GENÈSE DU PROJET POUR LES NULS
(Très très librement inspiré de faits réels.)
Début 2011. Paris. 17h45. Cédric, jeune metteur en scène français a eu, par le biais d’un ami d’un cousin d’un oncle familier d’une tante à l’un de ses amis, le numéro de Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Mélanie Doutey (mais il s’est rendu compte qu’il avait déjà son numéro, c’est idiot d’avoir recherché tout ça aussi difficilement alors), Benoît Magimel, Céline Sallette, et de tous les autres acteurs. Aussitôt leur accord pour jouer dans son prochain film, il s’en alla voir Alain Goldman, producteur. Féru de films d’action hollywoodiens à gros budget réalisés par Brian de Palma, John Woo, JJ Abrams ou Brad Bird, il débarqua en trombe dans son bureau avec un papier qu’il a méticuleusement écrit pour l’occasion, et lui lit avec son plus bel accent:
« Alaing con… [Pour faciliter la compréhension, l’accent marseillais sera intégralement traduit en bon français à partir de maintenant. Merci de votre compréhension.] Alain, vous avez 48h pour trouver l’équipe de production et de tournage adéquates pour que je réalise mon prochain film qui s’appelle La French. Je vous le raconte vite fait, ça parle de drogue et d’un magistrat contre un gang difficile à battre, vous allez voir c’est très bien comme sujet. Votre mission, si vous l’acceptiez… et ben c’est d’accepter. Ce message s’autodétruira dans 5 secondes. »
Il sortit alors brutalement un briquet de sa poche, brûla un coin de la feuille et la regarda se consumer lentement. Alain Goldman resta figé, les yeux écarquillés devant la flamme.
« Ouais bon euh, on est en France, on a pas le budget de Mission: Impossible hein, puis ils détruisent pas des feuilles violemment dans Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu?… »
Alain Goldman, choqué par le violent spectacle qu’il vient de voir, crut faire un infarctus, il n’a pas l’habitude de voir autant d’action brutale dans son bureau, mais au moins, ça lui change de Max Boublil ou Rose Bosch. Il se dit même qu’il devrait un jour puiser dans le cinéma américain au lieu de produire Coco, ça lui évitera de se faire descendre par la critique à sa sortie. Sans même réfléchir, il lui dit oui, mais avec un accent parisien, ce à quoi Cédric, notre héros, lui répondit alors avec soulagement: « merci cagole! ». On a été obligé de rajouter « cagole » dans la traduction, c’était trop tentant.
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« Marseille. 1975. Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, est nommé juge du grand banditisme. Il décide de s’attaquer à la French Connection, organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes… »
« Une imagerie indigeste et un manque d’émotions pour un film qui avait du potentiel. »
Il fallait que le cinéma français se réveille et débloque un budget conséquent – et c’est pas trop tôt! – pour sa Nouvelle Star Jean Dujardin et sa bande de copains pour qu’il redevienne enfin ambitieux. La French, inspiré librement d’un fait réel sur la rivalité entre « Tany » Zampa, chef du cartel marseillais; et Pierre Michel, fraîchement élu Juge du Grand Banditisme, est le long-métrage au budget français le plus gros de 2014, avec 21 millions d’euros. Mais gros moyens rime-t-il avec film très bien? Pas tellement sur cet exemple. En effet, si le film possède quelques atouts non négligeables, il reste moyen sur sa forme et son fond, notamment dans son réservoir d’émotions qui tourne à vide et lesdites émotions sont plutôt remplacées au profit d’un cabotinage difficilement insupportable de la part du néo-hollywoodien Jean Dujardin. Un film qui s’est peut-être vu trop beau pour ce qu’il est réellement. Étonnant, pour le nouveau playboy qui a fait fondre le cœur de l’Oncle Sam…
Le 3 décembre dernier sortit donc La French, vrai film de gangsters ambitieux sur un réalisateur aux idées de mise en scène très visibles dans son précédent long-métrage, et un casting 5 étoiles qu’on adore retrouver en salles. Mais, hélas, ce film qui souhaite ouvertement toucher un panel international de spectateurs ne tient pas toutes ses promesses. Mais il divertit malgré ses défauts et l’accent marseillais n’est pas caricatural, c’est déjà pas mal.
