La belle des bois.
Incarnation d’une branche de l’animation japonaise, Hayao Miyazaki est considéré, depuis ses premiers coups de crayon pour la Toei, comme l’égal de Walt Disney en son pays. Cependant, les relations houleuses entre les médias occidentaux et les fulgoropoings de la japanimation ne permettent pas à ses travaux de franchir les gouffres océaniques séparant le Japon du reste du Monde. Il faudra qu’un accord soit conclu entre la maison aux grandes oreilles et le studio Ghibli pour qu’enfin le grand public découvrent ses longs métrages. Princesse Mononoké devient alors le premier long métrage de Miyazaki à être exploité en salle aux États-Unis et en Europe, mais il apparait également être le dernier de cette nature pour ce vieux sage du dessin animé qui avoue ne plus avoir l’énergie nécessaire pour achever, seul, des projets de cette envergure. Il en faut effectivement, de l’énergie, pour tracer aussi fougueusement les lignes de cette éblouissante fresque sylvestre à travers les montagnes boisées qui couvrent la péninsule japonaise de l’époque médiévale. Ceci malgré l’âge avancé que compte son auteur au moment de sa réalisation, Princesse Mononoké était et reste aujourd’hui une œuvre profondément moderne, autant dans sa forme (magnifique) que dans son fond (superbe), précédant par la même d’une bonne dizaine d’année les préoccupations écologiques dont se nourrit le cinéma mondial à l’horizon du troisième millénaire. Ainsi, Hayao Miyazaki, héritier du traumatisme atomique du maitre Osamu Tezuka, s’attache plus que jamais à témoigner de cette précarité qui unit le monde sauvage et la civilisation humaine, non sans pour cela nuancer remarquablement la posture morale de ses personnages. Ce regard bienveillant et dépourvu de manichéisme qu’il pose sur eux révèle tout autant la sensibilité d’un auteur humain qui se refuse d’adopter la posture de l’inquisiteur, que l’optimisme dont est emprunt son univers, nous offrant par la même l’opportunité de comprendre les postures de ses protagonistes, parmi lesquelles l’imposante Dame Eboshi, souveraine dissidente à l’ordre féodal de l’empereur qui ignore aucunement les sacrifices faits par elle-même et par les siens afin d’acquérir l’indépendance politique et économique qu’elle souhaite, quand bien même cela exige la destruction de toute une forêt. Dans cette cavité faite de bois, de feu et de sang dans laquelle le jeune Ashitaka vient cherche les origines du mal qui le ronge, le bien et le mal constituent les deux faces indissociables de l’Homme et du Monde. Une vision que le réalisateur prolonge à l’image en faisant se côtoyer, dans un même mouvement, des paysages d’une impressionnante beauté et des éclats de violence d’une renversante ardeur. En plus de revêtir les somptueux habits d’une narration vive et intelligente, Princesse Mononoké propose une épopée graphique de toute beauté. Sans nul doute la porte idéale pour pénétrer dans le vaste royaume de ce grand maitre de l’animation qu’est Hayao Miyazaki. (5/5)
Mononoke-Hime (Japon, 1997). Durée : 2h14. Réalisation : Hayao Miyazaki. Scénario : Hayao Miyazaki. Image : Atsushi Okui. Montage : Hayao Miyazaki, Takeshi Seyama. Musique : Joe Hisaishi. Distribution Vocale (VO) : Yoji Matsuda (Ashitaka), Yuriko Ishida (San), Akihiro Miwa (Moro), Yuko Tanaka (Dame Eboshi), Kaoru Kobayashi (Jiko), Sumi Shimamoto (Toki). Distribution Vocale (VF) : Cédric Dumond (Ashitaka), Virginie Méry (San), Catherine Sola (Moro), Micky Sébastian (Dame Eboshi), André Chaumeau (Jiko), Adèle Carasso (Toki).