Lorsque l’on voit la sélection de films proposée au Festival de Cannes, on se rend compte que l’on tourne très souvent autour de films engagés ou de films d’auteur. Ce sont souvent de très beaux films, mais certaines catégories de cinéma n’y ont pas forcément leurs places, comme les blockbusters par exemple. C’est un mal pour un bien vous nous direz, puisque de cette manière l’on peut rééquilibrer la balance puisque le restant de l’année l’on parle majoritairement des films à gros budget. Néanmoins, le Festival de Cannes, comme tout autre festival de cinéma, est le moyen parfait pour découvrir de nouveaux talents et/ou de nouveaux longs-métrages qui font parfois échos à des films qui ont fait de nous ce que nous sommes. Au-delà du cinéma d’auteur et indépendant, il y a un genre en particulier qui profité de la sélection 2014 du Festival de Cannes pour refaire surface au travers de trois films et pas des moindres. Ce genre n’est autre que le western. Pouvant être dérivé de diverses manières, ce genre résonne au générique de trois films présents hors compétition et en compétition du festival. Alors que David Michôd c’est servi de l’ambiance et des paysages arides qui caractérisent le genre pour exacerber le côté psychologique de ces personnages dans The Rover, Tommy Lee Jones à en ce qui le concerne, décidé de faire revivre le genre avec un magnifique film dans lequel le son des balles résonne comme un cri provenant du cœur des protagonistes. Le troisième film de cette sélection est un western danois qui se nomme The Salvation.
Réalisé par Kristian Levring avec dans le rôle-titre Mads Mikkelsen, The Salvation ne tente pas de faire revivre le genre tel qu’avait voulu le faire Tommy Lee Jones, il lui rend tout simplement hommage. Plus proche du western dans sa période classique que du western crépusculaire, The Salvation n’essaye pas de faire dans l’originalité puisqu’il se sert des stéréotypes créés par le genre dans ses plus grandes années. Un homme humble, dont le plus grand rêve est de vivre une vie paisible avec sa femme et son fils, voit son rêve sombrer du jour au lendemain à cause d’un jeune vaurien dont les pulsions pourront simplement être réfrénées par une cartouche de Winchester. Comme vous avez pu le voir, je n’ai cette fois, pas incrusté le synopsis du film en amont de cette critique. Parfois il est nécessaire d’avoir lu un synopsis pour savoir on l’on met les pieds lorsqu’on entre dans la salle de cinéma, mais très souvent, il est bien mieux d’y aller vide de toute information. Concernant The Salvation, même si l’histoire ne vous fera pas travailler les méninges de la même manière que le dernier Denis Villeneuve, il n’est en aucun cas de bon conseil que de vous dire d’aller regarder l’unique bande-annonce disponible ou de lire son synopsis. Véritable hommage aux grands classiques du genre, The Salvation traite allègrement de la psychologie humaine au travers de personnage qui ne souhaitent qu’une chose : se venger. L’essentiel n’est pas de savoir qui a été tué ou qui le sera, l’essentiel réside dans le traitement psychologique réservé au protagoniste par le scénariste, qui en l’occurrence sont deux : Kristian Levring et Anders Thomas Jensen.
Au-delà des personnages stéréotypés présents dans ce long métrage, il est intéressant de voir que Kritian Levring a décidé pour son western de ne pas faire comme les autres en n’utilisant que partiellement le stéréotype de l’homme qui n’a rien à perdre, ni peur de rien. Plus dans la contemplation et dans la retenue, The Salvation n’a pas la gâchette facile et son protagoniste non plus. Malgré une dernière partie dans laquelle le metteur en scène, comme les personnages, s’en donnent à cœur joie, le restant du film est très lent, mais ce n’est pas pour nous déplaire. Peut-être trop lent à certains moment à cause d’une bande sonore qui ne se fait pas suffisamment entendre pour insuffler du rythme au récit, le long-métrage se sert avec justesse de cette lenteur pour offrir aux spectateurs un western dans lequel les images parlent pour les personnages. Peu de dialogues, peu de musiques, mais de belles images et de beaux plans qui nous en disent long sur les personnages et leurs souffrances intérieures. C’est grâce à une palette assez vaste de plans (du plan large au gros plan, en passant par le plan américain), le réalisateur utilise toutes les armes qu’il a en sa possession pour donner vie à ses personnages et leur permettre de sortir des sentiers battus. Tourné en Afrique du Sud, The Salvation possède des décors qui font échos aux vastes plaines arides du genre.
Même si la belle et reconnue Monument Valley n’est pas de la partie, le long-métrage réussi à pallier à ce problème visuel en réussissant à se créer une identité visuelle qui lui est propre. Avec une saturation des couleurs très prononcées, le film pourrait s’inscrire aisément comme un retour à la bande dessinée. C’est assez particulier au premier abord, mais ça apporte une véritable plus valu au film et de plus, les couleurs choisies s’inscrivent toujours dans un soucie de cohérence avec l’histoire des personnages, afin de faire ressortir leurs émotions intérieures uniquement par le biais de l’image et non pas via des dialogues souvent sans importances. Très bel hommage aux westerns dans leur période classique que ce soit sur le plan formel ou dans le fond, The Salvation réussi à emporter le spectateur dans une lente et longue chevauchée contemplative durant laquelle des balles fuseront, des corps tomberont au sol et Eva Green ne dira pas un mot, mais réussira tout de même à faire parler son talent. Pas besoin de dire que Mads Mikkelsen excelle dans ce registre grâce à un jeu, qui fait en sorte que le personnage n’agisse pas sans réfléchir et reste plus longtemps dans l’introspection que dans l’extériorisation. Il sait comment maîtriser ce genre de personnage et nous le prouve une nouvelle fois avec brio.