Critique : De l’Eau Pour Les Eléphants

Par Nicolas Szafranski @PoingCritique

 Une piste sans étoile

Un vieil éléphant nous retrace sa carrière de vétérinaire dans ce qui fut le dernier tour de piste du cirque Biazini, alors dirigé par l’indomptable August Rosenbluth, un Monsieur Loyal opiniâtre et possessif qui n’hésitait pas à balancer sa main-d’œuvre hors du train pour cause de restriction budgétaire. "Je suis une légende" semble t-il nous avouer, à demi-mot, le grabataire Jacob Jankowski, qui souffre d’un évident syndrome du Titanic. Sombrant dès lors dans les profondeurs de sa mémoire, il nous dévoile par la même occasion son amour pour Marlene Rosenbluth, une imprenable écuyère, propriété de l’odieux régisseur de manège. Francis Lawrence, devenu le nouveau circassien de Hollywood après avoir chasser démons infernaux et autres monstres noctambules des grandes mégalopoles américaines, se met au vert, braconnant sur les terres de grands maitres de la piste (James Cameron, Henry Hathaway, Cecil B. DeMille, Cooper et Schoedsack). Loin des récits apocalyptiques qu’il a pour habitude de chapeauter, le cinéaste observe une ménagerie à trois se déchirer sous les projecteurs d’un Barnum à la dérive où le pachyderme titre cristallise les multiples facettes d’un milieu et d’une époque sans pitié. La réalisation se veut simple, neutre, se découvrant de tout excentricité afin de laisser libre cours au récit et au très joli accompagnement musical composé par James Newton Howard de s’imposer par eux-mêmes à l’écran. La poussière se soulève sous les rayons du soleil, la toile se gonfle, mais ce chapiteau s’approche finalement que de très loin du programme promis par l’affiche. Faute de parvenir à dresser la toile scénaristique tissée par le tchéco des romances, Richard LaGravenese, notre cornac exécute ses numéros sans parvenir à faire vibrer notre cœur. On a ainsi l’impression que le cinéaste n’est présent en coulisse uniquement pour abaisser mécaniquement des leviers narratifs, faisant apparaître des tensions ici et là afin de rehausser artificiellement l’intérêt d’un film qui perd de son charme au fil des minutes. En outre, il lui manque un rythme, une âme, un vrai souffle romanesque que le couple vedette ne parvient d’ailleurs pas le moins du monde à incarner. La blonde Reese Witherspoon et le blême Robert Pattinson, plutôt convaincant chacun de leurs côtés, sont incapables de déclencher l’étincelle d’une passion qui se voulait incandescente et qui ne gagne en vigueur uniquement grâce aux monstrueuses intrusions du grinçant et monomaniaque Christoph Waltz. Ramollo de la trompe, même lorsqu’il sort les rames du thriller romantique et du grand spectacle avec une acrobatie finale à base de rébellion zoologique, De l’Eau Pour Les Eléphants demeure une biographie anecdotique dans un genre pourtant chiche en représentant. (2.5/5)

Water For Elephants (États-Unis, 2011). Durée : 1h55. Réalisation : Francis Lawrence. Scénario : Richard LaGravenese. Image : Rodrigo Prieto. Montage : Alan Edward Bell. Musique : James Newton Howard. Distribution : Robert Pattinson (Jacob Jankowski jeune), Reese Witherspoon (Marlène Rosenbluth), Christoph Waltz (August Rosenbluth), Hal Holbrook (Jacob Jankowski âgé), Jim Norton (Camel).