Top Films 2014

Par Boustoune

Avant de démarrer une nouvelle année cinématographique pleine de promesses, nous nous sommes attelés à notre traditionnel Top 20 des meilleurs films de l’année.

Comme d’habitude, ce sont des choix très personnels, qui obéissent autant à des critères artistiques objectifs qu’à des coups de coeur. Dans notre liste on retrouve des oeuvres unanimement louées par nos confrères et appréciées par les cinéphiles, et d’autres passées plus inaperçues, hélas, ainsi que des films que d’autres critiques ont jugés mineurs ou anecdotiques, mais qui nous ont procuré de belles émotions sur grand écran.

Evidemment, qui dit choix dit films mis de côté…
Ainsi, nous avons décidé de mettre au rancart tous les super-héros qui envahissent nos écrans chaque année, même s’il faut bien avouer que 2014 a été plutôt une réussite dans ce domaine, avec Captain America : le Soldat de l’hiver, Les Gardiens de la Galaxie ou X-Men : Days of future past. Idem pour Le Hobbit que, depuis le départ, nous trouvons trop long, trop bancal et dont les effets visuels sont parfois ratés.
Côté films d’Auteurs, nous avons choisi de faire disparaître Magic in the moonlight, Woody Allen sympathique mais mineur, de laisser couler le boursoufflé Noé d’Arronofsky et de libérer 12 years a slave qui, malgré ses nombreuses qualités, nous semble un cran en dessous des précédents films de Steve McQueen.  De même, nous avons laissé Christopher Nolan se torturer l’esprit avec ses considérations métaphysiques et abandonné son Interstellar qui nous a pourtant bien fait voyager.
Sans tailler de costard à Saint Laurent, nous sommes déçus que Bertrand Bonello ait proposé à peu près la même chose que Jalil Lespert, quelques mois auparavant et nous l’avons donc écarté de notre liste. Ne sachant pas si Godard se moque de nous ou s’il est juste trop en avance sur son temps, nous avons dit adieu à Adieu au langage.
Goltzius et la compagnie du Pélican, objet cinématographique séduisant mais avec lequel Peter Greenaway ne se renouvelle pas beaucoup, n’est pas dans notre top, tout comme le très beau Le Vent se lève, dans lequel Hayao Miyazaki se renouvelle, lui, un peu trop, abandonnant sa veine onirique habituelle .
Nous avons mis de côté des films qui nous ont emballés, mais qui reposent beaucoup sur des performances d’acteurs, comme  Dallas Buyer club ou Locke, ou des dispositifs de mise en scène, comme Boyhood.

Il a été difficile de se séparer de films aussi brillants que Gone girl de David Fincher, Only lovers left alive de Jim Jarmusch, The Rover de David Michôd, Still the water de Naomi Kawase, Une nouvelle amie de François Ozon, Bande de filles de Céline Sciamma, Sils Maria d’Olivier Assayas,  Nightcall de Dan Gilroy ou ‘71 de YannDemange
Nous aurions aussi aimé mettre davantage l’accent sur l’animation, avec Jack & la mécanique du coeur, Le Conte de la princesse Kaguya, et le documentaire, avec les sublimes A la recherche de Vivianne Maier et Le Sel de la Terre.
Et nous avons écarté, à regret, quelques beaux coups de coeur, comme Lulu femme nue de Solveig Anspach, Ida de Pawel Pawlikowski, La Cour de Babel de Julie Bertucelli ou Pas son genre de Lucas Belvaux…

Mais trêve de bavardages, voici notre Top Films 2014 :

1.   Le Garçon et le monde d’Ale Abreu (Brésil)
2.   White God de Kornèl Mundruczo (Hongrie)
3.   Enemy de Denis Villeneuve (Canada)
4.   Her de Spike Jonze (Etats-Unis)
5.   Nymphomaniac volume 1  de Lars Von Trier (Danemark)

6.   Leviathan d’Andrei Zviaguintsev (Russie)
7.   Maps to the stars  de David Cronenberg (Canada)
8.   Deux jours une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne (Belgique)
9.   Marie Heurtin de Jean-Pierre Améris (France)
10. Winter sleep de Nuri Bilge Ceylan (Turquie)

11.  The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson (Etats-Unis)
12.  L’Etrange couleur des larmes de ton corps d’H.Cattet et B.Forzani (Belgique)
13.  A most violent year  de J.C. CHandor (Etats-Unis)
14.  Timbuktu d’Abderrahmane Sissako (Mauritanie)
15.  Les Grandes Ondes de Lionel Baier (Suisse)

