"A la suite de circonstances indépendantes de sa volonté, une jeune étudiante voit ses capacités intellectuelles se développer à l’infini. Elle « colonise » son cerveau, et acquiert des pouvoirs illimités."
À la suite de circonstances indépendantes de sa volonté, un réalisateur français se voit renier par une partie de la population de son pays parce que soi-disant il n’utiliserait pas suffisamment les capacités de son cerveau humain pour produire et importer en France, suffisamment de films qui puissent à la fois convenir au grand public comme aux cinéphiles. Réalisateur de talent, qui a de l’ambition depuis son plus jeune âge et qui a tout fait pour que son pays natal puisse être fier de son cinéma et puisse continuer à créer des films de plus ou moins grandes envergures, Luc Besson c’est toujours fait critiquer (injustement ou non) en tant que réalisateur, mais surtout en temps que producteur. Créateur de la société EuropaCorp, société qui finance des films grands public dans le but d’amasser toujours plus d’argent, c’est un homme qui est vu comme le destructeur du cinéma dans son pays et le sauveteur du cinéma indépendant à l’étranger. Sans différents films d’actions comme les Taken ou les Transporteurs (gros succès pour chacun des films), la société EuropaCorp n’aurait pas pu produire certains films indépendants qui, sans leur aide, n’auraient jamais vu le jour. Souvenez-vous de l’adulé The Homesman, magnifique western réalisé par Tommy Lee Jones et produit par, je vous le donne en mille : EuropaCorp. Sans cette société et son créateur, le film de Tommy Lee Jones n’aurait jamais vu le jour, car les producteurs américains n’avaient pas confiance en ce projet signé tout de même Tommy Lee Jones. Oui, tout n’est pas rose chez eux. Oui, les films qu’ils produisent ne plaisent pas à tout le monde, mais depuis quand un film doit avant tout plaire au plus grand nombre. À partir du moment où par à côté, l’argent amassé par les blockbusters sert à des fins cinématographiques et/ou à donner la chance à certains de mettre en place leurs projets, on ne voit pas où est le mal. Il faut de tout pour faire un monde, même de personnes qui malgré les critiques persistent et continuent tant bien que mal de mettre en place leurs projets de longue date.
Songeur et intrigué par le cerveau humain depuis une dizaine d’années, Luc Besson c’est mis en tête de réaliser un film qui répondrait à la fois aux codes du film de science-fiction modernes, tout en apportant une suggestion sur le comportement du cerveau. Utilisant une théorie vieille de 100 ans qui déclarait que l’homme n’utiliserait que 10% de ses capacités cérébrales, théorie réfutée il y a maintenant 50ans suite à des recherches de plus en plus précises sur le comportement du cerveau humain, Lucy est un film de science-fiction qui ne fait que suggéré une hypothèse indémontrable sur le cerveau humain afin d’aboutir sur une morale finalement convenue et réaliste (presque trop facile tellement le film déborde d’idées). La science-fiction est un genre qui s’est toujours penché sur le futur, sur un futur hypothétique, mais pas forcément surréaliste (il existe après plusieurs types de films de science-fiction, ne pas mettre tous les œufs dans le même panier). Lucy est un film de science-fiction, mais c’est surtout un film de science-fiction où la science à son mot à dire et où la fiction vient exacerber cette science. Film d’action avant tout, Lucy se perd par moment dans une description trop précise de l’humain et de la vie en général aux dépens de quelques thèmes plus intéressants comme celui du temps, temps qui peut être perçu de diverses manières par l’homme, suivant le degré de connexions de son cerveau.
Complet, peut-être même trop complet, en moins d’une heure et demie, Luc Besson décrypte au spectateur plusieurs termes qui vont venir s’enchevêtrer dans un seul et même arc narratif dédié au cerveau et à l’humain. Toujours centré sur Lucy qui voit ses capacités neuronales explosées au fur et à mesure de l’avancé du film, le film se pose comme une course contre la montre durant laquelle le spectateur se divertit grâce à des scènes d’actions aux effets spéciaux renversants. Une colorimétrie chatoyante et une réalisation assez large permettent au film d’être très agréable à visionner grâce à un montage dynamique, mais pas saccadé. Monté astucieusement, le film conserve durant toute sa durée le même rythme et ne lâche à aucun moment le spectateur. Mis en scène de façon à ce que le scénario et sa morale finale paraissent limpides à chacun, cette mise en scène énergique réussie à se stabiliser lorsque le film a besoin de se poser pour mieux développer certains aspects scénaristiques. De plus, Luc Besson (scénariste/réalisateur/producteur) sait comment il lui faut diriger Scarlett Johansson afin que celle-ci prenne corps avec son personnage censé évoluer d’heure en heure. Surprenante, Scarlett Johansson offre au film une interprétation convaincante, permettant au spectateur de voir par ses propres yeux les effets du développement de l’activité neuronale sur le personnage.
Critiquant l’homme, sans oublier que celui-ci a toujours les cartes en main pour évoluer de la meilleure manière qui soit, Lucy s’impose comme un divertissement efficace et accrocheur grâce à un rythme soutenu et un scénario habile. Porté par l’envie d’utiliser des théories réelles sur l’homme dans le but de les exacerber à l’écran pour offrir du grand spectacle, Luc Besson va parfois trop loin, frôle le ridicule par moment (dialogues, méchant qui manque cruellement de charisme et de personnalité, personnages secondaires totalement inutiles, absorption de la drogue par Lucy, acteurs secondaires assez fades…), mais se relève, grâce à un scénario qui joue avec habilité sur les différents termes qu’il utilise et développe, tout en divertissant avec des scènes d’actions qui utilisent de belles manières les compétences neuronales acquises malgré elle par Lucy. La France n’a absolument rien à envier aux États-Unis et ce réalisateur de talent nous le prouve une nouvelle fois, 17 ans après Le Cinquième Élément. Il était temps de se réveiller, mais il est toujours là.