[Critique | Avant Première] Une Heure de Tranquillité réalisé par Patrice Leconte

Par Kevin Halgand @CineCinephile

« Michel, passionné de jazz, vient de dénicher un album rare qu’il rêve d’écouter tranquillement dans son salon. Mais le monde entier semble s’être ligué contre lui : sa femme choisit justement ce moment pour lui faire une révélation inopportune, son fils débarque à l’improviste, un de ses amis frappe à la porte, tandis que sa mère ne cesse de l’appeler sur son portable… Sans parler du fait qu’il s’agit ce jour-là de la fameuse Fête des Voisins… Manipulateur, menteur, Michel est prêt à tout pour avoir la paix. Est-il encore possible, aujourd’hui, de disposer d’une petite heure de tranquillité ? « 

« Pourquoi il ne faut surtout pas aller voir Une Heure de Tranquillité ? »

Cinéaste français à la filmographie qui comporte maintenant plus de trente films, Patrice Leconte n’est depuis quelques années plus que l’ombre de lui-même dans le cœur des Français. Sans aucune méchanceté envers les Français, loin de là, nous pouvons nous appuyer sur les chiffres annuels du box-office pour voir que les films qui remportent un franc succès en salles sont des films grand public, ceux qui ont la meilleure visibilité, à savoir très souvent des comédies portées par un casting dit « bankable ». Dany Boon, Christian Clavier sont deux exemples parmi tant d’autres, des célébrités qui avec leur simple nom, peuvent attirer le million, voire plus, de spectateurs dans les salles de cinéma. Depuis quelques années et plus précisément la sortie des Bronzés 3 : Amis pour la vie, Patrice Leconte a eu envie de grand air et de mettre en scène des films qui lui tenait plus à cœur. Des films plus intimistes et même des films d’animation. Même si ces derniers n’étaient pas parfaits, ils possédaient en eux, quelque chose d’original, un léger vent de fraîcheur que l’on ne retrouve qu’au cœur du cinéma indépendant. Avec la très belle surprise Une Promesse, le metteur en scène français m’avait charmé et porté à croire qu’il tendait vers un renouveau de son cinéma. Malheureusement, cette production internationale fut un échec en cumulant à peine 100.000 entrées en France. Du coup, comment renouer avec le succès pour un réalisateur de cette renommé et qui avait su faire rire à une période maintenant révolue ? Cette fausse bonne idée, il l’a trouvé au théâtre avec la pièce : Une Heure de Tranquillité.

Il ne faut pas se leurrer, de la même manière que le film Une Promesse qui était l’adaptation d’une nouvelle de Stefan Zweig, Une Heure de Tranquillité est un film de commande. Un film que les producteurs voulaient faire, tout bonnement parce que la pièce de théâtre originelle fût un triomphe au théâtre. Mise en scène par Florian Zeller au Théâtre Antoine et jouée par Fabrice Luchini, Une Heure de Tranquillité raconte l’histoire d’un homme qui souhaite avoir une heure pour lui, pour son plaisir personnel, à savoir écouter de la musique, mais qui au final va vivre l’heure la plus longue de sa vie. Cette histoire simpliste au possible, n’est pas inintéressante pour le théâtre, car elle peut permettre aux acteurs de s’exprimer et en l’occurrence à Fabrice Luchini d’extrapoler et d’en faire des tonnes pour amuser le public. Au cinéma, l’humour n’est pas aussi communicatif et pour qu’il le devienne il faut un acteur d’exception, ainsi qu’une réalisation qui permette à l’image de transmettre les émotions. Afin de renouer avec le succès, Patrice Leconte s’est tourné vers l’un des membres du Splendide qu’il connaît bien, à savoir Christian Clavier. Acteur bankable et qui a du succès avec chacun des films dans lequel il a la vedette, il joue ici avec bonne humeur et réussit tant bien que mal à partager avec le spectateur ses coups de gueule et excès en tout genre provenant de cet homme égocentrique qu’il incarne. Christian Clavier fait du Christian Clavier et ce n’est pas un mal, mais là où Fabrice Luchini aurait pu jouer avec compassion et fureur dans une même scène, Christian Clavier ne peut monter en puissance de la même manière, de manière théâtrale. C’est finalement ce qui manque au casting de ce film, qui se contente de faire jouer des acteurs reconnus dans un registre qui leur est familier. Néanmoins, on retrouve avec plaisir la verbe de Stephane De Groodt qui, sur quelques répliques, réussi à extirper aux spectateurs quelques sourires, ce qui n’est pas le cas de Carole Bouquet, Rosy de Palma et Valérie Bonneton dont leurs jeux tiennent plus du film parodique que de la comédie burlesque ou de quartier.

Alors que tout portait à croire que la plus grosse erreur du film résidait dans son choix de casting dont le simple but est de remplir les salles justes avec leurs têtes, il suffit de voir l’affiche pour le comprendre, il faut croire que le casting n’est finalement pas si exécrable, contrairement à la technique. Abasourdi par une bande originale redondante et agaçante au possible qui porte à croire que Patrice Leconte fait avec ce film son Francis Veber (sonorités et utilisation de la musique comme le fait Francis Veber dans sa saga François Pignon), le spectateur en prend également plein les yeux par le biais d’une réalisation aberrante de médiocrité. Tourné en grande partie en caméra portée, le réalisateur recadre sans cesse sa caméra sur les acteurs afin qu’ils soient correctement centrés. Rarement stable, la caméra ne cesse de bouger sans que le mouvement ne soit propre et ne possède un véritable intérêt que ce soit cinématographique ou pour l’action en elle-même. Toujours au plus prêt des personnages, ce faux huit clos est un calvaire pour les yeux, tant la caméra ne lâche pas ses personnages et ne joue à aucun moment avec le décor de l’appartement puisque ce dernier est fixe et ne peut être détruit. L’intérêt de tourner intégralement en studio pour ce genre de film est de pouvoir bouger les murs pour avoir des cadres plus aérés, des plans plus longs et pouvoir suivre les personnages sans avoir à faire le même chemin dans leur dos. Le budget n’est pas le même, mais la qualité finale non plus.

Stéréotypé, prévisible, rarement drôle, insupportable que ce soit sur le plan sonore comme visuel, Christian Clavier est très clairement l’atout positif de ce film, alors qu’à première vu, remplacer Fabrice Luchini était une erreur monumentale. Heureusement pour lui, ce dernier a du flair et ne s’est pas laissé engrainer dans cette ignominie. Si les adjectifs sont violents envers ce film, ce n’est pas par pure envie de faire du mal, c’est tout simplement par incompréhension vis-à-vis du metteur en scène. Celui qui, il y a moins d’un an arrivait à charmer par ses cadres et sa mise en scène, revient avec ce film à ce que le cinéma français fait de plus mauvais. Serte la mise en scène n’est pas mauvaise et tant bien que mal, celle-ci arrive à faire en sorte que le film tienne un bon rythme sur une courte durée (1h19), mais ce n’est pas tout. Et pour le coup, c’est la réalisation qui enfonce le clou et détruit littéralement les fondations bâties par Florian Zeller pour la pièce de théâtre originale.