Les Souvenirs

Date de sortie 14 janvier 2015

Les Souvenirs


Réalisé par Jean-Paul Rouve


Avec Annie Cordy, Mathieu Spinosi,

Michel Blanc, Chantal Lauby, William Lebghil, Flore Bonaventura,

Arnaud Henriet, Audrey Lamy


Genre Comédie dramatique


Production Française

Synopsis

Romain (Mathieu Spinosi) a 23 ans. Il aimerait être écrivain mais, pour l'instant, il est veilleur de nuit dans un hôtel.


Michel, (Michel Blanc) son père a 62 ans. Il part à la retraite et fait semblant de s'en foutre.

Karim (William Lebghil), son colocataire a 24 ans. Il ne pense qu'à une chose : séduire une fille, n'importe laquelle et par tous les moyens.


Madeleine (Annie Cordy), sa grand-mère a 85 ans. Elle se retrouve en maison de retraite et se demande ce qu'elle fait avec tous ces vieux.


Un jour son père débarque en catastrophe. Sa grand-mère a disparu. Elle s'est évadée en quelque sorte. Romain part à sa recherche, quelque part dans ses souvenirs…

Les Souvenirs

Audrey Lamy, Mathieu Spinosi, Michel Blanc et Annie Cordy

Entretien Avec Jean-Paul Rouve à la fois : réalisateur, scénariste et comédien.


Comment avez-vous eu l'idée d'adapter le livre de David Foenkinos ?


J'ai rencontré David quand j'étais en tournée pour Quand je serai petit. On a une amie commune, Emilie Simon, qui a composé la musique de La Délicatesse et de mon précédent film. Les producteurs, que je ne connaissais pas, avaient acquis les droits des Souvenirs et ils cherchaient avec David un réalisateur. J'ai ensuite rencontré Romain Rousseau (l’un des deux producteurs avec Maxime Delauney, et mon agent leur a ensuite fait part de mon intérêt pour le projet.


Vous avez collaboré à l'écriture du scénario avec David Foenkinos...


J'ai d'abord lu son roman, puis je l'ai appelé. Il avait rédigé une première version dialoguée de son livre : je lui ai confié que son travail était très proche de mon dernier film, Quand je serai petit, presque trop ! Du coup, on a repris le texte tous les deux. De mon côté, j'avançais avec beaucoup de prudence, car il s'agissait de son travail et je ne voulais pas le froisser. Mais au bout de deux heures, je me suis rendu compte qu'il n'avait aucun orgueil mal placé, et on est donc parti sur des bases très simples, comme si ce n'était pas lui qui avait écrit le livre.
Mon objectif était de donner une plus grande place à la comédie. On a davantage développé le rôle du père, joué par Michel Blanc, et créé le personnage du colocataire : c'est avec lui que dialogue le protagoniste, ce qui permet de connaître les états d'âme de Romain, le jeune homme qu'interprète Mathieu Spinosi, sans avoir recours à une voix-off. Par ailleurs, si dans le roman la mère vit dans une maison de repos, on a fait un choix différent pour l'adaptation. Enfin, le scénario s'arrête aux deux tiers du livre puisque la dernière partie, sur la vie de Romain avec la jeune fille, a été supprimée.


Vous étiez sur la même longueur d'ondes avec David Foenkinos tout au long de cette phase d'écriture ?


On s'est vite rendu compte qu'on était ému des mêmes choses, qu'on riait des mêmes blagues, et qu'on avait pas mal de goûts communs. D'ailleurs, on est devenus très amis ! Et on a écrit notre version commune assez rapidement en trois ou quatre mois. On l'a faite relire à nos producteurs, on l'a retravaillée, et puis on l'a envoyée à des comédiens.


Les rapports familiaux, et notamment le rapport au père, traversent souvent vos films…


C'est très juste, le rapport à la paternité m'intéresse beaucoup. Quand on grandit, on dit souvent qu'il faut "tuer le père" pour mûrir. Je ne pense pas que ce soit un passage obligé : à mon sens, on peut grandir autrement. Cela peut passer par un autre regard – qui n'empêche pas l'amour pour les parents – qui incarne une façon inédite de voir le monde. Il peut s'agir d'une personne, ou d'un écrivain qu'on découvre. Ce n'est pas toujours uniquement la figure paternelle qui nous apprend à être un homme. Le personnage de l'hôtelier dans le film est beaucoup plus jeune que celui du livre. C'est volontaire car on ne voulait pas qu'il soit en concurrence avec le père : ici, ils ne sont pas en rivalité, mais en complémentarité.

