Mais quelle vérité ? Celle de ses parents, acteurs comme elle, celle de ses frères et sœurs, celle des amis d’antan ? Jouant les détectives avec une ironie et un naturel désarmants, elle va tenter de démêler la pelote de toutes ces histoires que l’on raconte, et auxquelles on finit par croire. La légende familiale se construit alors sous nos yeux, entre faux-semblants et sincérité, humour et tendresse.
A la frontière de plusieurs genres cinématographiques, tordant le cou aux clichés du documentaire et du cinéma vérité, Stories We Tell mêle souvenirs et fiction, mystères et fausses pistes, mensonges et révélations. Bref, l’histoire d’une famille comme les autres.
« A l’image de l’histoire elle-même, chacun choisit ce qu’il veut, chacun montre son histoire en décidant ce qu’il veut garder. Le résultat n’a rien de sérieux : chacun choisit son rôle ».
Reconstituer l’histoire familiale à travers les récits de chacun, se confronter à l’inévitable altération des souvenirs recomposés, décomposés, réinventés, sciemment ou involontairement, pour sublimer notre histoire, remplir les blancs provoqués par le temps et se confronter à l’impossible quête de vérité absolue. Tel est le propos passionnant de Sarah Polley, qui, à partir de son aventure personnelle, parvient à toucher l’universel.
Construit comme un puzzle dont les pièces se mettent en place au gré des souvenirs, Stories We Tell brouille les frontières entre documentaire et fiction (des comédiens rejouent des scènes de la vie quotidienne passée, les images d’archives manquantes sont recréées au moyen d’une caméra Super 8, le père de Sarah, lui-même comédien, s’amuse de sa double casquette d’interprète-narrateur…), et pose la question de la mémoire faillible, un sujet que la cinéaste avait déjà abordé dans son premier long métrage Loin d’elle.
A travers cette « vraie-fausse » enquête, Polley met en scène avec pudeur et délicatesse la révélation du secret, la répercussion sur sa famille, la rencontre avec son père biologique et son autre famille insoupçonnée, et surtout, redonne vie à cette mère partie trop tôt à travers la parole de son entourage.
Si l’on regrette que la version DVD ne bénéficie d’aucun bonus (un tel projet aurait mérité quelques compléments explicatifs), Stories We Tell se démarque par sa singularité qui en fait une oeuvre profondément émouvante, inventive et sincère.
Un bon film à retrouver sur le site de notre partenaire CineTrafic, ainsi que dans la catégorie film 2014.
Sortie en DVD depuis le 20 mai 2014 (édité par Zylo).
Stories We Tell