[Cinémed 2014] Jour 4 : Deux films et des rencontres

Par Boustoune

Corum, Salle Pasteur, 11h00.

Me voici de retour au Corum. Les spectateurs patientent dans leurs sièges, la séance ne va pas tarder à débuter. Aujourd’hui, j’ai décidé de regarder Avant l’hiver, réalisé par Philippe Claudel. C’est un romancier que j’apprécie beaucoup, mais dont je ne connais pas les films. Place à la découverte, alors.

Très rapidement – et malheureusement –, je ne me retrouve que très peu dans les personnages. Il y a quelque chose de vide, dans cette intrigue. Les protagonistes sont là, oui. Tout comme la Nature, sublime et mystérieuse, avec ses grands arbres et ses feuilles colorées. J’ignore pourquoi, mais je n’accroche pas à l’histoire.  Je n’aime pas la tournure prise par les évènements, ni le parcours des personnages, avec lesquels je n’arrive pas à m’identifier. Les acteurs ne sont pas en cause. Daniel Auteuil, Kristin Scott Thomas, Richard Berry et Leïla Bekhti sont tous crédibles dans leurs rôles. C’est juste que cette aventure ne parvient pas à me toucher.

On accompagne le personnage principal, Paul (Daniel Auteuil) un neurochirurgien de soixante ans, apparemment heureux dans la vie. Un jour, il commence à recevoir des bouquets de fleurs d’une mystérieuse admiratrice. Des envois qui coïncident avec sa rencontre avec Lou (Leïla Bekhti), une jeune  femme de vingt ans qui ne cesse de croiser sa route. Ces évènements vont complètement déstabiliser le personnage et le pousser à remettre en question les éléments-clés de sa vie, à commencer par sa relation avec son épouse (Kristin Scott Thomas), princesse maudite, enfermée dans sa tour de glace – une immense maison moderne, avec baies vitrées et un immense parc.
Le long-métrage oscille entre drame et thriller, rythmé par l’évolution de la relation entre Paul et Lou, les discussions entre le chirurgien et son meilleur ami (Richard Berry), et ses disputes avec son épouse. La tension monte lentement, au gré du malaise qui s’installe au sein du couple, et des révélations sur les vies des personnages, moins lisses qu’il n’y paraissent.

Claudel saisit des instants de vie, des rires, des larmes. Il y a des sentiments, des vertiges existentiels, assurément. Mais rien de tout cela ne parvient à m’émouvoir. Je reste simple spectatrice du film. Je n’entre pas dans l’histoire. Les personnages ne me tendent pas la main et c’est dommage.
Oui, dommage, car il y a des choses à sauver malgré tout. Je demeure admirative de la façon qu’a Claudel de gérer les silences, les regards fuyants et des non-dits. Les images sont belles, les dialogues sont bien écrits… J’aime les coups d’oeil sincères d’Auteuil, les sourires timides de Leïla Bekhti, je suis charmée par les très beaux yeux de Kristin Scott Thomas.
Néanmoins, il y a un petit quelque chose qui ne marche pas. A mes yeux, bien sûr. Le film est trop fade et trop hermétique.

Corum, dans l’après-midi.

Les films me donnent un peu le tournis lorsqu’ils s’enchaînent trop vite. Alors, je fais une pause. Une grande pause. En allant à la rencontre d’inconnus, de bénévoles, d’étudiants passionnés et passionnants. Je profite de chacun d’eux, de chaque discussion. On se retrouve, on se ressemble, on se reconnaît, on se distingue. C’est la beauté des rencontres. La différence. Comme au cinéma. Comme dans la vie.

Puis, je retrouve Yann Sinic à la brasserie du Corum. Yann et moi nous sommes rencontrés l’an passé, lors d’un cours de Master Un. Depuis, nous avons échangé mails, appels, SMS et me revoilà alors face à lui. Il est d’une chaleur et d’une gentillesse sans égal. Nous parlons. De femmes, de Truffaut, de cinéma, d’Alain Cavalier, de nos projets respectifs, de ses obsessions, des miennes, de la séduction, des couleurs, des hommes, de tout…
Malgré l’agitation autour de nous, le partage est réel. Entier. Le bruit, l’odeur des petits fours et le crépitement des flashs ne viennent pas nous perturber. Ou presque. Je suis soudainement face au photographe officiel de Cinémed, aux côtés de Yann. Et je grimace à moitié, parce que n’aime pas qu’on me photographie. Mais poser avec le réalisateur du film-poème sur L’homme qui aimait les femmes est un honneur. Un moment de vie. Ainsi, je profite. Et rien d’autre.

