Culte du dimanche : Big Fish de Tim Burton

Par Fredp @FredMyscreens

A l’occasion de la sortie de Big Eyes dans lequel il revient sur ses dernières années de créations commerciales, nous revenons dans le Culte du Dimanche sur l’un des films les plus personnels de Tim Burton, le très beau Big Fish.

En 2001, Tim Burton vient de subir un terrible revers artistique avec sa version de la Planète des Singes qui est loin d’avoir conquis les cœurs (hormis pour les formidables maquillages de Rick Baker). Peu satisfait de cette commande, le réalisateur se voit à ce moment là proposer le scénario d’un projet de moindre échelle, plus discret et en même temps répondant parfaitement à son état d’esprit du moment. En effet, Steven Spielberg était au départ pressenti pour réaliser une adaptation de Big Fish de Daniel Wallace mais préfère se tourner vers Arrête-moi si tu peux. Le script fini donc entre les mains de Burton qui le retravaillera avec le scénariste John August afin de le faire correspondre à sa vision.

Ainsi, Big Fish raconte l’histoire d’un fils qui revient au chevet de son père, Edward Bloom, mourant après des années sans lui parlé. En effet, son père lui a toujours raconté des histoires abracadabrantes concernant sa vie, sans distinguer le vrai du faux, finissant par causer une rupture avec lui. Mais c’est justement l’occasion pour Bloom Sr de raconter une dernière fois à sa belle-fille comment il a mené sa vie et de passer ainsi le témoin.

Alors que Tim Burton venait tout juste de perdre son père et venait de le devenir à son tour, on comprend aisément pourquoi il a choisit d’adapter ce film. Un conteur tel que lui ne pouvait pas passer à côté de ce gros poisson insaisissable pour tenter de comprendre le pouvoir des histoires pour faire le deuil et accomplir sa mission de guide. D’autant plus que Big Fish, en plus de cet élément très terre à terre mais émouvant apporte son lot de fantaisie qui permettent à Burton d’imprimer toute sa patte.

Car en plus de cette belle histoire de transmission et de rapprochement entre un père et son fils, Big Fish fait encore une fois la part belle aux exclus et aux univers fantasmagoriques et oniriques pour montrer que les histoires permettent souvent d’échapper d’une meilleure manière au quotidien et aux épisodes noirs de la vie. Ici, presque tous les personnages imaginés (ou non ?) par Edward Bloom, cherchent leur place, que ce soit Bloom lui-même trouvant que sa vie n’est pas à la hauteur de ses ambition, le géant qu’il aide à trouver un domicile ou des siamoises qu’il ramène avec lui pour qu’elles échappent à la guerre. Ajoutez à cela une étrange machine à grandir, une forêt hanté, le village de Spectre introuvable (et dans lequel vit le joueur de banjo de Délivrance), un cirque dirigé par un loup-garou, … et vous obtenez bien un concentré de l’univers de Tim Burton.

Mais pour une fois, cet univers est abordé non pas sous un angle gothique, sombre et saignant mais, au contraire, sous un angle particulièrement lumineux, comme si l’histoire d’amour que raconte le film reflétait une nouvel espoir que portait le réalisateur qui nous offre alors son film le plus poétique et positif malgré le sujet de la mort qui y est également abordé. Dans Big Fish, l’espoir et la confiance imperturbable d’Edward Bloom, loin de ses héros torturés habituels, nous offre un bon moment pour se sentir bien et nous rappeler le rôle indispensable des histoires.

Pour mener à bien ce nouveau film, le réalisateur s’entoure à la fois de personnes qui ont fait sa filmographie (que ce soit l’immanquable Danny Elfman à la musique ou la présence de Danny DeVito et Helena Bonham Carter … même Jack Nicholson était pressenti dans le rôle d’Edward Bloom) mais aussi de nombreux nouveaux visages, en particulier Ewan McGregor qui apporte à son rôle une candeur rafraîchissante devant la beauté innocente d’Alison Lohman. Avec une belle galerie de seconds rôles (Billy Crudup, Marion Cotillard, Jessica Lange, Albert Finney, ou Steve Buscemi), il nous offre vraiment un film chorale touchant.

Au final, Big Fish est donc sans doute l’un des films les plus personnels et lumineux de Tim Burton, comme une exception dans sa filmographie qui est loin d’être une fausse note pour autant, au contraire, l’une de ses œuvres les plus intéressantes et authentiques.