16.  Mommy de Xavier Dolan (Canada)
17.  Le Procès de Viviane Amsalem de Schlomi et Ronit Elkabetz (Israel)
18.  Les Amants électriques de Bill Plympton (Etats-Unis)
19.  Le Rôle de ma vie de Zach Braff (Etats-Unis)
20.  Au fil d’Ariane de Robert Guédiguian (France)

En quelques mots, nos choix décortiqués…


1. Le garçon et le monde
Parce que, sous l’apparence d’un film d’animation enfantin se cache un drame humain et social bouleversant, et une fine allégorie des régimes dictatoriaux qui ont marqué – et marquent encore – l’histoire de l’Amérique du Sud. Et parce que c’est esthétiquement l’un des plus beaux films de l’année.
Comment les exploitants ont-ils pu se tromper en le cataloguant comme film pour les tout-petits, réduisant considérablement son public? On enrage…

2. White God
Parce que la fable fantastique de Kornel Mundruczo était sans doute l’un des meilleurs films présentés à Cannes cette année, hors compétition.
C’est à la fois une prouesse technique – un tournage avec des centaines de chiens à gérer, wouf… –, une réussite artistique majeure et le vecteur d’un message humaniste très fort. On est heureux de ce retour en grande forme du réalisateur de Delta, film qui avait déjà, en son temps, enchanté la Croisette.

3. Enemy
Parce qu’on aime défendre les films que les spectateurs détestent, surtout quand ils les détestent pour de mauvaises raisons. Beaucoup ont été frustrés par ce film au scénario alambiqué, conclu par un dénouement des plus déroutants. Pourtant, il s’agit là d’un modèle de construction cinématographique, une boucle sans fin qui n’est pas sans rappeler celle du Lost Highway de David Lynch. Normal qu’on aime, donc, en grands fans du cinéaste de Mulholland drive
Mais on aime aussi beaucoup Denis Villeneuve, qui a pris l’habitude de squatter nos Tops Films de l’année depuis Incendies. Et Jake Gyllenhaal, qui est absolument exceptionnel dans ce film et qui, avec Nightcall est l’un des acteurs de 2014.

4. Her
Parce qu’on a été subjugués par la beauté et la profondeur de cette fable d’anticipation, jouée magistralement par l’un des autres acteurs de l’année, Joaquin Phoenix, et portée par la voix sensuelle de Scarlett Johansson. Et parce que là aussi, la mise en scène est d’une précision et d’une élégance rares. Spike Jonze est définitivement un cinéaste à l’univers singulier, qui mérite totalement sa place dans ce classement.

5. Nymphomaniac volume 1.
Parce qu’avec Enemy, Nymphomaniac volume 1. est le film qui nous a le plus torturé les méninges et nous a le plus donné envie de l’analyser en profondeur. On précise bien, “volume 1.”, parce que le second opus, construit en opposition avec le premier, nous a semblé plus convenu, plus linéaire. L’attente était peut-être trop grande… Mais quoi qu’il en soit, ce diptyque constitue l’une des oeuvres les plus excitantes de l’année. Erotiquement et intellectuellement parlant.

6. Leviathan
Parce qu’Andreï Zviaguintsev nous a bluffés avec cette fable politique et morale, à la fois drôle et glaçante, sur l’état de la Russie moderne. Le cinéaste russe a trouvé l’équilibre entre une austérité formelle très “tarkovskienne” et un souffle dramatique fort, porté par les personnages, tous complexes, et par un décor à couper le souffle. Notre Palme de coeur du dernier festival de Cannes.

7. Maps to the stars
Parce que quand David Cronenberg décrit l’univers du cinéma hollywoodien, cela tourne forcément au jeu de massacre. Et c’est absolument réjouissant.
On aime ce film, sa force dramatique, ses performances d’acteurs sublimes – Julianne Moore en tête – et le message en filigrane sur les raisons du déclin du cinéma Américain, crevant de ses moeurs incestueuses et de son manque d’imagination… Il s’agit de notre second gros coup de coeur de la compétition cannoise.

8. Deux jours une nuit
Parce que le cinéma des frères Dardenne, simple, lumineux et proche des gens, est une valeur refuge en temps de crise.
Parce qu’on préfère nettement le jeu de Marion Cotillard dans ce film que dans le dernier Batman. Argh…
Et parce que le scénario de ce thriller humaniste et social est une petite merveille.

