Date de sortie 17 décembre 2014
Réalisé par Eric Lartigau
Avec Louane Emera, Karin Viard, François Damiens,
Eric Elmosnino, Luca Gelberg, Roxane Duran, Stephan Wojtowicz
Genre Comédie dramatique
Production Française
Synopsis
Dans la famille Bélier, tout le monde est sourd sauf Paula (Louane Emera), 16 ans. Elle est une interprète indispensable à ses parents (Karin Viard et François Damiens), notamment pour l’exploitation de la ferme familiale. Un jour, poussée par son professeur de musique, Monsieur Thomasson, (Eric Elmosnino) qui lui a découvert un don pour le chant, elle décide de préparer le concours de Radio France. Un choix de vie qui signifierait pour elle l’éloignement de sa famille et un passage inévitable à l’âge adulte.
Louane Emera, Luca Gelberg, Karin Viard et François Damiens
Extraits d'Entretien avec Eric Lartigau
Comment êtes-vous arrivé sur ce projet ?
Les producteurs Philippe Rousselet et Eric Jehelmann m’ont envoyé le scénario. J’étais à l’époque au tout début d’un projet que je souhaitais écrire... sur la famille. C’est donc un thème qui me poursuit visiblement... ou que je poursuis. Alors que je ne me sentais pas disponible, j’ai dit un "oui" massif, définitif et immédiat à La Famille Bélier.
Pourquoi vous êtes-vous orienté sur ce projet là ?
De fait, je n’ai pas réfléchi ou négocié. Cette histoire m’a profondément touché. Je pourrais construire a posteriori un discours pour expliquer ce qui m’a plu et pourquoi j’ai choisi de faire ce film plutôt que l’autre, mais la vérité est que mon choix a été absolument impulsif. Sans doute que la famille est un sujet universel qui, d’ailleurs, a déjà été traité mille fois au cinéma. Ce qui me plait et m’intéresse, car il est l’endroit de l’épiderme... de toutes les émotions primaires, animales... J’aime. Le rire et les larmes. L’injustice de l’un confronté à la vérité de l’autre. En tant que metteur en scène, j’aime ne pas à avoir à choisir entre tous ces ressentis. J’aime la comédie comme le drame et j’aime plus que tout mêler les deux, comme dans la vie, quand d’une situation dramatique nait une situation drôle ou absurde...
L’histoire originale était de Victoria Bedos. Après avoir dit oui au projet, à la relecture et d’un commun accord avec elle et avec son coscénariste Stanislas Carré de Malberg, j’ai éprouvé le besoin de m’approprier cette histoire... Seul d’abord, puis avec Thomas Bidegain... mais tout était là. Il fallait juste faire de cette histoire la mienne. Victoria Bedos parle souvent, à propos de son écriture, de sa "petite musique". Restait à trouver la mienne puisque, désormais, j’avais à l’inventer en image.
Qu'est-ce qui vous a intéressé à titre personnel dans ce récit ?
Le thème du départ d’abord... la séparation, vécue comme un déchirement. Est-ce qu’on peut se quitter doucement ? Est-ce qu’on peut s’aimer très fort sans fusionner ? Comment laisser à chacun son espace de liberté ? Que deviennent nos regards sur l’autre qui évolue ? Et ce n’est pas parce qu’on s’aime très fort qu’on s’aime bien. Dans une famille, qu’est-ce qui construit, qu’estce qui porte, qu’est-ce qui étouffe ? Où placer le curseur dans ces choix ? La peur aussi, celle qui empêche, celle qui fige... La fin de l’adolescence est un moment-clé de la vie : cela peut être terrifiant de voir de loin ce monde des adultes dans lequel on va être projeté sans filet : même le corps n’est pas tout à fait fini – c’est un âge vibrant et vacillant qui me touche. Raconter les premiers pas trébuchants de cette jeune fille dont l’horizon s’élargit brusquement m’a passionné. Le chemin de Paula, avant de trouver sa voie et d’assumer ce qui se profile pour elle comme un destin est le nôtre à chacun. Il sera celui de mes enfants et des mes petits-enfants. Trouver sa place. Devenir soi-même. Faut-il forcément trahir un peu les siens, tuer le père, comme on dit ? D’ailleurs, c’est beau de tuer un père quand, tout d’un coup, il se rend compte que cette violence n’est en fait qu’une renaissance. En tant que parent, on tente d’accompagner au mieux ces êtres si "fragiles".
Il y avait aussi la "rencontre" avec la langue des signes ...
Oui, d’autant qu’il s’agit, pour moi, d’une nouvelle langue qui cohabite avec celle de notre pays. On a tous rencontré des sourds ou malentendants, mais on ne se sent pas légitime de les approcher. Enfant, j’avais l’expérience avec ma cousine germaine Mireille Deschenaux – que je cite car la communauté est modeste face à nous les grandes oreilles. Je voyais déjà la difficulté pour elle de communiquer avec les autres. Heureusement, elle a eu une famille très proche, très soudée. Tous les deux, on ne se posait pas la question de cette différence. C’était plus facile enfant, plus radical, surtout qu’on jouait. Ça a d’ailleurs été le cas avec Alexeï Coïca, le professeur sourd qui a enseigné aux acteurs la LSF (Langue des Signes Française), quand il travaillait avec eux il intégrait beaucoup de jeux. C’est brillant de sa part d’enseigner dans le plaisir. C’est plus rapide, et cela permet d’augmenter la mémorisation.
Comme toute adolescente, Paula a envie de mener une vie différente de celle de ses parents, ce qui suscite tensions et incompéhensions ...
