[#8 Retour Sur...] The Signal réalisé par William Eubank

Par Kevin Halgand @CineCinephile

Ça ne sortira jamais en salles en France, et ça semble encore étonnant vu les résultats du film au box-office américain et les notes plus positives que négatives des critiques. The Signal, réalisé par William Eubank avec comme seule « grande » présence au casting Laurence Fishburne (Matrix, Mission: Impossible 3, Les Experts, Las Vegas 21, Contact, Contagion, beau CV quand même), c’est une beauté plastique extrêmement saisissante (hormis quelques effets spéciaux ) tant ses décors sont parfaitement mis en valeur par une photographie propre et une mise en scène très moderne. Mais derrière, son scénario aussi lisse que vidé d’enjeux dans sa discussion, ses personnages mal fichus et son intrigue à dormir debout comblent un tableau qui aurait pu être exceptionnel.

The Signal, c’est l’histoire de deux copains d’enfance qui traquent un hacker, « Nomad », en plein désert du Nevada, accompagné de la petite amie de l’un d’entre eux. Une fois arrivés à destination, ils découvrent la véritable intention du hacker, perverse à souhait. Enfin, je crois que c’est pervers. Là est le problème du film, c’est que son ambiance ne résout pas tout son fil rouge très creux. Il est bien beau de montrer trois péquenauds dans un désert en train d’échapper à leur ravisseur, mais encore faudrait-il savoir pourquoi ils le recherchaient, pourquoi ces jeunes personnes perdent leur mémoire ou dérapent après leur kidnapping par « Nomad », pourquoi l’un des deux hommes utilise des béquilles pour se déplacer… Toutes ses questions n’ont hélas aucune réponse, tant le long-métrage est vide de sens et ne parvient pas à combler ces défauts d’une autre manière. Les enjeux de ces 90 minutes sont absolument inexistants (sauf un, minime, à la fin…), car il n’y a aucun discours dans ce film ou aucune pique que souhaite nous lancer William Eubank. Les dialogues entre personnages sont très pauvres et auraient pu être écrits par n’importe qui, si ce n’est parfois quelques réflexions personnelles dignes d’une philosophie de comptoir qui sont placées par-ci par-là… De plus, la fin se devine très facilement et manque d’épaisseur, tant elle coule hélas de source depuis la première rencontre entre « Nomad » et les trois jeunes individus.

Dans un point de vue plus technique, le film laisse facilement percevoir ces quelques petites références, allant de Transcendance pour une photographie contrastant la nature (un des trois protagonistes qui court en pleine forêt, symbole de la renaissance d’un corps dépendant aujourd’hui pourtant des nouvelles technologies et dégradé par les blessures ou la maladie – ça fait très discours anarchiste, c’est vrai) à la culture, symbole du blanc trop propre, sans nuances, dans ces bâtiments créés par les personnages autour de « Nomad », à District 9 ou Chronicle (mais bon, pas tant que ça) pour ses effets spéciaux manquant parfois cruellement de moyens. La réalisation de William Eubank quant à elle déborde d’idées non négligeables, jouant du décor où se fondent les personnages, aux gros plans cadrés sur leurs visages pour capter leur inquiétude ou leurs illusions. Bien que tout ne soit pas vraiment raccord dans le montage des plans, il faut avouer que son film a un peu de la gueule grâce à sa direction d’acteurs.

La bande originale sied à merveille à son ambiance quasi-futuriste, à l’exception du choix de la dernière musique qui me reste encore en travers de la gorge, puisqu’incompréhensible. Son casting, parfois perfectible, parvient quelque peu à redresser également la barre: si Brenton Thwaites et Beau Knapp assurent en permanence le minimum syndical en terme de jeu (ils ne parviennent pas à intégralement faire ressentir de la peur, de la frustration ou même de la paranoïa au spectateur), Olivia Cooke s’en sort par contre honorablement bien malgré son changement d’état d’âme en plein milieu de film encore inexpliqué. Laurence Fishburne, comme d’habitude depuis Matrix, fait du Laurence Fishburne: c’est pas désagréable, mais c’est pas franchement nouveau. Quoi qu’il en soit, il faut le dire, une réalisation ne fait pas tout le temps la différence, surtout quand son scénario n’est pas à la hauteur de son film. Et c’est franchement dommage.