Mars et crève.
Du romantique au cœur brulant au nazi d’outre-tombe, les zombies investissent l’ensemble du terrain cinématographique au point même de pouvoir les entendre aujourd’hui clapper à la surface de la planète rouge. Incontestablement, il y a quelque chose de pas très clair qui flotte dans l’air de Mars. Dépourvu des peintures tribales et des armures jadis portées par le Big Daddy de John Carpenter, ces morts vivants emboitent davantage le pas à cet astronaute carbonisé par son incandescente fascination pour l’astre solaire détourer par Danny Boyle qu’aux carnassiers efflanqués de George A. Romero. Une bactérie, semble prescrire la thèse avancée par réalisateur Ruairi Robinson, transforme donc de braves humains en cannibales décharnés. Mais au final, il fait peu de cas de la nature indicible de cette menace invisible asséchant le corps et drainant la mémoire de son hôte, du moment que les survivants qu’il met en scène résistent et prouvent qu’ils existent, par leurs corps ainsi que par leurs esprits. À charge ensuite au cinéaste de jouer efficacement sur cette terreur virale. Ciseaux et perceuse deviennent alors les outils idéaux pour fendre la fine cuirasse en tissu qui sépare la chair de l’atmosphère martienne, scellant par la même le tragique destin de nos malheureux astronautes. De ce seul fait, les scènes de corps à corps deviennent particulièrement angoissantes alors même qu’elles se réservent nécessairement le droit de jouer la carte d’une économie visuelle imposée par son modeste budget. Développant son récit dans les intérieurs aseptisés d’un avant-poste scientifique et de modules de transports tout en jouant au maximum sur le hors champ et sur un montage syncopé, le film coupe à toute complexité graphique comme avait pu le faire Duncan Jones sur l’orbite lunaire afin de s’assurer de pouvoir offrir des extérieurs de toutes beautés, des effets spéciaux solides et des maquillages crédibles. Des efforts esthétiques qui ne dissimulent pour autant pas totalement les inquiétudes concernant la capacité de ces derniers jours sur Mars à offrir une expérience distante de celle proposée par les productions génériques. Mais une fois brisée le manteau rocheux d’un récit aux mécanismes narratifs et aux personnages éprouvés, on savoure la constante recherche du réalisateur à vouloir élever le niveau de lecture de son survival. Par petite touche, lui et son scénariste, Clive Dawson, composent une atmosphère empreinte d’une épouvante mélancolique, celle de se faire dévorer par le vide, celui de l’espace, celui du cortex à tout jamais corrompu par cette contamination. À la tête de cette expédition, l’imposant Liev Schreiber, acteur à la présence bestiale trop souvent envoyé au charbon de métrages de seconde zone, incarne remarquablement ce spleen qui tente de s’infiltrer dans chaque pore de ce trip martien qui vise à une proposition de qualité plus qu’à une invitation à l’originalité. (3/5)
The Last Days On Mars (Grande-Bretagne, 2013). Durée : 1h41. Réalisation : Ruairi Robinson. Scénario : Ruairi Robinson, Clive Dawson. Image : Robbie Ryan. Montage : Peter Lambert. Musique : Max Richter. Distribution : Liev Schreiber (Vincent Campbell), Elias Koteas (Charles Brunel), Romola Garai (Rebecca Lane), Olivia Williams (Kim Aldrich), Johnny Harris (Robert Irwin).