« Selma retrace la lutte historique du Dr Martin Luther King pour garantir le droit de vote à tous les citoyens. Une dangereuse et terrifiante campagne qui s’est achevée par une longue marche, depuis la ville de Selma jusqu’à celle de Montgomery, en Alabama, et qui a conduit le président Jonhson à signer la loi sur le droit de vote en 1965. »
« Violent, brutal, sans concession et porté par des acteur au charisme saisissant. »
Le samedi 7 mars 2015, les États-Unis commémoraient solennellement les 50 ans de la traversée du pont « Edmund Pettus » par des militants et simples marcheurs venus prêter main-forte à Martin Luther King et à ses compatriotes dans leur lutte commune pour l’égalité des droits civiques et la liberté de chacun. Fervent porte-parole de la lutte envers la discrimination raciale subie par le peuple noir américain, Martin Luther King est le nom que chacun connaît pour son célèbre discours prononcé sur les marches de la ville Montgomery, en Alabama. Steven Spielberg, détenant les droits du discours de Montgomery, n’a pu permettre à Ava DuVerney d’user de ce dernier afin de s’en servir comme symbole de la marche effectuée par ces personnes qui se sont senti touchés et affectées par cette lutte des classes sociales. Ce qui n’est pas un mal, bien au contraire. Loin des biopics auxquels les Américains nous ont habitués depuis plusieurs années, Selma tient plus du film choral que du simple biopic reposant sur un protagoniste. Éclaté en plusieurs arcs narratifs, détaillant chacun l’histoire d’une personne qui a été victime de discrimination raciale à un moment de sa vie avec une brutalité plus ou moins importante, cela allant jusqu’à la mort, ce récit tient en point central la réunification d’un peuple. Cette marche est bien plus qu’une simple manifestation, c’est un véritable symbole.
Point d’orgue du film, la marche et plus particulièrement, le passage du pont Edmund Pettus reflète avec force, la façon dont Ava DuVernay souhaite déshumaniser ou humaniser certains êtres humains sans jamais sombrer dans la généralisation. Violent, brutal et sans concession, Ava DuVernay pointe directement du doigt ceux qui n’agissent pas dans le but de faire progresser les choses, mais qui suivent uniquement leur façon de faire et de penser. Elle ose et affronte directement les partisans de la ségrégation raciale, sans pour autant sombrer dans la caractérisation facile qui aurait été de les déshumaniser totalement et de les rendre abjects. Jim Clark, shérif de la ville de Montgomery, responsable de violentes arrestations lors de manifestations effectuées en 1965, nous est présenté comme un homme sans foi ni loi, régissant uniquement sous sa bonne volonté d’ancien militaire ayant servi dans l’armée de l’air. Un mouton de panure qui suit à la lettre les ordres dictés par un homme politique aux discours antisémites et qui reste campé sur ses positions pour conserver sa fierté et ne pas se ridiculiser aux yeux de ses électeurs. Quant à Georges Wallace, gouverneur de l’Alabama et némésis de Martin Luther King dans sa recherche de l’égalité des droits civils, il pense comme un homme politique et agit comme un haut gradé de l’armée.
Au travers des longs discours qui forgent la force de frappe de chacun des hommes qui représentent une classe sociale, ressortent des hommes aux convictions opposés, mais dont la volonté est de faire régir sa propre loi. Là où Ava DuVernay prend parti pour la classe sociale victime de discrimination lors de séquences qui lorgnent trop aisément dans un pathos conventionnel, elle n’oublie pas pour autant les responsables de la classe opposante au travers de longs silences et exprime concrètement un sentiment de pitié à leurs égards. Qu’ils se nomment J. Edgar Hoover, Lyndon B. Johnson ou encore George Wallace, chaque responsable ayant d’une façon ou d’une autre pris parti pour la ségrégation raciale va devoir faire face à une remise en question de ses convictions. Chaque personnage du film à sa propre histoire, chaque personnage à son utilité et aucun n’est délaissé. Une marche réunificatrice au par laquelle se retrouvent, d’un côté ou de l’autre du pont, des personnages qui ont quelque chose à raconter.
À l’intérieur de ce récit, Selma use de l’image de Martin Luther King comme d’un porte-parole, mais s’égare, car cherche à donner trop d’espace à cet homme. Il est Martin Luther King, mais il n’est pas pour autant le sujet du film, il n’est qu’un personnage parmi tant d’autres. Certaines scènes à rallonges usent la patience du spectateur et casse un rythme instauré par une bande sonore qui sait se faire silencieuse et se faire entendre aux moments opportuns. Néanmoins, si le film n’ennuie pas, et ce, malgré une réalisation conventionnelle, c’est grâce à la force de ses acteurs. Au cours de divers discours et confrontations verbales, la mise en scène permet aux acteurs de faire parler leur talent et d’user de leur force de persuasion respective au cours de joutes verbales tendues et aussi violentes qu’une confrontation physique. David Oyelowo, Tom Wilkinson et Tim Roth impressionnent par l’intensité ou le sang froid dont ils sont capables. Des prestations à la hauteur du message porté fièrement et justement déclamé dans ce film, dont les échos de la marche résonnent encore aujourd’hui dans nos pages d’actualités.