Ah peuchère, le bon vieux temps à Marseille, dans les années 70… La French Connection, avec à sa tête Gaëtan Zampa dit « Tany », et ses fidèles et loyaux associés, fut la pègre française la plus redoutable jamais connue en terre hexagonale. Elle avait pour ennemi public numéro 1, le Juge Michel, spécialisé dans la criminalité pour l’occasion. Avec la police marseillaise, ils ont mené un combat sans relâche contre les trafics en tout genre et les réseaux toujours plus nombreux de « La French »… Si l’intrigue ne vous rappelle pas quelques petits polars pas très connus signés Martin Scorsese ou la French Connection de William Friedkin, c’est que vous ne les connaissiez pas avant projection du long-métrage de Cédric Jimenez. En effet, leurs pattes narratives sont très présentes dans le film, allant même jusqu’aux choix musicaux s’y rapprochant… ou étant identiques aux références qu’il prône sans se cacher (Max Richter, générique de Shutter Island, en est la preuve la plus grosse). Mais le film s’embourbe malheureusement dans des explications qui n’ont parfois aucun intérêt puisque ne servant pas totalement l’intrigue principale du film. De plus, les personnages peuvent être un temps délaissés avant de revenir au premier plan subitement, sans que l’on ne les reconnaisse forcément, symbole de quelques failles scénaristiques qui n’appuient pas assez la caractérisation et la multiplication des protagonistes dans le film La psychologie d’un des personnages principaux change brutalement en fin de film également, sans que l’on en comprenne les vraies raisons. Et l’histoire reste très classique dans son fond, qui se repose sur ses références sans jamais être vraiment transcendée – si ce n’est la vie personnelle du juge plus mise en avant que celle du criminel, au contraire de Scorsese qui a toujours préféré l’inverse, qui serait alors le seul parti pris original du film vis-à-vis de ses références. Dommage. Cependant, par quelques touches d’humour ou de gestes d’acteurs, le long-métrage peut s’avérer être très malin et gagner en capital sympathie sur la durée.
Dans son exercice, Cédric Jimenez, réalisateur auparavant d’Aux Yeux de Tous, s’applique à maintenir un rythme conséquent qu’il souhaite ne pas relâcher. Il est bien aidé par une photographie très propre et une reconstitution des seventies/eighties plutôt bien réussie, si on la compare à des photographies d’antan. Soit, la qualité des dialogues associée à un parti-pris à l’épaule réussit à nous tenir quelque peu en haleine sur les 135 minutes de film. Mais il manque clairement de dramaturgie. Pour preuve, le personnage de Jean Dujardin, censé être celui auquel le spectateur doit s’attacher, ne parvient pas à extérioriser ses sentiments, même sur l’utilisation hyperbolique de gros plans qui ne servent alors à pas grand-chose. Ainsi, toutes les scènes de famille du juge Michel sont très lisses ou tournent carrément au ridicule. Idem pour son final, qui avait sans doute pour but de nous émouvoir de bout en bout alors qu’il n’en est rien. La mise en scène de Jimenez, certes bien rythmée comme dit précédemment, manque de crudité, de régime d’images viscérales pour être vraiment intéressante et bien immersive dans la French Connection qui ne se résumait pas qu’au trafic d’héroïne d’ailleurs, comme le film laisse à penser. Et surtout, s’il vous plait, essayez d’apprendre à utiliser un Steadycam, car les scènes d’action ou de poursuites sont bien chorégraphiées, soit; mais elles sont à 75% illisibles, la faute à une caméra-épaule parkinsonienne dans ces moments-là.
Du côté du casting, Jean Dujardin se démène, mais le manque d’émotions du film rend son jeu d’acteur beaucoup moins crédible au fil du film. Ses piques humoristiques le stigmatisent presque, l’empêchant d’être l’acteur capable de toucher le public en un seul regard ou en un seul geste. C’est assez déstabilisant. Gilles Lellouche quant à lui est très bon dans son rôle « Robert De Niresque » de Gaëtan Zampa, le caïd de la pègre, avec une aisance, un charisme et un aura qui en jettent. On a envie de le voir dans tous les plans. Le casting féminin est d’une inutilité aberrante, le film ne cherche pas à leur donner un rôle assez important (excepté Céline Sallette, mais c’est parce que son rôle ne dégage aucune émotion – comme le reste du film) pour qu’elles aient un certain intérêt dans la construction narrative. En revanche, Benoît Magimel est exceptionnel, alliant la férocité de son personnage à une classe sans pareil. Il crève l’écran et éclipse les contours du cadre auquel il s’est implanté à l’intérieur. En clair, La French, s’il n’est pas un mauvais film, reste très décevant au vu de son énorme potentiel, la faute à quelques problèmes de déversement d’émotions et une imagerie indigeste dans les courses-poursuites. Espérons juste qu’on donne pas autant d’argent pour la suite de Brice de Nice…
Quant à Alain Goldman, eh bien, je crois qu’il est content de son film. Décidément, les producteurs font la loi. « Et ce sont des putaing de pieuvres! »