Carlotta n’en finit pas de restaurer et ressortir en bluray de magnifiques films et même le légendaire Orson Welles y a droit avec ses adaptations de Shakespeare, à commencer par la malédiction de Macbeth.
Si Shakespeare était doué pour la comédie, il l’était tout autant pour la dramaturgie et ses œuvres les plus célèbres sont dans ce courant à l’instar de Hamlet ou Roméo et Juliette. Et dans ce courant, il s’intéresse même souvent au sens de la destinée et à certaines forces telluriques et fantastiques comme La Tempête. Ainsi Macbeth débute lorsqu’il rencontre des sorcières qui prédisent son accession au trône mais sans descendance. En rentrant, il assassine alors le roi d’Ecosse et s’empare de la couronne, encouragé par sa femme. Débute alors pour le couple une vague d’assassinats pour conserver le trône qui les emmène vers la folie.
Doté d’un budget très modeste et conscient qu’il ne pourra pas toute la pièce écrite par Shakespeare avec l’ampleur nécessaire, Orson Welles ne va pas donner dans l’adaptation classique. Au contraire, fort de son savoir-faire au théâtre et à la mise en scène, sachant très bien filmer ses décors et ses acteurs, il fait de Macbeth une expérience unique. Avec un décor presque unique fait de rochers et dans lesquels se déroule l’action, il va astucieusement utiliser les angles de la caméra, la lumière et la fumée pour donner une atmosphère particulièrement mystique au film et nous embarquer au plus près du couple maudit. Avec un style expressionniste à la fois froid et fascinant, presque filmant une pièce de théâtre avec talent pour le cinéma, nous voilà happés par la malédiction de Macbeth.
Il faut dire que le récit original est déjà passionnant, convoquant les thèmes du pouvoir, de la malédiction, des forces de la natures et de la destinée et de la folie, mais avec la patte respectueuse et moderne d’Orson Welles, l’histoire prend toute sa dimension fascinante. Il faut dire que les comédiens sont particulièrement bons pour retranscrire tout le malheur s’abattant sur eux. Orson Welles en proie à la folie est impressionnant tandis que Jeanette Nolan, pour qui s’est le premier rôle au cinéma, s’approprie vraiment toutes les scènes de Lady Macbeth, l’un des rôles féminins les plus mythiques et redoutés du théâtre.
Malgré cette réussite, le film sera à sa sortie un désastre critique et public, en partie dû à l’accent écossais fort prononcé des acteurs (qui permet pourtant de ralentir le texte et d’être plus authentique) et à son style. Bizarrement, il sera bien accueilli dans les pays non-anglophone, mais cela ne suffira pas et les producteurs décideront de remonter le film et une version amputée de plus de 20 minutes ressortira aux Etats-Unis sans plus de succès. Aujourd’hui, le box-office ne parle plus et c’est bien la qualité du film qui est reconnue par tous. Cependant, Welles n’a pas attendu cette reconnaissance tardive pour retenter d’adapter Shakespeare puisque son film suivant sera sa vision d’Othello.