La fille perdue

LA FILLE PERDUE

De: David Herbert Lawrence

Quatrième de couverture des Éditions Le livre de Poche:  Alvina, une jeune fille de bonne famille désargentée, découvre l’amour entre les bras d’un Italien, beau mais un peu fruste. Au mépris de toutes les conventions, elle le suit dans son pays. Perdue pour la morale, perdue dans un monde primitif dont elle n’a pas les clés, Alvina se découvre elle-même. Peinture au vitriol de la société de province, fresque historique de l’Angleterre et de l’Italie au seuil de la Première Guerre mondiale, hymne à l’amour charnel et à l’instinct vital : trois motifs qui s’entremêlent ici dans un récit vigoureux, d’une fraîcheur déconcertante. Par l’auteur de L’Amant de Lady Chatterley.

MA CHRONIQUE

A l’origine, je devais prendre l’Arc-en-ciel du même auteur ( sur les conseils de Joyce Carol Oates ) sauf que l’histoire faisait partie d’un ensemble d’œuvres. Ouvrage qui était donc très volumineux pour que je le transporte avec moi tous les jours au boulot. Du coup, je me suis rabattue sur La fille perdue. Pourquoi celui-là? Je ne sais pas peut-être que le titre était évocateur peut-être qu’il me ressemble ou tout du moins il me ressemblait au moment où je l’ai commencé.

Au début, j’ai été charmé par ce roman, par ces descriptions et surtout, par cette Angleterre d’un autre temps. Et, par ses habitants qui refusaient la modernité et quelque part d’évoluer aussi. Ce qui avait don de mettre à mal les grands projets fantaisistes mais pas si bêtes du père d’Alvina, John. Quant à  » l’héroïne « , elle est effacée et prise au piège dans un paysage familial émotionnellement figé. Son destin, son avenir semblent déjà tout tracé; famille, amis et les habitants en ont décidé. Mais, peu à peu, Alvina trouve matière à se rebeller et par la même, à contrecarrer les plans qu’avaient les autres pour elle. Tout cela grâce à un fiancé australien, une formation de sage-femme ou encore grâce à un italien (même si j’émets quelques réserves sur ce dernier).

Ce qu’il y a de plus intéressant dans ce roman outre les descriptions prodigieuses, c’est le portrait de la femme anglaise au XIXe siècle. Ce qu’elle est en droit d’attendre, ce qu’elle peut espérer et ce qu’elle est en droit d’espérer. Pour Alvina, il s’agira d’un mariage confortable du moins au début. En effet, de par sa famille, la jeune fille est une lady. Mais, sa condition au lieu de l’aider, l’entrave. Perdue, oui elle l’est. La jeune femme et je dirais même peut-être la jeune enfant, ne rêve que de liberté, d’indépendance. Cependant, d’un autre côté, elle veut aussi fonder un foyer comme les autres femmes. Ce dilemme n’aura de cesse de la hanter intérieurement.

On peut aisément comprendre Alvina même encore aujourd’hui dans notre société résolument « moderne ». Pourquoi une femme devrait-elle choisir? Peut-être qu’elle veut l’argent et le beurre mais je pense qu’elle voudrait juste avoir le choix. Le choix de pouvoir être elle-même et d’aimer l’homme qu’elle aime. Mais, elle est sans cesse en contradiction. Un jour, elle veut ça et le lendemain, son contraire. Cette hésitation perpétuelle s’explique par son jeune âge et aussi par la culpabilité qu’elle ressent par rapport à son père et l’histoire familiale. Elle est tiraillée entre ses désirs de femme et ses devoirs supposés de Lady.

Je sais pas si on peut dire qu’il y a une part de féminisme là-dedans mais à un moment ou à un autre, je me suis reconnue en elle. Une fois, quelqu’un de ma famille m’a dit que si je trouvais un fonctionnaire et que je me mariais avec, je n’aurai plus à m’inquiéter de rien. Cette personne a bien dit un fonctionnaire, une catégorie sociale à l’abri selon elle. Cela m’a révolté qu’on puisse penser de telles choses et de voir dans le mariage encore aujourd’hui une porte de sortie agréable contre tous les maux de la vie. Faire donc un mariage non pas d’amour mais d’intérêt stratégique. Et puis, surtout veillons à ne pas se mélanger entre classe sociale car cela ne se fait pas. Il faut choisir quelqu’un qui nous élève pas spirituellement non mais socialement et richement si je puis dire surtout .C’est à toute cette bêtise, ces conventions et traditions d’un autre temps, ce masochisme aussi quand même qu’est confrontée Alvina.

Au début, je trouvais les dilemmes moraux d’Alvina compréhensibles et même, légitimes. Et puis, inutile de se mentir entre femme, on se comprend. Pourtant, à la longue, ça en devient fatiguant d’autant que l’évocation de son moi profond m’a rappelé  » la déesse intérieure  » d’une certaine et très énervante, Anastasia Steele. Par ailleurs, l’amour et le désamour qu’elle porte à Cico est si naïf si niais que c’en était presque navrant. Par ailleurs, on a l’impression aussi que tous les hommes que Alvina rencontre sont des frustres et pas à sa hauteur. Et, je ne parle pas de classe sociale. Je parle d’égalité de sentiments, d’amour et de respect. Cet italien l’aime t-il vraiment? Ou n’est ce pas plutôt qu’une histoire charnelle, de désirs?

Cookie Dingler avait raison  » être une femme libérée;….ce n’est pas si facile « .  D’un autre côté, vous allez me dire qu’Alvina est très innocente et qu’elle a grandi depuis. Moi, je vous dirai que c’est cher payé pour arriver là où elle est arrivée. Est-elle vraiment heureuse au fin fond de l’Italie? Je n’ai pas la réponse à cette question, il m’a semblé qu’elle était une fille perdue de la première page jusqu’à la toute dernière. Notez bien  » fille » et non pas,  » femme ». J’ai eu aussi le sentiment qu’elle était toujours en train de fuir. Fuir sa maison, le fantôme de ses parents, son village et les commérages, ses souvenirs. Fuir ce qu’on attendait d’elle, la pression sociale.

Il y a aussi cette volonté de se démarquer de ses parents, de ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’elle. Mais, à ce propos, il y a un moment dans le texte où l’auteur dit que les enfants croient toujours faire mieux que leurs parents et qu’il n’en est rien. Que bien souvent, les enfants font des choix pires que ceux de leurs parents. Est-ce le cas d’Alvina? Personnellement, je pense qu’elle est partie en Italie pour de mauvaises raisons. D’un autre côté, peut-être pas. Peut-être, qu’en Italie, elle est libre d’une façon qui aurait été impossible en Angleterre. Mais, elle se retrouve prisonnière autrement certes mais prisonnière. Elle découvre que vivre d’amour et d’eau fraiche n’est pas suffisant finalement. Qui sait si cette expérience ultime ne viendra pas à bout de ses questionnements répétés? Ne se découvrira t-elle pas de la sorte? Ses limites et ses forces? En devenant une femme véritablement, qui sait si elle ne découvrira pas la vraie Alvina?

Une fille perdue est un roman qui ne laisse surtout pas indifférent. On aime ou pas ou c’est 50/50. Pour ma part, je penche pour la dernière option tant j’ai trouvé le roman inégal. Je n’ai pas su forcément lire entre les lignes de D.H.Lawrence ni me mettre suffisamment dans la peau d’Alvina pour la plaindre ou toujours la comprendre. Mais, comme une mère ou une proche parente, j’aurai voulu mieux pour elle sans pour autant avoir l’assurance que justement mon mieux aurait été mieux pour elle.

14 SUR 20