[Critique] Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées réalisé par Peter Jackson

Par Kevin Halgand @CineCinephile

« Atteignant enfin la Montagne Solitaire, Thorin et les Nains, aidés par Bilbon le Hobbit, ont réussi à récupérer leur royaume et leur trésor. Mais ils ont également réveillé le dragon Smaug qui déchaîne désormais sa colère sur les habitants de Lac-ville. A présent, les Nains, les Elfes, les Humains mais aussi les Wrags et les Orques menés par le Nécromancien, convoitent les richesses de la Montagne Solitaire. La bataille des cinq armées est imminente et Bilbon est le seul à pouvoir unir ses amis contre les puissances obscures de Sauron. »

« One Last Time in the heart of the Middle-Earth. »

Ça y est, c’est la fin. « One Last Time » disent les fans et les experts marketing. L’adieu à la Terre du Milieu, qui nous borde (pour la plupart) depuis 13 ans. Adieu partiel toutefois, tant la version longue viendra réellement clôturer l’histoire des Sacquet. Mais, pour l’instant, il s’agit bien de dire au revoir à nos héros, de les voir sur grand écran et de voyager avec eux : « One Last Time ».

Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées commence donc là où le second volet se finissait. Smaug le majestueux, ivre de rage, prêt à dévaster une nouvelle ville humaine. Prologue surpuissant, déferlement d’action et sorte de punition de l’orgueil des hommes, donnée par un Benedict Cumberbatch dont les dialogues sont aussi frappants qu’à la fin du deuxième volet. Mais voilà le problème, cette scène semble être plus la fin du deuxième volet que le début de ce troisième.

Car en réalité, cette troisième partie commence après le prologue. « La Bataille des Cinq Armées » est titré le film, et c’est bien de bataille dont il sera question après une phase d’installation réunissant les personnages pour un final époustouflants. Mais c’est là que se fait ressentir le principal problème du film : la version proposée en cinéma n’est pas la version finale. Cette version n’est pas complète.

Je détaillerai plus tard, mais ce qui est montré dans ce film, est palpitant est brillant. Mais il en manque. Beaucoup. Et les principales critiques ont beau se jeter sur Peter Jackson, en hurlant que, cette fois, il a trop allongé son récit (les mêmes qui refusaient cette critique à la sortie de la deuxième partie), le problème est justement inverse. Ces scènes étirées le paraissent, car elles sont coupées. Certaines scènes du deuxième acte manquent de choses, et ça se ressent cruellement. Nul doute qu’en version longue, on ne verra pas le temps passer, mais ici, privé de ces sous-intrigues principales, le film se répète parfois.

Après, si tous les films pouvaient se répéter comme celui-là, ce serait parfait, tant les scènes avec Thorin (les plus critiquées), amènent avec finesse un beau propos sur l’amitié, l’envie et le pouvoir. Mais ces scènes ont surtout pour fonction de nous préparer à la bataille imminente, tout en renforçant l’univers visuel que l’on pensait déjà sans limites (même s’il est permis de penser, encore une fois, que Gundabad aura une fonction plus importante en version longue). Et c’est là que le film gomme les principales erreurs de La Désolation de Smaug, en développant de la bonne manière des personnages qui m’avait déplu dans le précédent volet. Ainsi, on veut toujours donner des baffes à Alfrid, mais pour d’autres raisons, et l’histoire d’amour entre Tauriel et Kili qui m’avait profondément ennuyé apparaît beaucoup plus belle et profonde grâce à la conclusion du propos (nul doute que grâce à cela, La Désolation de Smaug va gagner au revisionnage).

Le propos du film recoupe ainsi en grande partie celui du seigneur des Anneaux, avec ce que le film dit sur l’amitié et le courage. Toute la dernière partie va ainsi s’appliquer à faire le lien avec la trilogie originale, en posant des références parfois énormes, parfois plus subtiles, en forme de multiples cliffhangers. Ici, on ressent un autre problème. Guillermo del Toro ayant été au départ rattaché au Hobbit voulait réaliser deux films, un en tant qu’adaptation pure, l’autre comme attache au Seigneur des Anneaux. Et ces fins, bien qu’intelligentes. Donnent l’impression d’être des cliffhangers pour un autre film, situé entre la fin du Hobbit et le début du seigneur des Anneaux.

Mais rendons à Peter ce qui lui appartient : le film est époustouflant. 10 ans après son Oscar du meilleur film, 13 après la mort de Sauron sur la Montagne du destin, qui servait d’ouverture au Seigneur des Anneaux, Jackson nous prouve qu’il en a encore sous le pied. Et pas qu’un peu. Si l’ouverture du film déséquilibre légèrement l’ensemble, la suite obéissant aux mêmes règles de constructions narratives que le Retour du Roi (en gros), un souffle épique y est présent, qui renvoie très loin les compétiteurs de Jackson. Merci d’avoir participé 2014, mais PJ est bien au-dessus de ce qui a été fait (dans le genre) cette année.

Et cette maîtrise visuelle, elle se ressent dans tout le film. Chaque plan (ou presque) pourrait être un tableau, une fresque, que l’on pourrait accrocher dans sa chambre. Même les plans dans les scènes d’actions/batailles (surtout du côté des elfes) sont sublimes et le HFR (la projection à 48 images par secondes) et le 4k (résolution d’image environ 2x plus élevée que les meilleurs Blu-Ray) que j’ai eu la chance d’expérimenter, font ressortir tous les détails de mise en scène et de composition de Jackson qui ne demande qu’à faire exploser leur classe sur grand écran.

Et puis il y a toutes les scènes d’actions individuelles qui décrochent la mâchoire. Outre le passage à Dol Guldur, assez dément, et qui arrive à être encore plus inventif que celui de la version longue de la Désolation de Smaug, tous les combats de la fameuse bataille sont dingues. Si le début, opposant les armées à proprement parler, peu manquer d’inventivité ou de tonus pour certains, la suite, en combat rapproché, est folle. Thorin contre Azog, Legolas contre Bolg, et le déplacement de Bilbo sont des morceaux de bravoures et d’émotions remarquablement menés. On regrettera tout de même les aigles et Beorn, personnages sacrifiés sur l’autel de la durée (nul doute en voyant la version longue du deuxième volet que le personnage de Beorn aura un rôle significatif).

Et puis, c’est la fin. « One Tast Lime »; « Juste au cinéma »; certes, la version longue sera accueillie avec joie, mais quand même. Ce sont les derniers instants de l’œuvre de Tolkien en Terre du Milieu au cinéma. On parle du Silmarillion, des contes et légendes inachevés, mais les chances d’adaptations sont tellement infimes que je ne l’imagine même pas.

L’œuvre de toute une vie est donc finie. C’était celle de Tolkien, qui a inventé une mythologie entière à son pays, créé des langues, dessiné des cartes, elle apparaît comme celle de Jackson, qui m’aura, à moi, offert les plus beaux moments de cinéphilie de ma vie. Et si je finis cette critique, comme j’ai fini ma séance, avec un pincement au cœur, c’est que mon œuvre favorite toutes catégories confondue a trouvé sa fin, sur grand écran. Et qu’on pourra lui trouver tous les défauts du monde, mais il n’y avait pas meilleure manière de faire, ou de finir.