Culte du dimanche : Mysterious Skin

Par Fredp @FredMyscreens

Après l’explosif Kaboom, Gregg Araki revient au cinéma avec le plus poétique White Bird. L’occasion pour le culte du dimanche de revenir sur son film le plus abouti, choquant et bouleversant : Mysterious Skin.

Dans les années 90, avec sa trilogie de l’apocalypse adolescente (Totally F***ed Up, The Doom Generation et Nowhere), Gregg Araki était volontiers considéré comme un cinéaste indé assez barré, hyper sexué et peut-être assez artificiel. Une image qui va complètement changer quand il sortira ce qui sera surement son film de la maturité. En effet, il aura fallu attendre 5 ans avant de voir son nouveau film. Un délais qui montre qu’il a bien pris le temps qu’il fallait pour travailler à l’adaptation du roman de Scott Heim, Mysterious Skin, abordant un sujet plus que délicat, la pédophilie et ses conséquences sur les enfants qui en ont souffert.

En effet, Mysterious Skin raconte comment deux gamins ont été abusés par l’entraîneur sportif du coin. Nous les retrouvons quelques années plus tard et alors que l’un se prostitue, l’autre a tout oublié et cherche à comprendre ce qu’il s’est passé. Deux enfants meurtris, qui ne peuvent plus trouver de repères ou vivre normalement.

Le sujet est particulièrement difficile, choquant, et pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, Gregg Araki prend suffisamment de recul dessus pour refuser tout sensationnalisme. Il va se concentrer avant tout sur les émotions plutôt que sur le jugement. En effet, il est conscient que le sujet est assez grave pour ne pas donner une leçon supplémentaire au pédophile. Il reste alors assez neutre sur ses actes pour se concentrer surtout sur les conséquences que cela engendre sur les enfants (c’est finalement ce dont on parle le moins dans les médias contrairement au retentissements qui sont faits autour des auteurs de ces actes). En recentrant le récit sur ces deux adolescents, il arrive donc à faire passer son message sur la destruction intime qu’ils vivent.

Il faut dire qu’il met également en scène son sujet de manière très sensible, parfois poétique, appuyé par la musique atmosphérique de Harold Budd et Robin Guthrie ainsi que par la photo bleutée de Steve Gainer, l’ambiance est souvent proche du rêve éveillé qui vire au cauchemar lorsque la violence crue atteint le jeune Neil qui touche le fond. Cette ambiance irréelle permet de supporter le choc de ce qui est raconté. Avec une certaine distance, parfois de la pudeur, d’autre fois des scènes violentes qui font mal, Araki trouve le ton juste pour rendre tout cela accessible et pour comprendre la psychologie tourmentée de ses personnages  après les traumas complexes par lesquels ils sont passés.

Mené par un jeune Joseph Gordon-Levitt qui fait preuve d’un charisme et d’un talent immense dans un rôle particulièrement difficile (une véritable révélation), le film bénéficie également de l’interprétation sans failles des autres comédiens enfants comme adultes. Tous sont au service de ce récit bouleversant.

Peu de mots peuvent finalement refléter toutes les émotions que l’on peut éprouver à la vision de Mysterious Skin, entre la révolte, le choc, la tristesse de ces deux destins brisés. On en ressort forcément bouleversé pour très longtemps. Rarement un film sur le sujet n’a touché de manière aussi juste pour nous faire réfléchir. Il restera alors à jamais le film le plus abouti, sensible et bouleversant d’un réalisateur à l’apogée de son cinéma.