[Critique Série] Game of Thrones crée par D.B. Weiss et David Benioff

Par Kevin Halgand @CineCinephile

[Cette critique contient des spoilers sur les 4 saisons actuellement sorties]

Pour commencer notre toute première critique de série, penchons-nous sur le choix que j’ai fait de m’attaquer à Game of Thrones. Alors que la série (en terme d’audiences) s’avère être la plus populaire depuis les Sopranos pour HBO, le géant du câble américain dont la suprématie prend peu à peu fin, elle est de plus en plus décriée, par ses détracteurs comme par des fans de la première heure. Autant vous le dire dès maintenant, je ne suis pas un grand fan de Game of Thrones, et je considère même la série comme une des plus grandes arnaques de la télé moderne. Pour autant, le but de cette critique ne sera pas de casser pour casser, mais simplement d’expliquer mon point de vue (forcément subjectif) sur la série, et pourquoi je ne la considère aucunement comme un pilier. Ceci étant dit, commençons.

Comme je l’ai dit plus haut, je ne suis pas un grand fan de la série. Je me suis franchement ennuyé sur les 7-8 premiers épisodes de la saison 1, et bien qu’ayant aimé la saison 2, je suis tombé de haut avec la 3, puis la 4, qui sont correctes, mais qui tiennent sur peu d’intrigues étirées au maximum et sur quelques morceaux de bravoure. Je n’ai (évidemment) pas tous les épisodes par cœur en tête, et le but ne sera donc pas de critiquer chaque saison en détail, mais de me baser sur mes souvenirs et mes impressions générales pour parler de la série.

Commençons par les points positifs de la série. Visuellement, ça claque. Et je veux dire vraiment, pas à la manière de Six Feet Under et son utilisation brillante du 4/3 ou des Sopranos et ses plans à tomber par terre, c’est un autre style, mais c’est beau. Bien que l’on sente quelque fois les maquettes, les effets spéciaux sont très maîtrisés (les dragons sont stupéfiants), les décors et costumes encore plus, et en matière de production on est face à quelque chose de grand, avec ses scènes de combats, ou sur le mur, dans les déserts avec Daenerys et dans le val d’Arryn (pour ne citer que les plus impressionnants). Sur ce point-là (et c’est le seul) la série fait plus grand, plus fort que les autres, et marque d’une pierre blanche l’Histoire de la télé. Seulement sur ce point.

Je ne vais pas vous faire la liste de tous les défauts que je trouve à Game of Thrones (GoT pour les intimes et la suite de cette critique), ce serait long et inutile. Mais expliquons la plupart de ces défauts. GoT est un soap. Oui oui vous avez bien lu. Toutes les intrigues de GoT utilisent les mécaniques d’un soap, bon bien sûr tous les personnages ne sont pas droits dans leurs bottes, beaux, forts et triomphants, bien au contraire. Ce n’est pas forcément un mal d’utiliser ces ressorts, mais à l’inverse des grands dramas estampillés HBO, GoT n’en tire pas profit et s’enferme, saison après saison dans une mécanique redondante et embêtante (sauf peut-être la saison 1 qui se distingue des autres sur ce point), entre Stannis et Melisandre, les amourettes de Jon Snow ou les embrouilles des Lannister, les sous-intrigues sont sans fin, et très souvent assez vides de sens.

Et surtout, Game of Thrones à la fâcheuse tendance à verser dans une provoc gratuite. Déjà envers ses spectateurs, en tuant quasiment tous les personnages. C’est d’ailleurs un principe répandu sur GoT, ne s’attacher à personne. D’accord, mais quel est l’intérêt? Quel est l’intérêt de regarder une série où les personnages vont mourir et où on le sait? On doit donc toujours s’inquiéter pour les personnages, en redoutant que le loto magique de GRR Martin ne fasse tomber notre préféré la semaine d’après? C’est, à mon sens, quelque chose de détestable. Dans des séries comme Six Feet Under ou les Sopranos (oui je les cite souvent), on s’inquiétait pour les personnages, à cause de l’environnement dans lesquels ils interagissaient, et chaque mort était un choc, quelque chose d’émotionnellement prenant. Dans GoT, absolument pas. On sait juste que les personnages vont mourir, ce qui est d’ailleurs un moyen de résolution de sous-intrigues bien trop facile, et donc on est choqué à leur mort, souvent visuellement assez gerbantes (le combat entre la Montagne et la Vipère de Dorne dans la saison 4 en est un bon exemple), mais on n’est jamais impliqué. Déçus, dégoûtés, mais pas émotionnellement marqués (ou alors uniquement par la nature de la mort). L’utilisation des scènes de sexe est également souvent complètement gratuite, comme pour stimuler un audimat qui commence à faire dodo, et la violence est visuellement très poussée, parfois assez gratuitement.

