[Critique] Puzzle réalisé par Paul Haggis

Par Kevin Halgand @CineCinephile

« Puzzle raconte trois histoires d’amour, de passion, et de trahison qui se déroulent à New York, Paris et Rome.
Michael, écrivain lauréat du Prix Pulitzer, s’est enfermé dans la suite d’un hôtel parisien pour achever son dernier roman. Il a récemment quitté sa femme Elaine  et il entretient une liaison orageuse avec Anna, une jeune romancière ambitieuse.
Scott, homme d’affaires peu scrupuleux, est en Italie pour voler leurs modèles à des maisons de couture. Alors qu’il cherche un restaurant, il tombe sur Monika, tzigane d’une beauté à couper le souffle, qui s’apprête à récupérer sa petite fille. Mais quand elle s’aperçoit qu’on lui a volé l’argent qu’elle avait économisé pour payer le passeur, Scott se sent obligé de lui venir en aide. Ils mettent alors le cap sur une ville du sud de l’Italie mais Scott commence à se demander s’il n’est pas la victime d’une escroquerie.
Julia, ancienne actrice de feuilletons télé, se bat avec son ex-mari Rick, célèbre artiste new-yorkais, pour obtenir la garde de son fils de 6 ans. Entre la suppression de sa pension alimentaire et ses frais d’avocat, Julia en est réduite à travailler comme femme de chambre dans l’hôtel de luxe où elle avait l’habitude de séjourner autrefois. L’avocate de Julia, Theresa, a réussi à lui obtenir l’audience de la dernière chance dans l’espoir de se voir enfin confier la garde de son fils.
Trois histoires qui vont se révéler liées par un secret… »

Consacré en 2005 avec pas moins de dix récompenses dont l’Oscar du Meilleur Film pour le film Collision alors qu’il s’agissait seulement de son second long-métrage, Paul Haggis a très peu fait parler de lui depuis la sortie de son film phare. Alors que Dans La Vallée d’Elah était un film inattendu et très surprenant, le réalisateur américain a littéralement chuté quelques années plus tard en réalisant pour les États-Unis, le remake américain du film français de Fred Cavayé, Pour Elle, à savoir Les Trois Prochains Jours. Facile, prétentieux et aussi touchant qu’un film de Michael Bay, Les Trois Prochains Jours lançait la vague des remakes inutiles, car basé sur la réutilisation d’un script et non sa réinterprétation. 2014 est pour Paul Haggis l’année de la rédemption, l’année du retour. Revenant au film chorale, à la manière de celui qui l’a fait connaître, Paul Haggis a toutes les cartes en main pour faire parler de lui et nous donner envie d’en parler. Un casting prestigieux, un scénario qui peut laisser présager de bonnes choses et une bande-annonce promotionnelle bien rythmée qui donne envie d’en voir et d’en savoir plus. Est-ce une bonne idée ?

Film aux multiples arcs narratifs qui dévoile en parallèle trois histoires d’amour basées sur trois faits familiaux dramatiques que sont le divorce, l’adultère et la mort d’un enfant, Puzzle est dans un premier temps un film accrocheur et intriguant par la mise en avant du personnage interprété par Liam Neeson. Adepte des films d’action depuis plusieurs années maintenant, revoir Liam Neeson dans un film que l’on pourrait qualifier d’auteur est avant tout un plaisir, car il reste un bon acteur qui sait transmettre des émotions et paraître ambigüe lorsque le personnage doit s’éloigner du spectateur. Personnage central à la première heure du film et à l’histoire majeure des trois, c’est sa personnalité et ses réactions faces à ses actes qui rendent son histoire attractive et intéressante. Reposant intégralement sur les performances de ses acteurs et ses histoires montées en parallèle, Puzzle est un film qui prend des risques, de gros risques, afin de ne pas paraître conventionnel. Sortir des sentiers battus grâce à un récit basé sur la communication entre chaque récit par le biais d’un montage parallèle est une idée intéressante même si pas innovante, mais encore faut-il que chaque scène, provenant de chaque histoire, soit suffisamment explicite pour que ce montage parallèle fasse naître une communication et ressortir des similitudes d’entre chaque scène. Malgré un travail de montage bien effectué même s’il conserve sur toute la durée du film un ton monotone, ce qui empêche le film de gagner en dynamisme, la communication entre chaque récit ne fonctionne à aucun moment, et ce, jusqu’à l’arrivée d’un twist final prémédité, mais beaucoup plus fort qu’on n’aurait pu le penser en découvrant le film sur le tard.

Pouvant être structuré et interprété comme un arbre généalogique, Puzzle ou plutôt Third Person dans son titre original, prend le spectateur par surprise avec la mise en place d’un twist final prévisible chez nous à cause d’une affiche trop explicite, mais convaincant dans l’idée. Malheureusement, ce film à twist laisse un goût amer, une sensation d’inachevé. Puzzle est un film à la structure solide et aux histoires bien écrites, mais c’est finalement cette mise en parallèle des trois histoires qui va créer l’ennuie et la lassitude, qui vont prendre le pas sur l’émotion et l’attachement envers les personnages. Chaque histoire repose sur un thème principal lié au thème plus général de la famille et va être interprétée par deux protagonistes que l’on va découvrir plus en détail au cours des évènements. Pendant une durée de deux heures, Paul Haggis va alterner entre les trois récits afin de faire comprendre quels personnages auront de l’importance au cours du récit et quel est leur utilité propre, mais à cause d’un montage trop lent et de personnages qui se font trop longuement désiré contrairement à d’autres, l’attachement ne se fait jamais totalement et l’émotion reste en suspend. Chaque histoire en elle-même est intéressante et chaque personnage l’est de même, mais c’est finalement le procédé sur lequel repose le film qui va rendre le tout anecdotique et ennuyeux. Lent et paraissant beaucoup trop long alors que sa durée n’est pas aussi excessive que cela, le spectateur qui s’ennuie va comprendre et néanmoins s’intéresser à chaque histoire et ce, jusqu’au twist final, mais ce dernier, ne l’affectera en aucun cas, car il sera resté en dehors de cette histoire rocambolesque à travers laquelle Paul Haggis aurait dû privilégier une mise en abime de l’homme et non une communication entre histoires liées à un même thème.

Monté à la manière d’un film à sketch, Paul Haggis n’arrive jamais à faire de son Puzzle un véritable film à part entière. Lent, ennuyant et excluant pour le spectateur qui n’arrive pas à s’attacher aux différents protagonistes malgré des acteurs impressionnants et convaincants, Puzzle manque de panache dans sa réalisation et ses raccords entre chaque changement d’histoire pour donner à cette triple histoire l’âme dont elle aurait eu besoin. Le film se contente de dévoiler des histoires en souhaitant créer un parallèle, mais en oublie de les faire vivre et de leur insuffler des émotions et du rythme. Les histoires sont là, les personnages et le casting aussi, mais pour une fois c’est en cherchant à contourner les codes du cinéma qu’un film se plante et n’arrive pas à atteindre le spectateur.