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Le film décrit trois trajectoires initiatiques, de trois générations différentes : le jeune homme, le père, la grand-mère…


C'est très difficile de parler de la vie. Et il n'y a rien de plus intéressant : le quotidien, le parcours d'hommes, de gens normaux, ça me fascine. C'est le cinéma que j'aime faire en tant que metteur en scène, que j'aime voir comme spectateur et c'est très français.


Les personnages, quel que soit leur âge, sont tous en quête de quelque chose, comme s'ils n'avaient pas encore trouvé leur place...


Oui, et d'une certaine manière ils se cherchent – le jeune homme, qui n'a encore trouvé ni sa voie ni l'amour, le père qui ne sait pas bien comment affronter l'après-vie professionnelle, l'hôtelier qui a son fils loin de lui, et même la grand-mère qui aspire à revenir sur les terres de son enfance...
Un jour, un journaliste belge qui avait écrit une critique de
Quand je serai petit m'a dit que je m'intéressais aux gens qui ne sont pas à leur place. Et de fait, j'aime les gens qui ne sont pas à leur place : ça fait partie de la vie et ça concerne une grande majorité de gens. On y reste par paresse, par sécurité, par amour… et parfois on s'en rend compte. Ce n'est pas encore le cas de Romain, mais il a déjà peur de ne pas être là où il devrait. Le personnage de Michel Blanc est aussi concerné : le passage à la retraite agit comme un révélateur. De la même façon, la grand-mère a laissé filer le cours de l'eau et elle décide soudainement de prendre un autre embranchement. J'aime l’idée que les gens font ce qu'ils peuvent. On essaie le plus souvent de bien faire, et parfois, on se trompe.

Les Souvenirs

Annie Cordy


Comment expliquer une si grande proximité du jeune homme avec sa grand-mère, qui vient d'une génération et d'un monde qui lui sont inconnus ?


C'est un peu comme si ce gamin était avide de se créer des souvenirs avec elle, et qu'il en avait conscience. Ce rapport-là m'intéressait et j'ai eu envie de le creuser. J'ai l'impression que, très rapidement, il ne la voit plus comme sa grand-mère, mais comme une femme : il se demande quel a été le parcours de cette femme qui a été jeune, qui s'est mariée, qui a eu des enfants, des petits-enfants. Ce n'est pas son statut social qu'il regarde, mais ce qu'elle est en tant qu'être humain.


La mère, campée par Chantal Lauby, est sans doute le personnage le mieux dans sa peau, à l'aise dans ses rapports avec son fils et même son mari…


Exactement. La mère est le personnage qui nous ressemble le plus, qui a le plus les pieds sur terre. Comme elle, il y a le patron de l'hôtel qui dit des choses sensées. Ces deux personnages apportent des conseils et des vérités, qui aiguillent les personnages principaux. C'est toujours intéressant de prendre un élément – par exemple, la grand-mère qui a disparu – et de voir les différentes façons d'envisager cet événement : la vision dramatisante du père "ma mère est morte", la capacité à relativiser en disant "ça arrive" de la directrice de la maison de retraite, ou encore le regard de la mère ou de l’hôtelier "les vieux, on les oblige à faire ce qui nous arrange, alors ils se barrent". J'aime ces personnages secondaires qui apportent un autre éclairage sur la trajectoire du protagoniste.

Les Souvenirs Chantal Lauby et Michel Blanc


D'abord "parisien", le film passe à Étretat sans impression de rupture. C'était important

Il arrive un moment où l'histoire se divise – d'où le changement de lieux. Je pense que l'absence de rupture s'explique parce que j’essaye de filmer Paris comme une ville de province. Qu'il s'agisse de Paris ou d'Etretat, j'ai le sentiment d'avoir ce regard-là, un regard sur la vie, sur les gens, et cela constitue une unité, un lien entre les deux villes. Par exemple, il y a deux scènes qui se font écho : alors que le jeune homme pousse la porte d'un café à Étretat, au même instant le père entre dans un café parisien.