Mais, et pour arriver doucement à la conclusion, ce qui m’énerve le plus avec Game of Thrones, c’est l’adoration ambiante autour de la série. Je ne veux absolument rien dire de mal contre les fans, qui ont bien évidemment le droit d’aimer, simplement je me heurte souvent à des murs, qui rejettent toute autre série et qui vénèrent GoT sur le principe de "c’est joli et c’est compliqué donc c’est bien". Sauf que. Oui c’est beau, je l’ai dit plus haut, mais ce n’est en absolument rien compliqué. La narration est celle d’un soap comme je l’ai dit plus haut, mais elle n’a rien d’exceptionnelle. En 8 épisodes au début de l’année, True Detective à assommé Game of Thrones en tous points, mais parlons de la narration. En gérant plusieurs time-lines avec une fluidité hors-normes, et en faisant un bond de 7 ans sans perdre son spectateur au sein d’un même épisode, Pizzolato (seul scénariste, chose à souligner) et Fukunaga nous décrochait la mâchoire et nous faisait comprendre qu’il y avait une grande différence entre l’artifice et le talent brut. Et GoT n’est que cela, de l’artifice. D’accord on suit bien les différents groupes de personnages, mais en aucun cas la narration n’est plus impressionnante que celle d’une autre série. Simplement la distance physique entre les personnages nous laisse penser que l’on est face à un exploit de montage, mais quand on voit que certains personnages sont délaissés sur plusieurs épisodes, on se rend vite compte que tout ceci n’est que poudre aux yeux, certes très belle, mais rien de plus. Même certains épisodes de How I Met Your Mother, sitcom en format 20 minutes, sont plus impressionnants que GoT en terme de montage et de gestion du temps et de l’espace. Sad but True.

Bien évidemment que Game of Thrones n’a pas que des défauts, elle n’est pas mauvaise en elle-même, les intrigues sont construites et les personnages développés, mais comme dans toute série. GoT ne va pas au-delà de ce postulat, elle n’a pas ce petit truc en plus, qui la ferait entrer au panthéon des séries. Oui les acteurs sont bons, oui c’est propre visuellement, oui c’est construit. Mais les 3/4 des séries ont ces qualités, seules quelques unes transcendent leurs spectateurs.

Alors, je sais ce que vous allez me dire. Que tous les défauts que je cite étaient dans le livre. Soit peut-être. Sauf que ce n’est pas parce qu’une oeuvre est retranscrite exactement à l’écran, en conservant ses défauts que ça en fait quelque chose d’automatiquement bien. Je ne dénigre pas le travail de GRR Martin, simplement si les défauts étaient dans le livre, et bah c’était déjà mauvais à la base, et le fait qu’un auteur qui ait écrit une œuvre cohérente fasse des erreurs ne justifient pas qu’elles se retrouvent à l’écran, le travail d’adaptation c’est aussi ça, et ça vaut pour tous les écrits adaptés à l’écran.

Au final, je sais bien que je ne vous aurais pas fait changer d’avis, simplement je pense qu’il est nécessaire de rappeler que l’âge d’or d’HBO est derrière elle, et que Game of Thrones n’a rien d’exceptionnel. Certes, c’est sympa de pouvoir voir l’univers de GRR Martin à l’écran, et la série est le format le mieux adapté à la retranscription de ses écrits, mais ça s’arrête là. Si vous voulez voir de vraies bonnes séries avec des intrigues fortes, tournez vous vers Rome, Deadwood, les Sopranos ou The Wire, et si vous voulez vous attacher à des personnages, et savoir ce que ça fait de les voir disparaître et d’en être surpris, tournez vous vers Six Feet Under. Parce que rien ne surpassera ces chefs d’œuvres made in HBO, et que ça ferait du bien qu’ils aient un peu plus de considération aujourd’hui.