9. Marie Heurtin
Parce que ce film et l’histoire vraie qu’il raconte nous ont émus aux larmes. Parce que peu de films mettent aussi bien en avant l’importance du langage.
Parce qu’Isabelle Carré y est magnifique, qu’Ariana Rivoire y est formidable et que la mise en scène de Jean-Pierre Améris, tout en pudeur et en retenue, est un modèle du genre. Et parce que la dernière scène du film, magistrale, n’a pas fini de nous hanter.

10. Winter sleep
Parce que c’est le film qui permet à Nuri Bilge Ceylkan d’obtenir la récompense suprême sur la Croisette et que c’est loin d’être immérité, même si nous avons préféré d’autres oeuvres de la compétition (cf. plus haut) et que nous pensons que Winter sleep est inférieur à Il était une fois en Anatolie ou aux Climats. Parce que c’est l’un des plus beaux morceaux de mise en scène de l’année, et que certaines des joutes verbales entre les personnages sont mémorables.

11. The Grand Budapest Hotel
Parce que Wes Anderson, à l’instar de Spike Jonze, possède son propre univers et qu’on a de plus en plus envie d’y déambuler. Parce que ce film est un petit bijou de narration, avec ses intrigues imbriquées et ses rebondissements farfelus. Et parce que le casing du film est l’un des plus impressionnants de l’année 2014.

12. L’Etrange couleur des larmes de ton corps
Parce qu’un titre pareil méritait d’être cité dans les tops de l’année. Plus sérieusement, parce qu’il s’agit d’une oeuvre totalement atypique, qui imprime durablement la rétine et nous hante longtemps après la projection. Et parce que ses auteurs, le duo Cattet/Forzani, sont des formidables faiseurs d’images.
Ce film est l’un des plus beaux de l’année 2014.

13. A most violent year
Parce que J.C. Chandor est en passe de devenir l’un des meilleurs cinéastes Américains. En trois films, il s’est en tout cas imposé comme l’un des réalisateurs à suivre. Son dernier film, démolissage en règle du “Rêve Américain” qui joue avec les codes du polar sans y toucher, est magistral.

14. Timbuktu
Parce que l’utilisation de la poésie et l’humour comme arme contre le fanatisme religieux nous a enthousiasmés. Parce qu’Abderrahmane Sissako est un cinéaste intéressant, qui nous convainc un peu plus à chaque film, malgré un manque de moyens évident. Et parce que pour une fois, un film africain ne souffre pas trop des défauts qui nuisent à la reconnaissance de cette cinématographie sur la scène internationale. Il aurait mérité meilleur sort au palmarès cannois.

15. Les Grandes Ondes
Parce que c’est l’une de nos plus belles surprises de 2014. Parce que ce film nous a bien plus fait rire que la plupart des comédies françaises de l’année, aux ressorts comiques émoussés. Bien plus, en tout cas, que Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu? et son succès populaire difficilement compréhensible. On préfère Michel Vuillermoz essayant de baragouiner en portugais que Christian Clavier balançant des clichés xénophobes…
Et parce que le film, en plus d’être très drôle, est aussi tendre et nostalgique.

16.  Mommy
Parce que Xavier Dolan a un talent fou et beaucoup d’audace, et qu’il aurait été criminel de ne pas le citer dans ce Top Films, d’autant qu’un autre de ses films, Tom à la ferme, nous a également beaucoup emballés au cours des douze derniers mois.
Et parce que le jeu avec les cadrages et le format du film en font l’une des réussites formelles les plus marquantes de l’année.

17. Le Procès de Viviane Amsalem
Parce que le sujet de ce film – le combat d’une femme israélienne a qui le tribunal refuse d’accorder le divorce – nous a terriblement touchés. Parce que le scénario est admirablement construit et nous tient en haleine malgré le huis-clos dans l’enceinte du tribunal. Et parce que Ronit Elkabetz y est magnifique.

18. Les Amants électriques
Parce que Bill Plympton continue à faire ses films en toute indépendance, loin des contraintes du système hollywoodien, et que son cinéma évolue vers de plus en plus de sensibilité et de poésie. Les Amants électriques est un magnifique drame passionnel, filmé à la façon d’un film noir, mais dans le style unique de Plympton. Brillant…

19. Le Rôle de ma vie
Parce qu’on admire la façon avec laquelle Zach Braff réussit à passer du rire aux larmes, en un clin d’oeil. Parce que les dialogues du films sont formidablement écrits. Et parce que cette histoire, autour de la force des liens familiaux et de la nécessité de grandir, nous a touchés, tout simplement.

20. Au fil d’Ariane
Parce qu’on a été bouleversés par cette fantaisie au ton désabusé, portée par l’humanisme généreux du cinéaste et la complicité évidente de sa bande habituelle.