« Tout oppose Félix et Meira. Lui mène une vie sans responsabilité ni attache. Son seul souci, dilapider l’héritage familial. Elle est une jeune femme juive hassidique, mariée et mère d’un enfant, s’ennuyant dans sa communauté. Rien ne les destinait à se rencontrer, encore moins à tomber amoureux. »
« Un coup de cœur qui ne peut vous laisser de marbre »
Troisième film en tant que réalisateur pour Maxime Giroux et première véritable consécration pour ce cinéaste canadien qui n’a pas fini de nous surprendre. En effet, avant Félix et Meira, Maxime Giroux a signé deux films « C’est pas moi, c’est l’autre » et « Jo pour Jonathan », mais c’est bien avec Félix et Meira qu’il connut pour la première fois le succès, notamment dans son pays lors du Festival de Toronto où il remporta à la barbe d’un certain Mommy de Xavier Dolan, le prix du meilleur film canadien. Comment est possible qu’un film dont la distribution européenne et plus particulièrement française semble très faible, avec un nombre de salles restreint, ai pu battre le déjà célèbre film de Xavier Dolan dans leur pays natal ? La réponse la plus précise a cette question ne peut être donner que par les membres du jury du Festival de Toronto, mais en attendant, nous pouvons vous donner la notre et vous convaincre en quelques paragraphes que Félix et Meira est une perle qui entremêle avec facilité et malice les genres que sont le drame et la romance.
Roméo et Juliette de William Shakespeare est la référence qui nous vient le plus rapidement en tête lorsque l’on parle de romance entre deux individus. Au-delà du fait que le texte soit devenu culte au fur et à mesure des décennies, il y a en Roméo et Juliette la rencontre entre deux mondes, entre deux sociétés que tout oppose, mais qui peuvent être réunies par la force de l’amour. Pouvant être de nos jours facilement interprétable comme étant naïve, cette vision de l’amour n’en reste pas moins la base même du romantisme à l’état pur et c’est de cela que part l’histoire naissante entre Félix et Meira. La religion, la culture, la famille, la vision de la vie, la façon de faire les choses… tout oppose ces deux êtres, mais de cette opposition va naître une belle histoire qui n’est pas faite que de jours lumineux, mais qui démontre que pour être heureux il faut bousculer son destin et aller bâtir par soi même ce futur, qui peut changer par le biais d’un simple choix, d’une obstination qui donna ses fruits. Solide dans sa structure qui repose sur des bases déjà fondées par le texte de William Shakespeare entre autres, Maxime Giroux apporte à son scénario une touche de modernité dans sa vision de l’acte final, mais également dans son rapport à la religion.
En effet, outre cette romance voulue et obtenue grâce ou à cause de l’obstination de Félix, incarné par Martin Dubreuil, le film repose sur l’envie d’abattre le mur qui sépare certaines religions. Sans chercher à vouloir prendre parti pour l’un ou pour l’autre, le scénariste réussit à capter l’attention du spectateur et à lui faire prendre conscience qu’au-delà des religions, il faut apprendre à écouter l’autre et ne pas l’enfermer dans un carcan à l’intérieur duquel personne ne sera heureux. C’est notamment au travers de la caractérisation des personnages, que Maxime Giroux met en place dans ce film un triangle amoureux aux personnages masculins caractériels et obstinés dans leur volonté d’avoir le dernier mot, croyant faire ce qu’il faut pour l’avenir de Meira, personnage féminin réservé, mais pas dans la retenue pour autant. À noter les prestations de trois comédiens qui nous livrent de remarquables prestations, emprunt d’émotions et de sincérités. Mention spéciale à Hadas Yaron bouleversante et pouvant nous faire passer du rire aux larmes en quelques plans.
Aucune dénonciation, aucun parti pris et finalement, le scénario se sert purement et simplement de la religion comme terrain de rencontre afin de mettre en évidence les points négatifs comme positifs présents chez l’être humain en règle générale. Par le biais d’une caractérisation limpide, simple, mais au combien intelligente, Maxime Giroux réussit à faire revivre et à moderniser une histoire d’amour intemporelle sur fond de conflit de religions. Porté par une mise en scène qui ne manque ni d’audace, ni de bon sens afin de faire vivre les personnages et permettre aux acteurs de s’épanouir et de livrer leurs plus belles prestation, c’est avant tout par le biais de sa réalisation que le cinéaste canadien réussi à extrapoler les sentiments intérieurs de ses personnages. Au travers de magnifiques plans et d’une utilisation remarquablement belle de miroirs et reflets lors de scènes où les lieux auraient pu être trop exigus, il nous livre une partition qui va dans le sens de son écriture, à la fois belle et juste sans jamais sentir le déjà vu ou l’archaïque. C’est simple, oui, mais ce n’est pas simpliste et c’est extrêmement beau et bien romancé. De plus, le plan final, pouvant laisser perplexes certains spectateurs, démontre à quel point le récit délivré par ce Félix et Meira est audacieux et en rien simpliste. Un coup de cœur qui ne peut vous laisser de marbre.