On ne sait pas si elle a vraiment envie de mener une vie différente, on ne sait même pas si la
question se pose pour elle. Elle suit un rythme de vie déjà soutenu jusqu’à la révélation de sa voix... et la perspective que lui offre ce don. Son prof de musique lui ouvre une porte, mais toute seule, l’aurait-elle découverte ou même, choisie ? Ce sont plutôt ses parents qui ont envie qu’elle poursuive la route qu’ils ont tracée pour elle. C’est un aspect intéressant de cette histoire : c’est comme si la vie choisissait pour elle. Sera-t-elle à la hauteur de son "destin" ? Sera-t-elle capable de saisir sa chance et le virage qui s’offre à elle par la voix de Thomasson ? J’aime la vie quand elle bouscule, surprend et entraine sur des chemins imprévus, et j’aime voir Paula se débattre, puis se laisser faire et entrer doucement dans ce qui sera sa vie, loin de ce qui était écrit. La rencontre dans toute vie est décisive. Louane est magnifique dans ce nonchoix.
Le film s'amuse à retourner la différence : pour la Famille Bélier, la normalité, c'est d'être sourd.
Ce qui m’amusait dans cette histoire, c’est qu’on peut se demander où situer la normalité. On sait bien que c’est le regard des autres qui détermine ce qui est normal et ce qui ne l’est pas : on a une grande capacité à s’emprisonner dans des idées reçues, et une certaine propension à s’aventurer sur de faux chemins. En travaillant sur ce projet, je me suis rendu compte que les sourds n’ont pas la même conception du rapport aux autres : ils sont extrêmement directs – et si quelque chose ne leur convient pas, ils ne s’embarrassent pas de circonvolutions. Ils vont droit à l’essentiel, et par moments, ça peut être trash. Ceux qui excluent comme ceux qui sont exclus ont besoin d’affirmer leur appartenance. L’instinct grégaire nous touche, c’est un travers que l’on partage tous.
Paula, par le rôle qu'elle joue au sein de sa famille est mêlée de très près à l'intimité de ses parents.
Très jeune, elle est projetée dans la réalité de la vie. C’est une trame dramaturgique très intéressante parce le monde des sourds et des malentendants est mal connu, assez cloisonné, et qu’il ne peut pas se mêler aux autres naturellement. Dans ce contexte, on peut imaginer des situations décalées et pourtant hyper réalistes. Par exemple, la scène chez le gynécologue est très drôle, mais aussi déstabilisante par rapport à nos codes : les parents sont contraints de passer par Paula pour évoquer leur sexualité dans le cabinet du médecin. Sans être impudiques, les Bélier ont le sens de l’instant et un côté très cash dans leur manière de s’exprimer qui leur est propre. Ils ont cette capacité à parler de la sexualité sans tabous. C’est juste comme ça.
On a le sentiment que Paula est coincée entre l'enfance et l'âge adulte ...
Oui, adulte quand il s’agit de faire le lien entre ses parents et la société… Et heureusement, complètement ado dans son rapport aux garçons, à Gabriel qu’elle admire, aux copines, à sa meilleure amie Mathilde. Mais en plus des responsabilités et des obligations qu’elle porte pour ses parents, il y a le poids de la différence et de la honte et, du coup, elle compose. Elle cache à beaucoup de gens que ses parents ne sont pas comme les autres. C’est paradoxal, mais j’ai le sentiment qu’au fond, elle ne veut pas les rendre différents.
Peut-on dire que le choix de Paula de se consacrer à la musique est vécu comme une trahison par sa famille ?
Oui et aussi comme une agression ! Mais il faut dire que la vie est ironique, Paula aurait pu être douée en danse, en calcul ou en ébénisterie – et c’est une voix que la vie lui donne. Quelle frustration pour elle et pour ses parents de ne pas pouvoir partager ça, ou qu’elle puisse offrir à d’autres ce qu’elle ne peut pas leur donner à eux ! C’est terrible comme interdiction. Mais ce n’était pas voulu...
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Mon opinion
Le film et son scénario d'une grande simplicité pourraient faire penser à un téléfilm juste suffisant pour faire pleurer Margot dans sa chaumière.
Oubliez la pauvreté des dialogues et une mise en scène sans aucune inventivité. Les grosses ficelles qui se multiplient. Les chansons de Michel Sardou, également, si vous n'êtes pas un inconditionnel "du Mozart de la variété française". Malgré ces bémols, le film trouve son rythme grâce à deux formidables comédiens.
Louane Emera, qui pour un premier grand rôle au cinéma s'impose avec une déconcertante facilité tout en dégageant une belle et grande émotion. À ses côtés, Eric Elmosnino, en professeur de musique dans ce village "où les habitants pensent que G. Lenorman est Normand" … (fallait oser), est attachant et totalement crédible.
Karin Viard, s'amuse. En fait des tonnes. Peut-être trop. Mais dans quelques passages où son seul talent laisse passer l'émotion, elle reste ce qu'elle est. Une grande actrice. François Damiens et la douce expression de son regard finit toujours par convaincre. Roxane Duran, enfin, toujours la même, tout simplement parfaite.
Bref ce n'est pas un chef d'œuvre. Un petit film choral pour distraire et faire du bien, dans lequel les acteurs sauvent l'ensemble du naufrage.
Je retiens l'ambiance de la salle comble, dans laquelle les rires et manifestations de joie devenaient communicatifs. Ils étaient nombreux à paraître satisfaits. Pour cette seule raison, le pari est réussi.
Sources :
http://www.unifrance.org