« Après une expérience sexuelle apparemment anodine, Jay se retrouve confrontée à d’étranges visions et l’inextricable impression que quelqu’un, ou quelque chose, la suit. Abasourdis, Jay et ses amis doivent trouver une échappatoire à la menace qui semble les rattraper… »
« Oppressant et à l’ambiance électrique, quand le teenage movie rencontre l’angoisse ! »
Un peu plus de quatre an après avoir réalisé The Myth of the American Sleepover : la légende des soirées pyjamas, film inédit en France, mais paru tout de même en juin 2014 dans une édition DVD exclusive pour la chaîne de magasins la FNAC, David Robert Mitchell revient hanter nos écrans avec un mélange détonnant. Depuis quelques années, le teenage movie devient un genre à part entière, notamment par le biais de films qui se disent d’horreur, mais qui ne terrifient en rien et se reposent sur une structure similaire de film en film. Se rapprochant essentiellement du slasher movie, cette structure s’avère solide à partir du moment où le metteur en scène arrive à se détacher de la concurrence. Ce qui est rarement le cas. Festival de Cannes dans la section Semaine de la Critique, Festival de Deauville, le Festival International du Film de Toronto… partout où fût présenté It Follows, les retours étaient dithyrambiques. Du « Sublime » au « Magnifique », en passant par le « Angoissant », tous les adjectifs qualificatifs positifs utilisables pour un long-métrage ont été utilisés l’égard de ce film, créant un véritable engouement, notamment sur les réseaux sociaux. It Follows, fait-il donc partie de ces films survendus par le biais de festivals, ou, est-il à l’opposé, à savoir dans la même lignée que Whiplash ?
Vendu a l’aide d’un synopsis similaire à celui d’un grand nombre de teenage movie qui mettent en scène un groupe d’amis faisant face à un esprit malveillant, It Follows est bien plus qu’un simple teenage movie. Entremêlant le film d’épouvante avec le teenage movie, la trame scénaristique du long-métrage ne surprend pas dans sa progression, mais essentiellement dans la caractérisation de l’esprit malveillant, pouvant s’accaparer l’identité visuelle de n’importe quelle personne afin d’atteindre sa cible. S’éloignant du stéréotype de la séance vaudou qui a tournée au cauchemar, David Robert Mitchell se sert d’un élément très important au sein même du film d’horreur pour mettre en scène son esprit et le faire apparaître. Cet élément à l’origine purement anecdotique et servant uniquement à ajouter un aspect sexy et macho aux films n’est autre que la relation sexuelle. Cette utilisation du rapport sexuel entre deux individus consentants comme élément d’amorce à l’arrivée de l’esprit est loin d’être anecdotique, car c’est grâce à cela que la trame scénaristique du long-métrage va réussir à se détacher de la concurrence, en proposant dans un premier temps une satire du genre, avant de basculer dans un tout autre registre.
En effet, en plus de ne pas être un teenage movie conventionnel, It Follows n’est pas un film d’horreur au sens propre du terme. Sans être horrifique ou terrifiant, It Follows use des codes conventionnels scénaristiques des films du genre au travers d’une réalisation méthodique, qui prend son temps et ne cherche pas à faire peur. La peur n’est pas primaire, mais l’angoisse est omniprésente. Grâce à un sens de la mise en scène indéniable, David Robert Mitchell réussit non pas à effrayer le spectateur, mais à le placer dans un cocon au sein duquel subsistent une ambiance électrique et une tension de tout instant. Prévisible dans les grandes lignes et dans les placements de jump-scare, le scénario aurait pu être un élément néfaste à la bonne immersion du spectateur au sein du long-métrage, mais il n’en est rien grâce à l’inventivité de la mise en scène qui cherche avant tout à faire vivre ses personnages et à développer leur angoisse intérieure. Contrairement au cinéma d’horreur conventionnel, It Follows réussi donc à faire la part belle à la concurrence par le biais de son traitement visuel. L’image parle pour nous et c’est elle, qui raconte et dévoile aux spectateurs les angoisses des personnages. Et ce malgré, une caractérisation superficielle en ce qui concerne les personnages secondaires et des raisonnements qui sortent de toute logique.
Embelli par une direction artistique minutieuse dans les moindres jeux de lumière, permettant au film de conserver une harmonie visuelle de séquence en séquence, tout en prenant soin de mettre en lumière le minimum de zones afin de diminuer la profondeur de champ et laisser le spectateur sur le qui-vive, It Follows éblouit par tout son aspect technique. Doté d’un rendu visuel impeccable comme il vient d’être souligné, c’est avant tout vers Disasterpeace, compositeur attitré du film, que l’on va se tourner. Électrisante et aux sonorités synthétiques, It Follows gagne en intensité et en rythme avec une gestion de la musique, qui en parfaite coordination avec le visuel, arrive à donner une tout autre ampleur à des séquences qui sur le papier n’auraient rien de terrifiantes. La conjonction entre la musique et le visuel s’établit avec merveille dès les premiers instants et ce, grâce à cette lenteur présente à la fois dans la musique et les mouvements de la caméra, qui sans que l’on s’y attente peuvent gagner en intensité et en dynamisme en une fraction de seconde, plongeant le spectateur dans une angoisse finalement plus terrifiante qu’on ne pourrait le croire.
Étonnant, oppressant, angoissant, électrisant, terrifiant… finalement oui, tous les adjectifs positifs dont l’on peut se servir pour un film appartenant à ce genre, sont bons à être utilisés pour It Follows. Malgré une trame scénaristique globale sans surprises, mais travaillée sur quelques détails et notamment le sous-entendu autour du passage de l’esprit d’une personne à l’autre, ce long-métrage ébloui par sa technique et notamment sa mise en scène méthodique et sa réalisation qui ose. Les plans sont longs et la palette de choix de cadres utilisés est suffisamment large pour éviter toute redondance et mettre en lumière une direction artistique magnifique, permettant quant à elle de conserver une tension et un stress du premier au dernier plan. À cela on ajoutera une bande sonore inqualifiable, qui a elle seule emporte le spectateur dans une bulle anxiogène et angoissante. Lorsque l’on joint le travail de David Robert Mitchell et celui de Disasterpeace, on obtient un film d’épouvante unique, à vivre au moins une fois et avant tout au cinéma.