Mommy, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Le jeune prodige québécois Xavier Dolan est déjà de retour pour son 5e film en 5 ans : Mommy. Auréolé d’un prix du jury à Cannes, il s’agit assurément du coup de cœur tourbillonnant de l’automne.

Lorsqu’il était venu présenter Laurence Anyways à Cannes, Xavier Dolan paraissait assez arrogant et tête à claque. Mais il faut bien admettre que le bougre a du talent et avec son nouveau film, Mommy, il va le montrer de bout en bout. Il s’en est fallu de peut pour qu’il décroche la Palme d’Or mais il a déjà décroché la palme des cœurs tant le public et les critiques semblaient unanimes la sortie. Il faut dire qu’avec maintenant cinq films au compteur, Dolan maîtrise parfaitement son style tout en bénéficiant de l’insolence, l’audace et la rage de sa jeunesse, ce qui se retrouve ici à l’écran à travers le personnage de Steve.

Auteur complet, dans Mommy, Xavier Dolan s’intéresse à un trio de personnages qui vont former, à leur manière, une famille pas comme les autres. Die est veuve et récupère la garde de son fils au tempérament impulsif et violent, difficilement gérable. Dans les galère du quotidien pour payer le loyer, il vont trouver l’aide de la voisine d’en face qui, elle aussi traverse une période difficile. Tous les trois vont donc apprendre à se connaitre et trouver un certain équilibre et pourquoi pas l’espoir d’une vie meilleure.

Dès le début du film, Xavier Dolan perturbe notre vision habituelle du cinéma avec le choix d’un cadrage serré au format carré qui va prendre tout son sens pendant tout le film. Alors qu’il faudra s’habituer au québécois et à l’hystérie des personnage, nous voilà donc dans un cadre serré, intime, avec eux. Un cadrage qui peut faire autant penser aux pochettes de disque qu’à des polaroid et donc qui nous font vraiment entrer dans l’album de photos privées de cette famille. Ce format a donc tout son sens, loin du gadget, et prend même de l’ampleur lorsqu’il s’élargit dans les séquences les plus libératrices, donnant un souffle d’air entre les troubles.

Mais le film ne se résume heureusement pas à ce cadre auquel on s’habitue assez vite. En effet, Dolan plonge tout de suite dans le quotidien de ses personnages qui n’ont que des failles, qui nous énervent parfois mais auxquels on s’attache car ils sont tout simplement naturels, sans fausseté. L’auteur manie autant l’humour que l’émotion et nous emporte dans l’histoire de cette famille recomposée, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses peines que l’on partage vraiment avec eux, redoutant toujours le pire.

Il faut dire qu’il peut aussi s’appuyer sur des comédiens exceptionnels. Anne Dorval en mère célibataire à la dérive est un personnage complexe que l’on a envie d’aider tandis que Suzanne Clément en femme effacée va prendre petit à petit de l’importance dans la vie du couple mère-fils. Mais celui qui va emporter tous les suffrages est incontestablement le jeune Antoine-Oliver Pilon qui, du haut de ses 17 ans, campe le sympathique mais caractériel Steve. Passant du rire aux larme, de la colère brute à la tendresse infinie, changement d’humeur comme de chemise, son personnage est un vrai défi qu’il rempli haut la main.

Avec une réalisation aussi brute que poétique, souvent mélancolique avec sa BO pop sortie des 90′s et des acteurs à fleur de peau, sans jamais tomber dans le mélo, Xavier Dolan nous entraîne donc dans une tornade d’émotions, naturelle et audacieuse, comme on n’en ressent peu au cinéma et qui passe incroyablement vite pour un film de plus de 2h. Un véritable coup de cœur d’une puissance rare jusqu’à la dernière image.