« Gaby, on ne devrait pas la laisser seule la nuit. Or, c’est justement ce que fait Vincent, son petit ami, pour mettre son amour à l’épreuve. Elle a pourtant du mal à contrarier sa nature et, a vite fait d’épuiser la patience des gars du village. Mais cette histoire abrite un autre personnage: Nicolas, gardien du château, et c’est vers cet expert en solitude, que Gaby choisit de se tourner – quitte à le détourner de son cher chemin. «
« Gaby Baby Doll est une petite bouffée d’air frais Made in France alliant avec tendresse complaisance et tendresse. »
Présente dans le cinéma français depuis 2004 avec plusieurs formes de films, qui vont du court au long-métrage, en passant par le moyen-métrage, Sophie Letourneur revient cette année avec une aisance supplémentaire et quelques ajouts de charme afin d’agrandir son public assez réduit jusque-là. Pouvant être connu par les plus cinéphiles d’entre vous le biais des films Les Coquillettes ou encore La Vie au Ranch, le public n’a jamais été très friand de son cinéma naturaliste et dont le but premier est de retranscrire à l’image des tranches de vies de personnes banales à qui il n’arrive rien de palpitant. Troisième long-métrage de sa filmographie, Gaby Baby Doll s’avère être son film le plus grand public, mais également son film le plus travaillé que ce soit en terme d’écriture comme de mise en scène. Va t-elle enfin connaître un léger succès en lorgnant vers un cinéma plus conventionnel ?
Moins brut dans la qualité de son image, comme dans sa narration, Gaby Baby Doll apparaît clairement comme le film du changement pour Sophie Letourneur. Beaucoup plus romancé et moins éparpillé que ses précédents longs-métrages, ce film s’appuie sur un personnage central et ses tourments, pour par la suite, apporter des personnages et arcs narratifs secondaires. Personnage au demeurant simple et sans histoires, Gaby, personnage principal de cette histoire rocambolesque, cache au fond d’elle un lourd secret : elle ne peut pas rester et s’endormir seule le soir. Arrivée dans la maison de campagne de son patron avec plusieurs de ces amis, dans le but de ce relaxer de prendre du bon temps, Gaby va vite déchanté lorsque la fin du weekend va sonnée et que ces amis vont devoir partir par la force des choses. Se retrouvant rapidement seule, car agaçante et narcissique au point d’énerver et faire fuir son petit ami, Gaby va devoir aller chercher de l’aide au village le plus proche et plus précisément au bar, pour trouver du monde et surtout des gens aptes à dormir chez elles afin de lui tenir compagnie.
Tout en faisant usage de connotations et autres compréhensions d’ordres sexuelles afin d’apporter un véritable décalage entre la volonté de Gaby et ce que comprennent des usagers du bar plus proche de l’homo-sapiens que de l’homme civilisé, Sophie Letourneur prend un malin plaisir à tourner en dérision son personnage afin de la rendre la plus agaçante possible dans le but d’apporter sur la longueur une certaine tendresse et complaisance à son égard. Doté d’une écriture naturelle qui ne choisit pas la subtilité pour rendre ses personnages charmants, Sophie Letourneur utilise une nouvelle fois sa plume pour créer et mettre en scène des personnages atypiques et aux caractéristiques très proches des archétypes du conte de fées, pour détourner ce genre et le rapprocher de nous. Réaliste, tout en s’éloignant suffisamment du monde moderne par le biais de son décor primaire pour rendre ce récit unique et intemporel, Gaby Baby Doll relève autant du drame que de la comédie grâce à une mise en scène soignée et un scénario explicite qui enjambe chaque barrière émotionnelle sans avoir à revenir d’où il vient. Tournant avec dérision autour de l’archétype du film de conte de fées, la réalisatrice va de l’avant et emporte son film à bras le corps sans avoir à se poser de questions.
Prévisible, car usant d’un récit linéaire et d’une base peu originale, Gaby Baby Doll trouve son intérêt dans la tendresse de ses personnages et une mise en scène qui, à la manière d’une bande dessinée, cherchent toujours à magnifier une réplique par plan. Soigné et suffisamment bien rythmé dans son montage pour ne pas lâcher le spectateur, Gaby Baby Doll possède des qualités techniques que ne possédaient pas les précédents films de la réalisatrice française. Que ce soit dans ses plans de nuit comme de jour, Sophie Letourneur prend soin de ses personnages, mais également de ses décors. Mis en valeur par des plans larges de qualité et utilisés de manière à ce qu’ils aient un impact sur les personnages et permettent au regard du spectateur d’évoluer, les décors ne sont pas laissés pour compte et possèdent bel et bien une nécessité à l’intérieur de ce conte de fées boueux, agaçant, mais tendre et affectueux.
Quand deux personnages que tout oppose se retrouvent par la force de l’un, contraints de devoir se supporter dans un temps, avant d’avoir besoin l’un de l’autre pour vivre dans le confort et la pérennité. Conte de fées dans lequel la princesse est décrite au spectateur comme étant une jeune femme agaçante et narcissique, Gaby Baby Doll est une petite bouffée d’air frais Made in France alliant avec tendresse complaisance et tendresse envers un personnage que l’on voudrait frapper pour son bien-être et non pour faire mal. Comédie romantique dramatique puisque basé avant tout sur le thème de la solitude, qui relève davantage du drame sur le papier que de la comédie, Sophie Letourneur s’amuse avec ce thème grâce à son personnage qu’elle maltraite avec tendresse pour notre plus grand bonheur. Drôle, touchant et techniquement abouti grâce à une réalisation et des choix de cadre qui mettent en valeur les personnages, mais également l’environnement, en parfaite cohérence avec l’état d’esprit des personnages, Gaby Baby Doll est une belle surprise. Une surprise qui n’apporte certes pas énormément de chose au cinéma français, mais arrive à point nommé afin de vivre en cette fin 2014 une petite histoire d’amour drôle et touchante, digne des contes de fées les plus boueux.