« Andrew, 19 ans, rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence… »
« Whiplash, où la recherche de la perfection à travers l’autodestruction. »
Ça y est, c’est la fin. De l’année évidemment, et donc de l’année ciné, par extension. Et s’il reste un mercredi, qui promet de belles choses avec A Most Violent Year et Cold in July c’est le « mercredi de Noël » qui, comme l’année dernière avec le dernier Scorsese, nous avait servi un grand film sur un plateau d’argent, histoire de terminer l’année en beauté.
C’est l’histoire de Andrew Neiman, joué par l’un des acteurs en vogue du moment, Miles Teller, et d’un chef d’orchestre de Jazz, Terence Fletcher, le plus renommé de l’école la plus renommée du pays, et donc du monde si on les croit. Lui, sorte de double musical du Sergent Hartman de Full Metal Jacket, est joué par J.K. Simmons, le genre d’acteur que l’on voit partout sans pouvoir dire où on l’a vu avant. Et c’est donc l’histoire de comment un jeune homme talentueux et bourré d’ambitions va rencontrer un faiseur de grands musiciens, qui s’avèrera être un briseur d’hommes.
Mais Whiplash, c’est aussi, outre la rencontre de deux acteurs au sommet de leur art, une révélation de metteur en scène. Damien Chazelle, même pas 30 ans, vient de mettre les spectateurs du monde entier à genoux. Pas mal pour un gars dont le CV grand public se résumait au « Dernier Exorcisme partie 2″ et à « Grand Piano », ainsi donc une purge et un film sympathique, mais bancal. Et en 1h45, le mec fait oublier toutes les erreurs de ses précédents films, pour mettre en scène l’affrontement psychologique de deux génies, chacun dans leurs genres.
Deux génies, car ce sont eux deux qui occupent le devant de la scène durant les 105 époustouflantes minutes du film. Des personnages secondaires il y en a oui, mais ce sont des sortes de faire-valoir, qui servent uniquement à motiver la relation entre Andrew et son mentor. Il le dit lui-même d’ailleurs, à propos d’un des batteurs du « Studio Band », l’orchestre où l’un essaie d’asseoir sa place, tandis que l’autre semble tout faire pour l’en décourager. Cet autre batteur n’était qu’une motivation pour Andrew, pour le pousser à se dépasser.
Et pourtant, ce n’était pas la motivation qui lui manquait à Andrew, qui s’entraînera des heures jusqu’à faire saigner ses mains, qui s’isolera des gens, et de sa famille, et qui se privera de l’amour, pour aller encore plus loin, impressionner encore plus, et gagner sa place de titulaire, faire tous les concours de son école, et ainsi s’assurer un avenir dans ce cruel milieu. Il laissera donc tout derrière, pour se consacrer à son premier amour, la batterie. Cette recherche de la perfection à travers l’autodestruction, Black Swan le montrait il y a 4 ans déjà, et l’asociabilité comme moteur, The Social Network, la même année, nous le montrait aussi.
Évidemment, Chazelle saura s’éloigner de ces apparentes influences, comme il ira à l’encontre technique totale d’un Full Metal Jacket, que les distributeurs s’efforcent de vendre comme le modèle unique du film. Chazelle ne copie ni Kubrick, ni Aronofsky, ni Fincher. Des influences, il y en a, mais tout l’intérêt du film provient de la manière dont le jeune réalisateur parvient à tout réorchestrer et ainsi à procurer un plaisir relativement inédit.
En effet, les séquences musicales sont transcendantes. Chazelle et son monteur sont des métronomes. L’un filme, l’autre remet en place, au son entraînant de chansons de jazz et d’une batterie qui occupe la majeure partie de l’espace sonore du film, comme si elle seule comptait, et pas les saxophones, trompettes ou piano. Oui, on entendra ces instruments, mais pas aussi fort, pas de manière aussi percutante ou grisante que l’on entend cette batterie, filmée de manière magnifique et imprenable.
Et à Chazelle de nous faire passer par toutes les émotions possibles face à cet instrument. Parfois sous pression, comme les personnages, parfois exaltés, mais souvent le souffle coupé par la maestria visuelle d’un montage très cut et pourtant parfaitement lisible, et des émotions transmises par chaque coup de baguette sur les cymbales ou les caisses de la batterie. Le sommet de l’émotion est ainsi atteint durant la dernière séquence, illustration parfaite du titre du film, un énorme coup de fouet, d’énergie qui nous fait sortir comme des piles électriques du film avec une seule envie, le revoir, et vite.
C’est ainsi donc que l’année ciné se terminera symboliquement pour beaucoup. Moi qui n’aurais sûrement pas la chance d’aller découvrir le nouveau JC Chandor en salles mercredi, je resterai donc sur Whiplash. Shot d’énergie à l’état brut, film musical transcendant où se rencontrent deux acteurs au sommet, Whiplash est le grand film de cette fin d’année, qui vous fera sortir amoureux du Jazz, avec l’envie d’y retourner.
Ou comment finir l’année de manière grandiose.