Alors que Jaume Balagueró met fin cette semaine à la saga avec [Rec] 4, Apocalypse, il était temps de revenir aux origines en parlant du premier volet celui qui a fait trembler l’Espagne et même plus : [Rec].
Grâce à des réalisateurs de talent comme Alejandro Amenabar, Juan Carlos Fresnadillo ou Alex de la Iglesia, le cinéma fantastique et horrifique espagnol a connu un beau renouveau depuis le début des années 2000. Parmi eux, on retrouve Jaume Balagueró et Paco Plaza, le premier déjà repéré grâce à La Secte sans Nom, Darkness et Fragile, le second avec l’Enfer des Loups. Les deux auteurs s’associent alors avec une envie commune, celle d’entraîner le spectateur dans un film d’horreur pour lui faire vivre l’expérience la plus terrifiante possible.
Alors que le Projet Blair Witch avait fait sensation quelques années auparavant, ils en reprennent un principe, celui de la vue subjective. En effet, pour embarquer le spectateur, lui faire croire que tout est réel, les réalisateurs prennent le parti pris de filmer l’action à travers la caméra d’un reportage télé. Jamais nous ne verrons le caméraman puisque c’est par son outil de travail que nous allons suivre l’action. Et ce qui devait être au départ un simple reportage télé sur la vie des pompiers de Barcelone va virer au cauchemar quand ils vont devoir intervenir dans un immeuble dont les habitants semblent infectés par un étrange virus les rendant assoiffés de sang.
Avec une mise en place ancrée dans le réel qui bascule peu à peu dans l’horreur avec un décor qui se referme sur ses protagonistes (l’immeuble sera rapidement mis en quarantaine et les personnages ne pourront pas en sortir, ne pouvant que remonter à l’origine du mal), le réalisateurs on bien compris que s’est en s’installant dans le quotidien qu’il est plus facile d’en faire surgir les éléments les plus effrayants. Mais surtout, leur histoire fait complètement corps avec style de mise en scène qu’il ont adopté. Car en choisissant le found footage, ils nous plongent encore plus dans une certaine réalité et on ne peut que croire ce que l’on voit à l’image, ce qui est d’autant plus effrayant.
Pourtant, c’est un pari techniquement et artistiquement difficile à tenir. En effet, il faut pouvoir enchaîner les plans séquence sans que cela ne paraisse trop truquer, laisser une part d’improvisation aux comédiens pour obtenir une certaine « vérité» dans leur jeu, et tenir avec cet unique point de vue jusqu’à la fin du film sans jamais lasser le spectateur ou faire passer l’usage de cette caméra et de cette vue subjective pour un simple gimmick. Les réalisateurs en sont parfaitement conscients et, grâce à un travail d’écriture efficace pour avoir toujours quelque chose d’intéressant à filmer, et un véritable savoir-faire pour maintenir une tension permanente à travers des images oppressantes, ils atteignent pleinement leur but.
Car dans [Rec], on est non seulement pris par le sentiment d’urgence et de réalité, mais cela se multiplie et devient d’autant plus horrible lorsque l’on commence à avoir affaire à des personnes qui nous courent derrière avec pour seule intention ne nous mordre gravement. Et plus le film avance, plus le sentiment d’oppression se fait grand, même lorsque l’on pense que cela s’est calmé … jusque dans un final des plus flippants au fin fond du grenier où nous aurons des éléments de réponse et l’un des plus gros moments de frayeur des années 2000.
Le résultat est donc une véritable réussite et sans doute l’un des films d’horreur les plus effrayants de la décennie et le public comme les critique ne s’y sont pas trompés. Le film a fait un triomphe en Espagne (où il a bénéficié d’une bonne promotion avec sa bande-annonce montrant les réactions des spectateurs) et dans les festivals avant de conquérir toute l’Europe. Si bien que les américains se sont empressés de faire un remake au plan près, sans intérêt et de copier dans de nombreux films le style du found footage en en ayant rarement la maîtrise. Devant ce succès et ce plébiscite du public, les deux réalisateurs ont donc évidemment poursuivi avec une suite présentant des points de vues plus nombreux et avec plus d’action et un 3e volet qui se démarque un peu du style pour revenir aux origines du mal avant d’en découvrir maintenant la fin.