Ensuite, je file. J’ai un autre rendez-vous. Lié au cinéma, encore. Et c’est beau ! C’est une chance! Je célèbre mes retrouvailles avec Sébastien Maggiani, un jeune cinéaste qui, déjà à dix-huit ans, est co-réalisateur d’un long-métrage avec Olivier Vidal ainsi que l’auteur de maints courts-métrages depuis l’âge de dix ans! Il me fait part de ses expériences, de ses souvenirs. Je lui parle de mes envies de cinéma, d’enseignement. On plaisante ensemble. On se confie l’un à l’autre. On profite de l’air frais de l’Esplanade Charles de Gaulle. Rien de tel qu’un beau moment d’échange.

Je vis véritablement le cinéma de toutes les manières possibles. Auprès de personnes totalement différentes les unes des autres, mais unie par la même passion pour le 7ème Art.


Corum, Opéra Berlioz, 19h00.

Avant-première de Le dernier coup de marteau, réalisé par Alix Delaporte.
La présentation du film est assurée par Jean-François Bourgeot et par la réalisatrice, ainsi que deux de ses comédiens. Le jeune acteur principal et un entraîneur de football qui joue son propre rôle dans le film. Ils nous parlent avec enthousiasme de leur travail sur ce long-métrage.

 

Puis. Le noir nous engloutit. Les images illuminent nos yeux. Les sons nous appellent.
L’histoire est simple, attachante. Un jeune adolescent, Victor (Romain Paul, lauréat du prix Marcello Mastroianni à Venise) découvre son intérêt pour la musique classique en même temps qu’il retrouve son père, qui refait surface des années après l’avoir abandonné. L’homme, chef d’orchestre célèbre avait alors privilégié sa carrière et son amour de la musique plutôt que ses responsabilités familiales. Il revient aujourd’hui dans la région  pour y préparer un nouveau concert. Victor n’hésite pas et part à sa rencontre. Il veut essayer de renouer le lien avec cet homme apparemment bourru et peu aimable. Au passage, il réalise qu’il a l’oreille musicale, comme son géniteur, et qu’il sait lire la musique mieux que le commun des mortels.
A partir de là, il doit prendre une importante décision concernant son avenir. Doit-il se mettre à la musique classique, comme semble le souhaiter son père? Doit-il tenter sa chance aux sélections de jeunes footballeurs talentueux et faire de sa passion un vrai métier? Ou bien rester là et s’occuper de sa mère, dont on comprend très vite qu’elle est gravement malade? Il oscille entre doutes et espoirs, entre joie et tristesse, entre père et mère.

J’aime le cadrage de ce long-métrage. Les plans défilent avec douceur, avec un montage solide. Et tous ont de la lumière en eux. De l’espoir. De la vie, aussi, malgré le sort tragique qui attend, à plus ou moins court terme, la mère de Victor. Alix Delaporte parvient à mettre en scène des protagonistes vrais, sincères et dignes, qui nous bouleversent par leurs appréhensions, leurs hésitations, leur courage ou leur lâcheté. Toutes ces choses indicibles que la cinéaste capte sur les visages, avec une infinie pudeur. Ils sont magnifiques, ces personnages. Ils rayonnent, même lorsqu’ils sont tristes, même lorsqu’ils sont mal.

J’aime la beauté des images. J’aime les idées de mise en scène, comme ce parallèle entre les gestes ultra précis des musiciens de l’orchestre symphonique et les mouvements des footballeurs s’affrontant dans des matches endiablés. Alliance parfaite du mouvement des bras et des jambes, des corps et de l’âme.
J’aime la charge émotionnelle de cette intrigue. Et j’aime les prestations des comédiens. Le jeune Romain Paul est remarquable. Il forme un duo complice avec l’actrice qui joue sa mère, Clotilde Hesme, et avec l’acteur qui joue son père, Gregory Gadebois.

J’avoue être allée voir ce film un peu par hasard, surtout attirée par le fait qu’il se déroule à Montpellier et dans ses environs – le père de Victor est chef d’orchestre à l’Opéra de Montpellier. Mais à l’arrivée, il s’agit d’une formidable découverte. Le film m’a émue. J’ai éprouvé de la joie, des rires, des soupirs, des sanglots. J’ai  traversé les couloirs de l’Opéra avec Victor, j’ai profité des embruns marins avec lui, j’ai serré sa mère contre mon cœur. Alix Delaporte m’a permis d’accéder à tout cela, grâce à sa mise en scène. Un moment magique.

Cette quatrième journée au Cinémed a encore été formidable. Joyeuse. Vivante. Pleine de découvertes.
C’est le cœur léger que je pars du Corum. J’abandonne cet espace fascinant pour retrouver la nuit. Les ombres. Et les rêves.