[Critique] Paradise Lost réalisé par Andrea Di Stephano

Par Kevin Halgand @CineCinephile

Publié par Kev44600 le 3 novembre 2014 dans Critiques | Poster un commentaire

« Nick pense avoir trouvé son paradis en rejoignant son frère en Colombie. Un lagon turquoise, une plage d’ivoire et des vagues parfaites ; un rêve pour ce jeune surfeur canadien. Il y rencontre Maria, une magnifique Colombienne. Ils tombent follement amoureux. Tout semble parfait… jusqu’à ce que Maria le présente à son oncle : un certain Pablo Escobar. « 

« Personne n’échappe à Pablo Escobar… Fuyez-le pauvres fous ! »

Pour son premier film en tant que réalisateur, Andrea Di Stefano n’a pas décidé de s’attaquer à une histoire originale, mais bien à plus gros, à une légende du trafic de drogue : Pablo Escobar. Contrairement à beaucoup de réalisateurs qui décident de faire de véritables biopics afin de ne pas avoir à prendre parti pour ou contre la personnalité qu’il fait vivre à l’image, tel Jean François Richet l’a fait il y a de ça quelques années avec le magnifique diptyque consacré à Mesrine, Andrea Di Stefano réalise avec Paradise Lost un film qui s’inspire de la légende du trafiquant de drogue Pablo Escobar afin de faire un thriller sur fond de romance. Le point de départ du film Paradise Lost est bien de dévoiler la face cachée du paradis colombien au travers d’une immersion au cœur de la famille du Colombien. Ce qu’il y a d’intéressant dans un premier temps avec ce long-métrage, c’est la distinction faite entre l’image que renvoie Pablo Escobar aux gens des villages qu’il aide grâce à ses trafics de drogue et sa véritable personnalité. D’une certaine façon, il est très aisé d’effectuer un parallèle avec les images que nous renvoient les différents moyens de communication sur diverses personnalités que ce soit dans notre vie personnelle ou d’un point de vue général. Chacun peut en quelque sorte cacher son jeu et ne mettre qu’au grand jour son côté clair, la bienveillance qu’on porte envers un être cher ou sa famille. C’est le cas pour le Pablo Escobar mis en image par Andrea Di Stephano.

Protecteur et bienveillant, Pablo Escobar est pour chaque membre de sa famille, un être qui fait tout pour que tous ceux qui lui gravitent autour et prennent son parti, vivent comme ils le souhaitent et avec tout le bonheur du monde. Aucun malheur ne peut leur arriver tant que Pablo Escobar veille sur eux, mais pour que ce bonheur constant soit présent, il faut une source de richesse. Contrairement à Pablo Escobar dont la personnalité et le jeu sont limpides aux yeux du spectateur, ce dernier peut avoir du mal à cerner la psychologie de ceux qui l’entourent. Sont-ils naïfs ou font-ils comme si de rien était afin de faire percevoir aux yeux de tous que Pablo Escobar est bel et bien le sauveur tant attendu ? La mise en scène d’Andrea Di Stephano penche clairement pour la seconde solution et ce choix s’avère de plus en plus prononcé jusqu’à ce que Pablo Escobar fasse l’ouvrage d’une enquête pour trafic de cocaïne. Néanmoins, plus le film avance, plus les comportements de certains personnages deviennent ambigus et leurs réactions nous porteraient presque à croire l’invraisemblable, une naïveté sans précédent, presque surréaliste. On a du mal à le croire, mais la terrible vérité est là et cette idée ne nous quittera plus à cause d’une narration confuse et qui s’éparpille alors qu’elle ne le devrait pas.

Faussement complexe, Andrea Di Stephano et ses monteurs (David Brenner et Maryline Monthieux) , ont décidé de comme un accord ou non, d’intégrer au récit la notion de flashback afin de complexifier ce qui n’a pas lieu d’être dans ce film, qui finalement avec une narration linéaire aurait pu être bon, mais n’aurait jamais été un film à récompenses comme ça aurait pu être le cas avec l’utilisation d’un tel personnage comme Pablo Escobar. Ne souhaitant pas jouer la carte du biopic et souhaitant jouer sur deux tableaux simultanément : le paradis perdu, puis la cause de ce paradis perdu, à savoir Pablo Escobar, Paradise Lost a se retrouve affublé d’une narration saccadée et découpée très nettement en quatre parties bien distinctes par des écrans noirs. Un découpage qui n’a ni queue ni tête et qui nous porte à croire que le film manque de finitions que ce soit dans son découpage ou dans sa réalisation. « Amateuriste » (jugement personnel et en aucun cas méchant envers le travail du réalisateur) dans l’âme à cause d’une caméra trop rarement stable, la réalisation d’Andrea Di Stephano n’est pas mauvaise en soi puisqu’elle possède de choix de cadres intéressants que ce soit envers les décors ou les personnages. Le problème de cette réalisation est d’avoir opté pour l’utilisation d’un système de caméra portée, ce qui rend la caméra tremblotante et certaines courtes scènes insupportables. Lors de plans en voitures ou de scènes d’actions ce n’est pas un problème puisque ce système permet d’augmenter la sensation de réalisme, ainsi qu’une meilleure immersion du spectateur, mais une utilisation constante rend le film insupportable et a le potentiel de gâcher toute l’imagerie d’un film. Visuellement beau malgré tout, grâce à un environnement colombien qui se prête parfaitement au cinéma, on se demandera donc pourquoi le réalisateur a opté pour un tel choix de réalisation et non pas un système plus conventionnel.

Paradise Lost est un film à potentiel, un film qui repose sur une base solide et un casting tout aussi solide, mais dont le traitement n’est pas suffisamment soigné pour réussir à lui donner l’ampleur qu’il aurait pu avoir. Porté par un Benicio Del Toro toujours aussi impressionnant, même si trop flegmatique et pas assez brutal dans sa composition de Pablo Escobar, le film possède quelques beaux moments, ainsi que quelques tensions, mais ce ne sont que des scènes mineures face à un contenu majoritairement ennuyant et décontenançant. Le personnage de Pablo Escobar mis en évidence dans ce long-métrage est intéressant puisqu’affublé bien distinctement de deux facettes opposées, mais au-delà de ça, le film se contente de développer sa propre définition du terme « Paradise Lost » et tourne rapidement à vide. De plus, on retrouve également les défauts déjà énumérés précédemment ainsi qu’une bande sonore qui manque de régularité et de tempo afin d’insuffler un véritable rythme à un film dont la narration est saccadée et donc mal temporisée. Pleins de problèmes pour un premier film prometteur sur le papier, mais très décevant à la sortie.