Tim Burton revient avec Big Eyes, un film plus personnel, sans Johnny Depp, dans lequel il peut enfin nous raconter les frustrations qu’il a vécu ses dernières années. Si c’est moins burtonnien dans la forme, le fond reste très intéressant pour capter les pensées du réalisateur.
On ne peut pas le nier, si on a grandit avec les films de Tim Burton, il nous a beaucoup déçu ses dernières années avec une surdose de gothique commercial, de films de commande ou remake honnêtes mais sans inventivité et de Johnny Depp et Helena Bonham Carter. Ainsi, de Sweeney Todd à Dark Shadows en passant par Alice, on le voyait presque en train de venir soumis aux désirs des studios, son art supplanté par l’argent, Burton devenant presque une marque déposée. Mais il reste tout de même au réalisateur quelques choses à dire, et il peut le faire quand il s’aventure dans un cinéma un peu plus indépendant et, bizarrement, un peu plus académique.
Ainsi, sous la coupe des Weinstein, il s’attaque au biopic de Margaret Keane, la peintre créatrice des célèbres tableau d’enfants aux grand yeux qui s’est fait dérober son travail par son escroc de mari qui en a fait de son art une véritable entreprise commerciale. Il n’est alors pas étonnant de voir Burton se pencher sur cette histoire tant cela évoque ce qu’il semble avoir traversé ses dernières années, autant dans ses rapports avec Hollywood que son divorce avec Helena Bonham Carter.
Alors qu’il se calme énormément du côté de sa mise en scène très transparente et académique, loin des fulgurances oniriques qu’il a pu porter auparavant (d’ailleurs, si le nom de Burton n’était pas au générique, nul doute que l’on ne se serait pas posé beaucoup de questions sur l’identité du réalisateur), l’auteur glisse certains de ses thèmes fétiches dans le film de manière à ce que seuls ses plus fidèles spectateurs puissent bien saisir tout ce qu’il raconte. Ainsi, impossible de ne pas voir dans les œuvres de Margaret Keane une grande influence sur les dessins de Burton. Et lorsqu’il nous montre la peintre séquestrée dans son grenier, on ne peut qu’y voir un incompris Edward aux Mains d’Argent effrayé par le monde. Finalement, très discrètement, le film a tout ce qu’il faut de burtonien, dans son évocation de l’enfer de la banlieue ou le choix de ses acteurs qui auraient pu apparaître dans bien d’autres films gothiques du réalisateur sans soucis.
Mais en plus de cette histoire qui se déroule comme on peut s’y attendre, sans grandes surprises, avec quelques petites longueurs mais loin d’être désagréable, on y voit surtout la charge d’un Burton contre le système qui l’a exploité ces dernières années. A travers Big Eyes il règle clairement ses comptes, nous racontant comme son art a été récupéré par les producteurs pour en faire une machine commerciale, sans oublier ses rapports avec la critique. Un art et une identité très personnelle qu’il peine maintenant à récupérer et à rendre authentique (d’où certainement cette mise en scène très académique ici). Ce message en fait donc certainement l’un des films les plus personnels de Burton depuis Big Fish.
Avec une Amy Adams touchante et un Christoph Waltz qui ne change toujours pas de registre dans son jeu, Tim Burton réalise un biopic très classique et attendu dans sa forme mais qui porte dans le fond une patte plus authentique que ses derniers films à grand spectacle pour les studios.