Le mois dernier se déroulait au Forum des images la 18e édition du Cinéma du Québec à Paris. L’occasion de découvrir en exclusivité les dernières pépites imaginées par des réalisateurs confirmés ou en devenir, venus présenter leur film aux cinéphiles réunis.
Parmi les films proposés, La Petite Reine, d’Alexis Durand-Brault, a marqué les esprits.
L’histoire est celle de Julie, une vedette du cyclisme, à deux doigts de réaliser son rêve : remporter la Coupe du monde. C’est l’aboutissement d’années d’effort. Julie aime les projecteurs. Son entourage aussi. Encouragée par son entraîneur et son médecin, elle se dope depuis l’âge de 14 ans. Quand son docteur la dénonce, elle réussit à étouffer l’affaire, mais mesure l’ampleur du gâchis. Abus, mensonge, trahison… Prise dans un engrenage qui la dépasse, va-t-elle réussir à trouver une porte de sortie ?
Un portrait sans concession du milieu sportif qui nous saisit avec une frénésie inattendue et qui méritait une rencontre avec le réalisateur.
Des Films et des Mots : Comment vous est venue l’envie de tourner ce film? Connaissiez-vous le milieu du cyclisme (ou de façon plus générale, le milieu sportif professionnel)?
Alexis Durand-Brault : L’idée du film m’est venue après avoir vu une entrevue télévisée de Geneviève Jeanson, la cycliste qui a inspiré le scénario du film. Geneviève était à l’époque une championne mondiale du cyclisme junior. Suite à des suspicions des professionnels qui l’entouraient, elle a finalement avouée s’être dopée pendant plusieurs années. Le milieu du cyclisme ne m’était pas vraiment familier comme d’ailleurs beaucoup de québécois, plutôt rompus au hockey! Le public d’ici était charmé par cette jeune femme qui excellait dans un sport international. Mais la déception a été violente pour ceux voyaient en elle un icône québécois de réussite. Ce qui m’a frappé, c’est la pression que subit l’athlète de la part de son entourage et certains choix moins judicieux que l’on peut faire à un jeune âge, influencé par le succès et les pressions de l’extérieur.
A partir de ça, l’équipe de création s’est focalisée sur un thème à développer : « le prix à payer pour réussir ». Nous nous sommes concentrés sur les moments émotifs et cinématographiques des souvenirs de Geneviève pour les réinterpréter dans une fiction.
DFDM Y a-t-il eu une scène plus compliquée à tourner (les scènes de course par exemple) ?
ADB : Il y en a eu plusieurs! Mais la pire est assurément la course finale que nous avons filmée pendant la Flèche Wallonne en Belgique grâce au concours de l’ASO (Amaury Sport Organization), une société française qui organise des courses prestigieuses dont Le Tour de France. Nous filmions dans le cadre de la vraie course, et avions repéré les principaux segments du trajet (le mur d’Huy entre autres) un an avant la course pour établir le plan de tournage et le positionnement des caméras. Nous avons préparé et répété avec les comédiennes plusieurs semaines à l’avance. Le jour de la course, vingt caméras étaient postées – dont une héliportée. Nous sommes restés sur le mur deux jours supplémentaires pour tourner la « dramatique » dans le mur d’Huy et une autre journée pour tourner dans la campagne sur le trajet de la course.
DFDM : Comment s’est faite la rencontre avec Laurence Leboeuf ? Sa prestation est fascinante : a-t-elle été elle-même sportive de haut niveau?
ADB : Je connaissais bien Laurence depuis mon premier film, Ma fille, mon ange, dans lequel elle jouait déjà. Elle n’a pas immédiatement retenu notre attention pour le rôle de Julie car elle est en réalité plus âgée que ce que nous envisagions. Elle m’a cependant convaincu d’auditionner et nous avons été immédiatement séduits. Elle s’est imposée de facto! C’est une actrice qui tourne beaucoup au Québec, mais nous avons voulu travaillé sa prestation pour lui permettre de se dépasser tant dans son jeu que physiquement. Elle est d’ailleurs persuadée que la demande physique du rôle lui a permis de nouvelles incursions dans son émotion et cela l’a aidé à tisser les fils de son personnage. Laurence ne pratique pas de sport précis, bien qu’elle « s’entretienne ». Elle a dû s’entraîner un an avant le tournage avec des spécialistes du vélo, tant en salle de sport que sur le terrain. Elle a fait des camps d’entrainements à Cuba, en Arizona (loin de l’hiver québécois…) et en Belgique.
DFDM : La solitude de Julie contraste violemment avec le sport qu’elle pratique de façon collective, avec l’entourage familial (hypocrite et délibérément aveugle), et avec sa notoriété. Comment vous est venue l’idée de ce contraste?
ADB : Le contraste était évident lorsque nous avons fait les premières recherches sur le fonctionnement de l’équipe. Le film démontre aussi le rapport personnel, spécifique et malsain que Julie entretenait avec son entraîneur. Cette relation malsaine était faussement basée sur la complicité. Aucun des deux ne pouvait vraiment être ouvert sur ce qu’ils vivaient. Son entraîneur l’isolait, ils vivaient dans une symbiose pernicieuse. Cette relation atypique entre une athlète, une équipe et un entraîneur n’est heureusement pas courant dans le monde du vélo.
DFDM : Au moment de la présentation de « La Petite Reine » au Cinéma du Québec à Paris, le film n’avait pas encore de distributeur en France. Avez-vous des bonnes nouvelles à nous annoncer ?
ADB : La bonne nouvelle est que plusieurs distributeurs se sont intéressé au film! Nous sommes en discussion, mais il est encore trop tôt pour une annonce…
Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site du film.