[Critique | Avant Première] Papa ou Maman réalisé par Martin Bourboulon

Par Kevin Halgand @CineCinephile

« Florence et Vincent Leroy ont tout réussi. Leurs métiers, leur mariage, leurs enfants. Et aujourd’hui, c’est leur divorce qu’ils veulent réussir. Mais quand ils reçoivent simultanément la promotion dont ils ont toujours rêvée, leur vie de couple vire au cauchemar. Dès lors, plus de quartier, les ex-époux modèles se déclarent la guerre : et ils vont tout faire pour NE PAS avoir la garde des enfants. « 

« Drôle, déjantée et bien incarnée. Voici la comédie qui fait du bien. »

Le drame familial et la comédie sont les genres que nous connaissons bien en France, car notre cinéma en est le spécialiste ou en tout cas, aimerait bien l’être. Chaque mois, les spectateurs français découvre sur leurs écrans une nouvelle comédie ou un nouveau drame français, ce qui n’est en aucun ça une mauvaise chose, faut-il un tant soit peu connaître ses goûts et bien les choisir. Souvent les films qui nous sont les plus accessibles sont les productions « populaires », car elles disposent d’un marketing plus important et qui permet à chacun de savoir que le film est, ou, va être visible en salles. Les films populaires ou grand public sont rarement les films que l’on recherche lorsqu’on se dit être cinéphile, mais après tout chacun ses goûts et par moment il faut savoir faire la part des choses. Alors que 2014 a été marqué notamment grâce au succès de comédies comme Supercondriaque ou encore Babysitting, le long métrage qui nous avait agréablement surpris se nommait Libre et Assoupi. En 2015, il se pourrait bien que la surprise comique de l’année ne soit autre que l’une de ses fameuses comédies dites « populaires », à savoir Papa ou Maman. Une affiche quelconque, une bande-annonce drôle, mais pas au goût de tous… en quoi Papa ou Maman réussit-il donc à se démarquer des autres comédies ?

Pour un premier film en tant que réalisateur, Martin Bourboulon étonne, épate, grâce à une maîtrise de la caméra offrant au film son lot de plans-séquences et de mouvements amples, sans pour autant faire apparaître le moindre tremblement. La stabilité est impeccable et les angles choisis sont toujours judicieux afin que le passage des acteurs soit en correspondance avec le mouvement de la caméra. De plus, les décors permettent toujours d’avoir une belle perspective, ce qui permet au réalisateur d’alterner dans ces choix de cadres, afin d’éviter soigneusement toute redondance et d’offrir aux spectateurs une qualité visuelle rarement vue dans la comédie française. Néanmoins, même s’il s’agit d’une première réalisation, Martin Bourboulon n’est pas pour autant totalement extérieur au monde du cinéma et de la mise en scène. En effet, depuis plusieurs années, il est ami avec deux personnes qui prennent du galon au fur et à mesure de l’avancement de leur carrière en duo. Ces derniers que vous connaissez forcément se nomment Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière. Scénaristes pour le théâtre dans un premier temps, ils ont dérivé vers le cinéma en 2002, avant de recevoir la reconnaissance qu’ils méritent en 2011 grâce au succès du long-métrage Le Prénom. Triomphe à la fois critique comme public, le duo de scénaristes a depuis fait ses armes dans un registre plus dramatique avec le film Un Illustre Inconnu, porté par Mathieu Kassovitz. Sur une idée originale et totalement loufoque de leur compatriote Guillaume Clicquot, ils sont revenus avec plaisir vers la comédie afin de faire de cette idée loufoque, une comédie décalée centrée sur un couple à la dérive. S’appuyant sur l’histoire du couple principal, tout en le faisant passé par toutes les étapes afin de faire monter la folie sous forme de gradation, le scénario de ce film est malicieusement intelligent. En proposant l’évolution d’un couple lambda durant les premières minutes, les scénaristes permettent aux spectateurs de s’attacher à ce couple lambda et tout à fait naturel. De cette manière, les fondations sont suffisamment solides pour permettre au film d’évoluer très rapidement vers l’étape la plus intéressante, celle du divorce et quel divorce !

