[Critique | Avant Première] Horns réalisé par Alexandre Aja

Par Kevin Halgand @CineCinephile

Publié par popolbird le 24 septembre 2014 dans Critiques | Poster un commentaire

Ah le mois d’octobre 2014… Après une année quand même pas folichonne, avec maximum 3 films qui sortent du lot d’une production régressive, cette fin d’année vient donner un coup de pied là-dedans. Avec Christopher Nolan qui vient nous livrer son 2001 l’odyssée de l’espace et qui risque bien d’écraser la concurrence, David Fincher qui, non-content de bouleverser à nouveau la manière de filmer moderne, risque de nous livrer le thriller de l’année ou encore Xavier Dolan qui risque de livrer un deuxième choc cette année (oui j’inclue Tom à la ferme dans les 3 films), la fin de l’année sera, espérons-le, plus riche que les 9 premiers mois. Mais en attendant, concentrons-nous sur une de mes plus grandes attentes, le film qui ouvre le mois d’octobre, j’ai nommé Horns, du prodige Alexandre Aja.

Premièrement, comme je l’ai laissé entendre, j’adore le cinéma d’Alexandre Aja. Même si le visionnage de ses films n’est pas tout frais dans ma tête, il reste un réalisateur atypique, qui fait du genre, et bien. Cinéma quasiment éteint en France, le film d’horreur et de genre est pourtant un réservoir à excellents films, quand ils sont bien faits. Bien que dans notre cher pays il ne nous soit pas donné tous les jours d’en voir, quand un réalisateur tricolore met en scène Daniel Radcliffe dans l’adaptation d’un livre de Joe Hill (fils du grand Stephen King), on ne peut s’empêcher d’être content, malgré les défauts du film.

Le film, parlons-en. Accusé du meurtre de sa bien-aimée, figure de la pureté, Ig Perrish, toujours suivi de près par une tripotée de journalistes, s’enfonce dans l’alcool et les cachoteries. Un jour le jeune homme se réveille, et se rend compte que des cornes lui ont poussé sur le front après une nuit agitée. Se rendant compte que les cornes ne sont pas qu’un étrange maléfice, il va alors commencer une enquête pour retrouver le meurtrier de sa promise, Merrin Williams.

Et c’est probablement le point sur lequel le film pêche le plus : l’enquête. Au moins, le film a l’avantage de sortir avant Gone Girl, qui risque de le ridiculiser sur ce point. Mais le film est bien trop superficiel sur ce point-là. Présent après la projection pour une question réponse, Alexandre Aja l’a dit, s’il avait voulu adapter tout le livre, il aurait fait un film de 6 heures. Et on voit qu’il a préféré se concentrer sur le côté humoristique, romantique et sur ses sous-thèmes que sur la mécanique de l’enquête, qui se déroule sans aucun accroc ni surprise, minute après minute. Ce n’est pas spécialement dérangeant d’autant plus que la structure du film lui donne une plus grande profondeur et amène des éléments de manière intelligente et jamais lourde (excepté dans le traitement d’un personnage).

Ce qui intéresse vraiment Aja, c’est le fond du truc. Les cornes conférant un certain pouvoir à Ig, Alexandre Aja va s’en servir pour montrer tous les côtés sombres de l’humanité, des pensées obscènes ou immorales, ou simplement du refoulement des sentiments dans certaines scènes tour à tour très drôles ou assez émouvantes. Lors des premiers moments des cornes, où l’ont se demande ce qui se passe, on est également mis dans une position délicate. En effet, on a tous toujours rêvé d’assouvir nos envies les plus primales (surtout dans la scène de la salle d’attente), mais lorsqu’on y est confronté, que faire? Attendre patiemment que les choses se tassent, ou dire ce que l’on pense, malgré les retombées désastreuses que cela pourrait causer? C’est la thématique qui parcourt tout le film, l’hypocrisie ambiante qui règne dans nos sociétés, et le choix constant entre un sourire ou un hurlement face à certaines personnes. C’est une image très dure de l’humanité qui est ici présentée. Les pires pensées nous traverse tout le temps l’esprit, aussi propre sur nous que l’ont soit, et à l’inverse, aussi trash que l’on veuille paraître, on a tous un cœur aussi.

Mais, au-delà de Radcliffe et toute la troupe d’acteurs qui délivrent des performances jouissives, chacun dans leurs rôles souvent assez déjantés, c’est bien le travail d’Alexandre Aja qui hausse le film au-dessus d’un melting-pot fantastico-policier. En utilisant la musique avec une intelligence remarquable, et en composant ainsi une des séquences les plus cools de l’année, en filmant avec très peu d’effets spéciaux, ce qui apporte un vrai plus par rapport au parti-pris réaliste et romantique du film, le réal pose quasiment une ambiance différente à chaque scène, créant même parfois des scènes "parenthèses", qui va de l’horreur (une des séquences est difficilement soutenable dans sa montée en tension au sein du film) à la comédie ou la "coolitude" subversive. Alexandre Aja filme avec beaucoup d’intelligence, ses cadres sont toujours pensées et le début du film est renversant. Si les dialogues ne sont pas toujours au top et que la voix off surexplique un peu la chose, on ne lui en voudra pas, tant la structure du film permet d’aérer le récit et de bien le construire.

Évidemment, Horns n’est pas parfait, tant le motif principal de son film est un peu bâclé. Mais le boulot du réalisateur, les sous-thèmes et le traitement de l’histoire d’amour et de ces protagonistes principaux d’un angle romantique (au sens premier du terme, qui renvoie à la littérature) en fond un film assez riche pour satisfaire. Malheureusement, le dernier acte qui part un peu en n’importe quoi, la répétition d’une symbolique (et ses conséquences) assez ennuyeuse et douteuse si l’on n’y adhère pas viennent un peu gâcher le plaisir que l’on prenait devant une œuvre assez profonde et assez légèrement subversive.

Si je ne doute pas que l’on verra mieux d’ici le 31 décembre, le fait est que l’on a vu des choses tellement mauvaises cette année que Horns est de ces films habituellement bons qui font remonter la moyenne de manière fulgurante dans des années comme celle-là.