“Ninja Turtles” de Jonathan Liebesman

Par Boustoune

Au départ, il y a un concept séduisant : des tortues mutantes humanoïdes, hautes de deux mètres et gaulées comme des catcheurs américains, adeptes des arts martiaux et des techniques de combat asiatiques. Ces héros atypiques, portant des noms de peintres de la Renaissance Italienne (Leonardo, Donatello, Michelangelo et Raphael), allient force et agilité pour se  défaire des forces maléfiques qui menacent leur bonne ville de New York à coups de nunchaku, de katana, de bâton ou de sabre. Et, quand ils ne combattent pas, ils se comportent en purs adolescents, plaisantant, se chamaillant, faisant du skateboard ou se goinfrant de pizzas, leur péché mignon.
Cette drôle d’idée, née de l’imagination de Peter Laird et Kevin Eastman, a fait le bonheur des fans de comics books dans les années 1980, avant d’être déclinée en séries d’animation pour la télévision et en films pour le cinéma – une trilogie a début des années 1990 et un film d’animation en images de synthèse à la fin des années 2000, avec, à chaque fois, un petit succès commercial à la clé.
Attiré par l’appât du gain, le producteur Michael Bay a logiquement décidé de relancer la franchise au cinéma, avec la mise en chantier de ce reboot, confié à Jonathan Liebesman.
Et là, tout de suite, c’est moins séduisant…

Le réalisateur des dispensables World Invasion : Battle Los Angeles et La Colère des Titans massacre à la tronçonneuse le potentiel divertissant du concept en nous infligeant une mise en scène brouillonne et un montage surexcité. Combien de fois faudra-t-il répéter aux faiseurs hollywoodiens qu’il n’est pas nécessaire de bouger sa caméra dans tous les sens pour donner l’impression de mouvement? Comment leur faire comprendre qu’empiler les plans de moins d’une seconde n’est pas le meilleur moyen de donner du rythme au récit, à plus forte raison quand le film est en relief? Ici, toutes les scènes d’action sont illisible, à cause de ce découpage énervé et de cette caméra incontrôlable. Mais même les scènes plus classiques sont atteintes du même mal. Dès la scène d’ouverture, la caméra bouge, tremble, essaie tant bien que mal de cadrer Megan Fox, et nous donne la nausée, alors que le plan ne nécessitait pas vraiment l’emploi de la caméra à l’épaule. Parfois, le classique champ-contrechamp a du bon…

Reconnaissons quand même deux vertus à ce dispositif dopé à l’adrénaline. Déjà, on voit finalement assez peu les Tortues Ninja à l’écran. Ici, elles sont tellement laides que l’on en vient à regretter les costumes kitsch de la version 1990. Ensuite, le déluge d’action nous épargne trop de séquences transitoires insipides et de saillies pseudo-comiques, visiblement destinées, vu le niveau, à un public pré-pubère pas très exigeant sur la qualité. Pets, rots et blagues lourdingues au programme. Torture ninja…

A la décharge de Jonathan Liebesman, il faut dire qu’il n’est pas aidé par le scénario. Difficile de croire qu’il a fallu trois auteurs pour pondre une histoire aussi ridicule, truffée de scènes stéréotypées, de rebondissements prévisibles et d’éléments défiants les lois de la biologie, de la géographie et de l’intelligence humaine. Même disette côté dialogues, d’une platitude à tout épreuve, pour pouvoir être articulés sans trop de problèmes par Will Arnett et Megan Fox.  En même temps, cette dernière n’a pas été recrutée pour ses talents d’actrice… Amateurs de silicone et de collagène, vous allez pouvoir vous rincer l’oeil! Mais pas trop quand même, hein… Vu le public familial ciblé, le film ne se permet aucun écart. En guise de pic d’érotisme torride, il  faudra se contenter d’une scène où la belle Megan saute sur un trampoline, ce qui fait tressauter pendant trois secondes ses implants mammaires. Woaouh…

Pour le reste, son “jeu d’actrice” s’avère assez calamiteux. Il occasionne cependant quelques fous rires involontaires, quand la performance devient tellement mauvaise qu’elle touche au sublime, flirtant avec les plus beaux nanars de l’histoire du cinéma. Mais n’accablons pas cette pauvre Megan. Ses partenaires ne sont pas plus convaincants et au moins, elle ne cache pas son manque de talent  derrière une carapace…

Bref, Ninja Turtles est un très mauvais reboot de la franchise. Certes, nous ne sommes pas le public-cible du film (et tant mieux, vu le niveau de crétinerie du machin), et nous avons sans doute passé l’âge de nous extasier devant des monstres caoutchouteux distribuant des mandales en dégustant de la pizza molle et tiède, mais ce blockbuster énervé nous semble quand même bien paresseux, très en dessous de la moyenne.
Hélas, il a cartonné au box-office américain, ce qui nous laisse entrevoir une ou deux suites du même acabit. Ce sera sans nous. Des tortues ninjas, pourquoi pas, mais pas si le film est scénarisé et réalisé par des tortues…

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Ninja Turtles
Teenage Mutant Ninja Turtles

Réalisateur : Jonathan Liebesman
Avec : Megan Fox, Will Arnett, William Fichtner, Johnny Knoxville, Pete Ploszek, Noel Fisher, Jeremy Howard, Alan Ritchson
Origine : Etats-Unis
Genre : torture ninja
Durée : 1h42
date de sortie France : 15/10/2014
Note :
Contrepoint critique : Femme Actuelle

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