Tusk, de Kevin Smith

Par Kevin Halgand @CineCinephile

« Un célèbre podcaster américain, connu pour ses sujets farfelus, se rend au Canada pour interviewer un vieil homme totalement fasciné par les morses. Leur rencontre va très vite dégénérer… »

« Tusk, mélange angoissant de comédie potache et d’horreur psychologique. »

Kevin Smith, réalisateur américain inclassable qui cherche avant tout à rire en utilisant des thèmes qui ne s’y prêtent pas, ou en cherchant la débilité la plus profonde au sein de ses personnages, fait toujours parler de lui même si chacun de ses longs-métrages fait un flop à l’international et sort chez nous directement en vidéo, lorsqu’ils trouvent un distributeur. Après s’être attaqué à la religion avec Dogma ou encore aux sectes américaines avec Red StatesKevin Smith change de registre et décide de mettre en image une annonce complètement délirante trouvée sur le site américain Gumtree. Sur ce site internet qui recense des petites annonces en ligne, il était tombé sur la perle rare, un propriétaire proposant d’héberger quiconque gratuitement si cette personne s’engage à porter un costume de morse. Ne tombant pas dans l’oreille d’un sourd, Kevin Smith mis à contribution par le biais d’un podcast (Smodcast) ses abonnés Twitter, leurs demandant s’ils aimeraient voir un film adapté de cette petite annonce complètement loufoque. Répondants unanimement par une réponse positive, le réalisateur américain se mit en charge de l’écriture d’un scénario, scénario qui devint ce fameux Tusk. Disponible uniquement en DVD et Blu-Ray depuis le 11 mars 2015, Tusk est ce qu’on appel un film indéfinissable, jonglant entre comédie absurde et horreur psychologique.

Avec son idée de départ totalement loufoque, Tusk ne pouvait être qu’un film tout aussi fou et indéfinissable. Néanmoins, Kevin Smith réussit à dépasser ce postulat de départ, en offrant aux spectateurs un film d’horreur psychologique à la fois troublant et difficile. Débutant par la vision de deux amis podcasteurs rigolant du malheur d’un jeune garçon se mutilant accidentellement, difficile de croire à autre chose qu’à une comédie dégressive. Au travers de ses dialogues et de la caractérisation de ses personnages, qui ne sont autres qu’une satire des jeunes accrocs à Youtube et à l’internet, Tusk est bel et bien la comédie régressive que l’on pouvait prévoir, dans sa première partie. Les blagues sont potaches, les personnages vulgaires et les conversations ressemblent plus à des « private joke » qu’à un humour ouvert à tous, ne permettant pas au film d’avoir un humour communicatif. Souhaitant ne pas s’enfermer dans son simple postulat de départ, le long-métrage réussit, par le biais d’une longue et lente scène de rencontre, à faire basculer l’ambiance générale de son film. De la comédie de potes, on change de registre. Tusk devient un film d’horreur dérangeant et à l’ambiance malsaine. Faisant parler son talent ou plus concrètement, sa folie, Kevin Smith revient à ses premiers amours avec ce film qui, grâce aux talents d’interprètes de ses acteurs (Michael Parks et Justin Long en tête) et à son écriture qui réussit parfaitement à effectuer un bon mélange des genres, effectue la jonction entre l’humour absurde et l’horreur psychologique.

Même si long et lent le temps de quelques scènes ayant pour but de faire avancer l’histoire, ce sont ces mêmes scènes qui permettent au film de poser les bases et de développer la personnalité de chaque personnage. Qu’il soit principal ou secondaire, chaque personnage apporte sa pierre à l’édifice, et ce, toujours dans le but de créer un lien, d’empathie ou de sympathie, entre le spectateur et les personnages. Lien qui sera mis à rude épreuve lors de scènes macabres non pas dans le sens physique du terme, mais psychologique. Ayant pas les attraits visuels d’un film d’horreur tel qu’on l’imagine, Tusk met mal à l’aise grâce à ce travail d’identification entre le protagoniste et le spectateur. Amplifié par une ambiance malsaine et un antagoniste totalement dérangé, le spectateur n’est pas rassuré, se demandant ce qu’il vaudrait mieux pour le protagoniste. Ne se prenant jamais au sérieux, Kevin Smith adoucit tout de même cette noirceur perturbante, par des moments où la débilité apparaît plus profonde que jamais. Guy Lapointe, personnage canadien descendant tout droit de l’esprit déjanté de Kevin Smith, étant un fier représentant de cette débilité. Trop lourd et régressif par moment, trop lent à d’autres moments, Tusk réussi malgré tout à surprendre le spectateur en lui proposant un bon mélange des genres. Un film qui allie la comédie potache avec l’horreur psychologie afin de créer une folie et angoisse de plus en plus prononcée. Après le naufrage Top Cops, il fallait bien ça pour que le réalisateur américain revienne d’entre les morts.