Les décors plongent le spectateur dans le réel...


Je suis très attentif à la véracité de la vie au cinéma : je n'arrive pas à filmer quand je n'y crois pas. Dans le film, les deux garçons habitent un vrai appart de colocataires. Très tôt, je fais prendre conscience à mon décorateur et à ma costumière de ce que sont mes personnages, ce qu'ils vivent, ce qu'ils gagnent... et c'est à partir de là qu'on construit les décors et les costumes. Je ne veux pas d'un décor auquel on ne croit pas.
Quand on tourne à Paris, on peut très vite se retrouver dans des décors magnifiques car il y a des monuments exceptionnels. Moi, j'aime trouver un certain esthétisme dans le naturel, dans ce qui peut paraître banal à première vue.


Quels étaient, en dehors du choix des décors, vos priorités de mise en scène ?


J’essaye de voler la vie autant que possible ; même si on est dans la fiction. Ce n’est pas du documentaire mais j’en utilise quelques fois les armes. Je choisis le cadre, mais ce qui s'y passe, je le saisis. C'est un mélange d'angles droits, de symétrie (le cadre) et de surgissements inattendus au milieu (la scène).
Sur la préparation, je découpe avec mon chef-opérateur pour être prêt le jour du tournage. C'est une sorte de sécurité psychologique. Je prépare pour mieux tout oublier quand je tourne! Ce qui reste essentiel à mes yeux, c'est la vérité qui se dégage du jeu des acteurs. Et finalement, c'est l'acteur qui donne la vérité du plan. J'imagine que la caméra est un témoin, qu'elle est avec nous dans des situations, à bonne distance et jamais impudique. Une sorte d’ami bienveillant. J’aimerai citer Claude Berri comme cinéaste qui peut m’inspirer : il y a chez lui cette humanité-là, notamment dans Je vous aime, film magnifique sur la vie et sur l'amour.

William Lebghil Les Souvenirs


Quelle évolution avez-vous remarquée dans votre travail ?


Un premier film se fait avec l'inconscience du premier film : on a des idées, on explore et on tente des pistes. C'est encore un peu expérimental. Ensuite, je me suis demandé quelle scène j'avais le plus aimé tourner : il s'agit d'une séquence de Sans arme, ni haine, ni violence sur le non-dit et le mensonge entre Alice Taglioni, Gilles Lellouche et moi. Je suis alors parti sur cette idée-là pour mon deuxième film, Quand je serai petit. C'est comme si j'avais pressé une éponge au maximum pour le deuxième film, pour aller vers l'essentiel, quitte à être trop sec. Et puis, pour le troisième film, on desserre un peu l'éponge et il y a un peu d'eau qui s'immisce. Ce film est qui celui qui me ressemble le plus : il y a un mélange équilibré d’émotion et de comédie. La vie quoi !


Comment s'est déroulé le casting ?


Dès le départ, je voyais Annie Cordy dans le rôle de la grand-mère : je lui ai fait parvenir le scénario, on s’est rencontré et j’ai tout de suite vu dans son regard que c’était Madeleine. Ensuite, j'ai pensé à Michel Blanc, que je ne connaissais pas. Il m'a répondu au bout de deux jours, alors qu'il est très sélectif ! J’étais très heureux et fier car Michel est non seulement un grand comédien mais aussi un réalisateur, scénariste, dialoguiste hors pair.


Annie Cordy est épatante : on oublie totalement son personnage de chanteuse populaire.


C'était une évidence. D'abord, je l'avais déjà vue jouer dans Le passager de la pluie et Le chat. Tout le monde m'a dit "tu es sûr ?" On lui a toujours confié des rôles durs au cinéma qui ne ressemblaient en rien à ses chansons. Je suis ravi qu'on la trouve géniale. J'espère qu'elle aura le César du meilleur espoir féminin ! (rires) Elle a un sens du jeu très développé car elle a une grande capacité d'écoute.


Comment avez-vous repéré Mathieu Spinosi qui campe Romain ?


