[Critique] L’Affaire SK1 réalisé par Frédéric Tellier

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« Paris, 1991. Franck Magne, un jeune inspecteur fait ses premiers pas à la Police Judiciaire, 36 quai des Orfèvres, Brigade Criminelle. Sa première enquête porte sur l’assassinat d’une jeune fille. Son travail l’amène à étudier des dossiers similaires qu’il est le seul à connecter ensemble. Il est vite confronté à la réalité du travail d’enquêteur : le manque de moyens, les longs horaires, la bureaucratie… Pendant 8 ans, obsédé par cette enquête, il traquera ce tueur en série auquel personne ne croit. Au fil d’une décennie, les victimes se multiplient. Les pistes se brouillent. Les meurtres sauvages se rapprochent. Franck Magne traque le monstre qui se dessine pour le stopper. Le policier de la Brigade Criminelle devient l’architecte de l’enquête la plus complexe et la plus vaste qu’ait jamais connu la police judiciaire française. Il va croiser la route de Frédérique Pons, une avocate passionnée, décidée à comprendre le destin de l’homme qui se cache derrière cet assassin sans pitié. Une plongée au cœur de 10 ans d’enquête, au milieu de policiers opiniâtres, de juges déterminés, de policiers scientifiques consciencieux, d’avocats ardents qui, tous, resteront marqués par cette affaire devenue retentissante : « l’affaire Guy Georges, le tueur de l’est parisien »…« 

Si je vous dis polar, histoire vraie et faits choquants, vous me dites… Cinéma Français! En effet, les derniers thrillers reflètent tous un lourd passé réel où se mêlent  instances juridiques et personnages cruels. Alors, après Guillaume Canet et son tueur en série gendarme; et La French Connection de Cédric Jiménez, l’on a droit au véritable récit de la traque de Guy Georges avec Nathalie Baye et Raphaël Personnaz dans les personnages principaux. Mais le film reste très loin d’être parfait dans sa construction narrative, son casting est soit très bon soit exécrable et sa réalisation très peu inspirée, ternissent un tableau qui devient très fade au fil des minutes.

L’Affaire SK1, c’est la célèbre affaire du reconnu plus grand serial killer de France, Guy Georges, ayant perpétré plusieurs séquestrations, viols et assassinats entre 1981 et 1998, où il fut arrêté puis jugé trois ans après lors d’une audience publique. Dans son film, la temporalité a moins de sens que les actes; ainsi, le film s’axe sur le procès et simultanément sur le déroulement de l’enquête. Si les faits sont bien évidemment connus de tous tout comme le criminel, il n’en reste pas moins une affaire tumultueuse et toujours passionnante à suivre. Cependant, il y a de nombreuses choses qui ne passent pas, et c’est bien dommage.

Tout d’abord, en plus de raconter les étapes de la captivité et du procès du célèbre tueur en série avec un certain sang-froid et un sens de la retenue plutôt remarquable dans les scènes de découverte de crime, le long-métrage de Frédéric Tellier se focalise sur les psychologies des personnages opposés que sont Franck « Charlie » Magne, jeune promu au 36 Quai des Orfèvres joué par un excellent Raphaël Personnaz, et Guy Georges, qui lui est porté par la grande révélation du film Adama Niane, vu auparavant dans la série à succès Plus Belle La Vie. Et là se pose le premier problème du film, c’est que ces personnages, aussi complexes qu’ils auraient pu l’être, souffrent paradoxalement aux choix narratifs d’un effleurement de leur personnalité. Le premier, coincé entre sa famille et son travail qui le torture chaque minute, est d’une platitude peu emballante. Le second, soit le plus intéressant à suivre, est d’une complexité marquée par son côté imprévisible dans les scènes de tribunal, et les (lourdes) symboliques de la mère protectrice qui lui manque terriblement. Sauf que lui-même n’est qu’une machine cruelle finalement bourrée d’automatismes, privé d’un côté humain que le film revendique pourtant dès sa bande-annonce. Le Diable est donc présent, mais les tentatives d’identification à lui sont trop pauvres pour convaincre, comme si le réalisateur n’y voyait que la part « faits divers » pour caractériser son personnage au final, laissant donc un énorme goût d’inachevé assez décevant.

D’un point de vue plus technique, L’Affaire SK1, c’est avant tout deux combats opposés. Celui de la PJ de traquer le criminel jusqu’à sa captivité, et celui des avocats de Guy Georges, Frédérique Pons et Alex Ursulet, de comprendre s’il a bien commis ces meurtres, car le dossier est bourré d’incohérences étonnantes; mais aussi comprendre ce qu’il a poussé à commettre ces crimes abominables s’il en est bien l’auteur. Cette idée est également bonne pour fluidifier le récit et ainsi lui permettre de se justifier par lui-même en alternant les époques entre tribunal et enquête. Pour cela, tous les moyens sont bons pour différencier les deux temps: montage simultané, imagerie différente selon les moments, effets de transition drastiques entre les deux temps… On sent de la part de Frédéric Tellier de bien différencier les époques, et cela passe par le grain de l’image extrêmement travaillé où les décors ou petits détails minutieux très intéressants. Tout ceci est bien beau, mais terriblement inadapté au format cinéma. En effet, les intentions sont bonnes, mais le cadre n’est que rarement transcendé (hormis deux-trois séquences tout de même), puisque mis en scène comme un épisode banal de PJ sur France 2. Dommage, même si néanmoins cela reste plus digeste que la shaky cam affreuse de La French puisque les deux films se ressemblent dans le parti-pris filmique, à savoir l’épaule pour favoriser l’immersion. De plus, les idées de narration ne sont pas toujours bien coordonnées les unes les autres, ce qui empêche parfois la cohésion totale entre les deux époques, en plus de susciter parfois moins d’intérêt au procès par rapport à l’enquête qui elle ne souffre d’aucun temps mort. Des défauts, il y en a également dans les moyens de filmer le tribunal, qui révèle d’une platitude décevante et aux choix de points de vue pas toujours justifiés, mais parfois enlevés tout de même par quelques bons mots placés ça et là par moments, bien que Nathalie Baye et William Nadylam – le duo d’avocats – ne soient pas à la hauteur en terme d’acting.

En clair, L’Affaire SK1, bien que parsemée de qualités non négligeables, ne parvient pas à se détacher d’un cadre télévisé qui ne sied pas vraiment à la salle de cinéma. Loin d’être tout de même un mauvais film, puisqu’il se regarde sans déplaisir, il n’en reste qu’une petite reconstitution d’une enquête qui reste passionnante à suivre et à éclaircir. Coups d’épée dans l’eau.

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