En partant d’un couple qui se sépare à cause d’un amour qui n’est plus au premier jour, le scénario arrive avec adresse à monter en puissance en jouant sur la folie des deux protagonistes qui sont par leur égoïsme et nouvelle perspective d’avenir. Abasourdi par ce qu’il peut entendre, l’humain se focalise instantanément sur la façon dont il peut reprendre le dessus pour paraître plus fort. Au travers de ce scénario pouvant paraître simpliste au demeurant, Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière réussissent à faire un film drôle et complètement farfelu, car raccroché au spectateur par soucis de réalisme et de bon sens. L’homme n’est pas entièrement bon ou mauvais et au sein de cette comédie populaire, on retrouve des personnages tout à fait naturels qui peuvent s’emporter pour un rien, sans pour autant être susceptible. C’est par volonté propre de coller à la réalité, que les spectateurs peuvent s’identifier aux personnages, rire avec eux et rire des situations dans lesquels ils se lancent, sans jamais avoir un rire moqueur. On rit allègrement et avec jubilation des grasses qu’ils font subir à leurs enfants, car en nous, nous possédons toujours cette once d’insouciance enfantine que l’on a depuis que l’on est tout jeune. Le rire provoqué par les situations et autres dialogues du long-métrage est un rire bon enfant, un rire d’insouciance qui fait du bien. Certaines situations peuvent paraître exagérées mais partent de malaises que peuvent ressentir les enfants lorsque leurs parents se comportent avec eux comme s’ils étaient toujours des enfants, alors que ce n’est pas le cas. Chacun peut se retrouver au sein de ce film et peut revoir certains moments de sa vie à partir d’une simple expression, réplique ou situation.

Écris avec naturel et une dynamique permettant au film de ne jamais perdre son souffle, Papa ou Maman doit ses nombreux fous rires et autres sourires grâce aux belles performances de ces comédiens, qu’ils soient premiers ou seconds rôles. Incarnés à la perfection par le duo Laurent Laffite et Marina Fois, l’alchimie entre les deux membres de ce couple se fait ressentir et leur permet de ne pas simplement se donner la réplique. Les deux acteurs se connaissent et n’ont pas besoin de s’observer. Ils agissent avec naturel et évoluent dans les espaces avec une rythmique implacable. Ils ne sont plus deux acteurs, mais un couple auquel se font ressentir diverses tensions et un amour toujours omniprésent malgré tout. Magnifiquement secondé par trois jeunes acteurs qui font exactement ce qu’ils ont à faire ni plus, ni moins, ainsi que par quatre bons acteurs que sont Judith El Zein, Michaël Abiteboul, Michel Vuillermoz et Anne Le Ny, ils forment à eux neuf une troupe et apportent chacun leur petite pierre à l’édifice.

Au premier abord, Papa ou Maman a tout de la comédie populaire sans originalité et qui cherche à faire rire simplement en comptant sur ses acteurs principaux. Détrompez-vous, même si les acteurs principaux permettent au film de gagner en naturel et en drôlerie grâce à de belles et bonnes interprétations, Papa ou Maman est avant tout une comédie savoureuse, drôle et déjantée grâce à son scénario qui enchaîne les situations avec élégance et les jeux de mots et autres blagues avec une dynamique permettant au film d’avoir quelques respirations aux moments propices. De plus, cette comédie à la force de se reposer sur une mise en scène qui évite toutes saccades dans les déplacements, ainsi qu’une réalisation élégante dans les mouvements, astucieuse dans les angles choisis et légère en toute circonstance. Tous les stéréotypes ou presque de la comédie populaire sont soigneusement évités dans ce film grâce à cette troupe technique, ce qui nous donne une comédie qui apporte un vent de fraîcheur et un rire garanti durant ses 1h21. De quoi passer un excellent moment.