La Planète Des Singes – l’Affrontement

Par Nicolas Szafranski @PoingCritique

Les derniers d’entre nous.

Dans l’épisode précédent, le général en chef des primates conduisait ses troupes à la conquête d’une liberté jadis enfermée dans les cellules aseptisées d’un laboratoire de recherche. Depuis, la grippe simienne a décimé les trois quarts de la population humaine, obligeant ses derniers survivants à se replier dans les ruines de leur ancienne civilisation. Les singes, en revanche, semblent être parvenus à bâtir une généalogie aux ramures solides comme celles de ces séquoias sur lesquels repose leur nouveau berceau. Plongé dans les yeux d’un César menant une fronde contre une meute de chevreuils, le spectateur arpente ce nouveau récit du côté de nos lointains cousins, vivant de front leur rencontre avec ce troisième type, tout de parka vêtu, venant chercher promesse et renaissance dans un barrage englouti au fin fond de la forêt san-franciscaine. Comme pour sa préquelle, il n’est pas ici question de faire feu de tout bois dans des empoignades primitives, mais de raviver des souvenirs, notamment ceux de ces guerres qui jalonnent l’histoire du Nouveau Monde. Ce fameux barrage qui permettra aux Hommes de survivre et de reconnecter le monde en rétablissant la tonalité avec les colonies potentielles, nous rejoue la mélodie de la colonisation en cristallisant les conquêtes meurtrières des Amériques. Ce neo Avatar, auquel il dérobe le savoir-faire des magiciens de la Weta pour composer des macaques plus vrais que nature, donne ainsi dans l’écologie, recyclant à grande brassée les récits et les mythes, celui du bon sauvage, de la perversion et de la reconquête. Une contextualisation classique des évènements qui appelle quelques facilités et une certaine prévisibilité, notamment en ce qui concerne le cycle de violence dans lequel vient s’engouffrer les deux tributs. Cependant, ces paramètres nous permettent de ressentir et de vivre plus intensément encore ce désarrois qui accable les artisans de la paix et d’accueillir à bras ouvert les émotions que cherche à nous transmettre le réalisateur. Par-delà les montagnes d’une somptueuse direction artistique, le souffle d’une partition de haute volée, et le minimalisme grandiose de la réalisation, le bosquet de personnages, interprétés par une équipe d’acteurs brillamment dressée, est alors à voir comme des points d’entrée sur le casus belli qui provoquera l’affrontement titre. À ce titre, Koba, le bras droit putchiste de l’empereur des primates, tire intelligemment son épingle du jeu par sa faculté à duper son monde en jouant de son image. Ainsi, à la lumière fièrement hissée par Matt Reeves, ce trek atteint des hauteurs simiesques par la grâce d’une authenticité et d’une efficacité parfaitement ciselé dans la souche de cette solide forteresse. (4/5)

Dawn Of The Planet Of The Apes (États-Unis, 2014). Durée : 2h11. Réalisation : Matt Reeves. Scénario : Mark Bomback, Rick Jaffa, Amanda Silver. Image : Michael Seresin. Montage : William Hoy, Stan Salfas. Musique : Michael Giacchino. Distribution : Jason Clarke (Malcolm), Andy Serkis (César), Gary Oldman (Dreyfuss), Keri Russell (Ellie), Kodi Smit-McPhee (Alexander), Toby Kebbell (Koba).