J'ai dû rencontrer une trentaine de comédiens, des jeunes hommes entre 20 et 25 ans. C'était assez compliqué parce qu'il fallait quelqu'un capable de porter le rôle principal face à des pointures. Je recherchais un comédien qui ait à la fois du métier et de la fraîcheur. Ce qui m'a plu chez Mathieu, c'est qu'il est violoniste de formation : il sait donc ce que c'est que le travail ! Il a suivi des cours au conservatoire, il a appris à se lever le matin et à bosser. Il a un rapport concret au travail. J'aime ce côté artisan qu'il porte en lui.


Et Chantal Lauby dans le rôle de la mère ?


Je n'avais jamais travaillé avec elle, mais je l'adore depuis longtemps. J'ai eu envie que ce soit elle en la voyant dans La cage dorée : elle est parvenue à une maturité d'actrice extraordinaire, comme si elle avait emmagasiné plein de choses de la vie et qu'elle le ressortait dans son jeu avec une magnifique pureté.


Sur le plateau, tout le monde venait d'horizons différents...


Je me suis rendu compte qu'il y avait un point commun entre Annie Cordy, Michel Blanc, Chantal Lauby, et moi : on vient de la "déconne" : opérette, café-théâtre ou sketchs à la télé. On a tous donc plus ou moins la même construction. Je me suis dit qu'on était un peu de la même famille d'acteurs.


Quelles étaient vos intentions pour la musique ?


C'est à Alexis Rault que j’ai confié la musique du film. Je ne le connaissais pas, et ce sont mes producteurs qui me l'ont présenté. Je l'ai trouvé formidable humainement. Je travaille à la musique à partir du scénario, et je lui ai expliqué que même si je n'étais pas vraiment qualifié pour me pencher sur la partition, je voulais qu'il y ait très peu de thèmes. Car la musique est un personnage à plusieurs facettes et fait partie intégrante du film : elle doit être tricotée avec le film. Je voulais une musique légère, présente, pudique, mêlant joie et mélancolie. Le même type de mélodies que celles qu'on retrouve chez Sarde ou de Roubaix.
Et puis, j'ai choisi le standard "Que reste-t-il de nos amours ?" qu'on a retravaillé pour être plus ancré dans le monde actuel. Julien Doré a bien voulu le réinterpréter et se l'est approprié avec l’immense talent qu’on lui connait.

Pour lire la suite du dossier de presse, cliquez sur le lien ci-dessous.

http://medias.unifrance.org/medias/52/11/133940/presse/les-souvenirs-2015-presskit-francais-1.pdf

Mon opinion

Pour son troisième long-métrage, Jean-Paul Rouve mise sur la tendresse, un rien de nostalgie, un brin de dépression et beaucoup d'amour.

Le scénario d'une grande simplicité s'appuie essentiellement sur des moments de vie. Ceux que nous connaissons tous. "C'est très difficile de parler de la vie. Et il n'y a rien de plus intéressant : le quotidien, le parcours d'hommes, de gens normaux, ça me fascine. C'est le cinéma que j'aime faire en tant que metteur en scène, que j'aime voir comme spectateur et c'est très français." déclare le réalisateur.

Si le film n'est pas parfait, souffre de quelques longueurs ou d'autres passages trop vite expédiés, je retiens la belle photographie de Christophe Offenstein, la musique d'Alexis Rault, aussi.

Mais avant tout un casting de premier ordre. Michel Blanc, nouveau retraité dépressif, égoïste et légèrement hypocondriaque, excelle. À ses côtés Chantal Lauby joue la retenue et trouve un beau rôle, celui d'une femme mal aimée et de mère aimante.

Débarrassée du "grand chapeau de Tata Yoyo", Annie Cordy, une fois encore, prouve cet immense talent dans lequel elle explose littéralement.

Celui d'une grande comédienne.

Le charismatique Mathieu Spinosi, tient ici un grand rôle et reste la très belle révélation de ce film.

Par sa direction d'acteurs, son humanisme et sa générosité, Jean-Paul Rouve offre avec Les souvenirs, un très joli moment de cinéma. C'est déjà beaucoup.

Les Souvenirs