« L’incroyable destin du coureur olympique et héros de la Seconde Guerre mondiale Louis « Louie » Zamperini dont l’avion s’est écrasé en mer en 1942, tuant huit membres de l’équipage et laissant les trois rescapés sur un canot de sauvetage où deux d’entre eux survécurent 47 jours durant, avant d’être capturés par la marine japonaise et envoyés dans un camp de prisonniers de guerre. »
L’année passée, on s’esclaffait soi-disant parce que 2014 était l’année du biopic, l’année du film où n’importe quel fait-divers ou vie de célébrité vivante ou morte avait soi-disant le potentiel de faire un long-métrage. Il faut croire que 2015 n’en sera que la continuité avec des films comme L’Enquête, L’Affaire SK1 ou encore Invincible, qui n’est autre que l’adaptation d’un roman publié en 2010 servant de biographie officielle à une large parcelle de la vie de l’américain Louis Zamperini. Publié il y a seulement 4 ans (novembre 2010 pour être encore plus précis), le roman biographique Unbroken : A World War II Story of Survival, Resilience, and Redemption écrit par Laura Hillenbrand n’aura pas attendu bien longtemps avant de voir ses droits achetés par un studio, puis le long-métrage en question mis en phase de production. Pour l’information, l’idée de faire un biopic sur Louis Zamperini était en projet chez Universal depuis 1957, ils n’ont donc pas attendu le roman de Laura Hillenbrand, ce fût simplement un coup d’accélérateur. Angelina Jolie aux commandes, Joel et Ethan Coen en tant que second au scénario et le grand Roger Deakins à la photographie, tous les éléments réunis pour offrir aux spectateurs la première claque de cette nouvelle année, l’épopée tendre et intense qu’ils demandent ?
Actrice engagée et émérite, Angelina Jolie est passée en l’espace d’un seul film de ce statut, au statut de cinéaste engagée et émérite. Imparfait, mais pourvu d’une belle réalisation, à la fois souple et aboutie dans ses recherches de cadres, Au Pays du Sang et du Miel fût une révélation pour beaucoup concernant le talent caché de l’actrice américaine. Paraissant autoritaire et dominatrice dans la majorité des rôles qu’elle a composée dans sa carrière, c’est sans surprise qu’elle a prouvée avoir toute sa place en tant que dirigeante sur un plateau. Avec Invincible, Angelina Jolie prouve aux yeux de tous que le poste de réalisateur peut se conjuguer au féminin et ajoute son nom au palmarès des réalisatrices talentueuses qui ont et auront leur place sur une ou plusieurs récompenses. Majoritairement fixe, chaque plan que compose ce film réussit à faire oublier cette rigidité omniprésente par leur composition et angle respectif. Ayant un but bien précis, les plans, même dans un simple but de champ/contre champ, présent au montage, possèdent leur nécessité et contribuent au bon passage au travers l’image, du message de la séquence ou dans l’optique d’amener vers la morale finale du film. Les angles choisis sont majoritairement judicieux et laissent place à de magnifiques panoramas, de belles plongée ou contre plongée, ainsi qu’à une mise en valeur évidemment patriotique et malheureusement grossière du personnage principal dans ces moments de souffrances.
Louis Zamperini, fils de parents italiens immigrés, a connu des débuts difficiles lors de son insertion dans la vie scolaire, car ne parlait que maladroitement la langue locale : l’anglais. Grâce aux intimidations de ses camarades, et entraîné par son père et son frère, Louis prit goût à la boxe, au sport en règle général et à la compétition. Devenu par la suite un coureur de fond reconnu grâce à sa performance aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936, cette vie de sportif ne représente qu’un tiers du périple vécu par Louis Zamperini. Scindé très distinctement en trois parties, le récit du film ne sort pas des conventions hollywoodiennes, mais tente tout de même quelques raccords et sauts dans le temps, afin de relier ses années de sportif et son passage dans l’armée américaine jusqu’au crache de l’avion dans lequel il était affrété. Au-delà de la volonté de raccourcir le film et de faire des parallèles intéressants entre quelques moments de sa vie, cette première partie s’avère déroutante, car dynamique grâce à ces flashbacks qui donnent du volume au montage, mais surtout spectaculaire. Embarquant dès le premier plan, à bord d’un avion militaire en plein vol, le spectateur s’immerge sans plus attendre au sein d’un conflit aérien explosif, qu’il vit de l’intérieur de l’avion grâce à l’astucieuse réalisation d’Angelina Jolie qui compose cette scène avec une majorité de plans qui trouvent leur source à l’intérieur de l’appareil et non en son extérieur. Le but n’est pas de faire du spectaculaire, le but est d’immerger le spectateur dans l’appareil aux côtés de soldats qu’il ne connaît pas, mais auquel il va très rapidement s’attacher.
Biopic dédié à Louis Zamperini, Invincible n’en oublie pas pour autant les seconds rôles et réussit le temps de quelques séquences à faire oublier son protagoniste. Qu’ils soient américains ou japonais, les personnages secondaires évitent délicatement quelques archétypes auxquels certains personnages se seraient parfaitement prêtés. Incarnés par Domhnall Gleeson, Garrett Hedlund ou encore Luke Treadaway, ceux qui partagent l’affiche avec le surprenant et charismatique Jack O’Connell incarnent des personnages dont les caractères respectifs permettent de déterminer leur tempérament, tout en restant imprévisibles aux yeux des spectateurs. Vont-ils mourir ou vont-ils survivre aux côtés du protagoniste ? Grâce à cette écriture qui ne mise pas uniquement sur le héros, le film possède la dose de suspense qui permet aux spectateurs de tenir éveillé. Car oui, qui dit réalisation stoïque et récit hollywoodien linéaire, dit forcément longueurs. Néanmoins, avec suffisamment de volonté de la part du casting et une once de suspense et d’entrain à l’intérieur même du récit, l’adjectif longueur n’est pas forcément à lier à son homologue l’ennui. Là où Invincible est un biopic qui possède ses longueurs et son manque de dynamisme dans le montage, il n’en est pas pour autant un film ennuyeux.
Finalement, pourquoi Invincible n’est pas la claque de ce début 2015 ? Son principal défaut, mais pas unique, tient en un seul mot : patriotisme. Les Américains sont les rois du film patriotique et ils aiment montrer qu’ils sont fiers de leur pays, ainsi que de l’histoire de ceux qui sont à l’origine des moments de gloire de leur pays. Là où le film réussi adroitement à éviter de sombrer dans un patriotisme abondamment grossier et archaïque dans sa première heure et demie, la dernière demi-heure lui ouvre les bras et y va de bon cœur. Entre plans serrés sur le visage du protagoniste afin d’exacerber sa douleur, avant d’en faire de même, mais avec sa détermination à combattre jusqu’à la mort et scènes glorificatrices à la manière du fils de dieu qui trainerait sa croix, son fardeau, cette dernière demi-heure est un supplice pour les yeux et l’esprit. C’est la facilité à l’état pur et la glorification d’un héros comme aiment si bien le faire les Américains. Invincible est un biopic spectaculaire et divertissant, bien réalisé et enjolivé par la magnifique photographie de Roger Deakins qui sublime les paysages comme les personnages, qui sont quant à eux interprétés avec des acteurs brillants, mais néanmoins amputé d’une fin archaïque qui cède grossièrement aux appels du patriotisme.