuit, les citoyens sont autorisés à donner libre cours à leurs pulsions violentes. Aucun des actes criminels commis pendant la purge ne sera condamné. Cela permet de faire d’une pierre deux coups, en réduisant significativement le nombre de crimes durant le reste de l’année et en réglant de manière radical tout problème de surpopulation. Sans parler des ventes de systèmes de sécurité et d’armes à feu qui explosent pendant cette période…
James DeMonaco a cependant eu la bonne idée de changer sensiblement de registre, pour ne pas refaire le même film. Si le premier film reposait sur les codes du “home invasion”, le second s’appuie sur la construction d’un survival urbain, lorgnant du côté de films comme Les Guerriers de la nuit de Walter Hill ou La Nuit du Jugement de Stephen Hopkins, ou encore du New York 1997 de John Carpenter.
L’intrigue est centrée sur trois groupes de personnages qui vont vite être obligés de faire équipe pour survivre à cette nuit fatidique. Une mère célibataire et sa fille, d’origine modeste, ciblées par un groupe de soldats armés jusqu’aux dents, un jeune couple victime d’un acte de sabotage quelques minutes avant le début de la purge et pourchassé par un gang particulièrement violent, et un vengeur solitaire qui veut profiter de la purge pour régler ses comptes avec ceux qui ont gâché sa vie.
Sur la forme, il n’y a pas grand chose à redire. C’est un thriller efficace, au scénario certes convenu et empreint de maladresses, mais suffisamment rythmé pour tenir le spectateur en haleine pendant 1h30. Il y a le quota règlementaire de morts violentes, d’embuscades sournoises et de courses-poursuites effrénées.
Sur le fond, c’est beaucoup plus discutable. La force du premier opus venait beaucoup de sa charge virulente contre la culture de la peur qui gangrène les Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001, la frénésie ultra-sécuritaire et le regain de forme de la National Rifle Association, qui défend le droit des citoyens américains de posséder une arme à feu. Et il montrait une situation pas si éloignée de la réalité, où les riches deviennent de plus en plus riches, et profitent de leur vie tranquille dans des bunkers luxueux tandis que les plus démunis doivent lutter pour leur survie.
Ici, il n’en reste plus grand chose. On peut bien sûr constater l’horreur de ce dispositif meurtrier qu’est la purge, mais il manque clairement la distance morale du premier opus, qu’apportaient des personnages autrement plus intéressant.
Pire, le film donne l’impression désagréable de faire l’apologie de la violence et de l’autodéfense.
Le personnage principal, par exemple, qui a tout de l’action-hero cool et stoïque, n’est pas vraiment un parangon de vertu. Il collectionne les armes lourdes et est obsédé par la vengeance. Quant au groupe qui cherche à s’opposer aux Pères Fondateurs et à l’inhumanité de la purge, il ne trouve rien mieux que de prendre les armes pour s’attaquer aux plus riches. Combattre le mal par le mal? Mouais…
En fait, on sent cette fois que toute la violence étalée à l’écran est purement complaisante. Le cinéaste exploite le côté voyeuriste de l’assistance et sa fascination pour la violence et le sadisme. Sans doute atteint-il sa cible, offrant à de nombreux spectateurs ce qu’ils étaient venus chercher. On pourrait même le remercier de leur offrir cet exutoire cinématographique qui les empêchera d’aller trucider le premier venu.
Mais en se rabaissant au niveau d’un simple film d’exploitation, il dénature complètement le propos du premier American Nightmare et en fait exactement ce qu’il entendait dénoncer : un défouloir annuel pour public décérébré, qui ne servira qu’à rendre un peu plus riches ses producteurs. En même temps, fallait-il s’attendre à autre chose de la part du type coupable de l’interminable série des Paranormal Activity?
Désolés, mais la prochaine purge se fera sans nous…
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The Purge : Anarchy
Réalisateur : James DeMonaco
Avec : Frank Grillo, Carmen Ejogo, Kiele Sanchez, Zach Giford, Michael K. Williams
Genre : série B con, plaisante, complaisante
Durée : 1h43
Date de sortie France : 23/07/2014
Note : ●●○○○○
Contrepoint critique : Le Parisien
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