Pour conclure ce mois de mars, une nouvelle revue de presse avec un peu de papier et beaucoup de web. Parce que la presse cinéma est parfois aussi passionnante sur internet que dans les revues, je vous livre un certains nombre de mes lectures.
On commence avec une rencontre passionnante et éclairante avec Laura Poitras, la réalisatrice de Citizenfour. L'occasion d'en apprendre plus sur la façon dont Edward Snowden l'a contactée, et sur la fabrication du film et la révélation des documents.
Un article très intéressant des Echos.fr sur la situation complexe et fragile des distributeurs, particulièrement les indépendants. Pour Gréoire Poussielgue, les distributeurs sont le maillon faible de la chaîne cinématographique. Les producteurs reçoivent beaucoup plus d'aides du CNC, tandis que les exploitants profitent de l'augmentation de la fréquentation des salles.
Au milieu, les distributeurs, dont le rôle s'apparente à celui d'un éditeur pour un livre, sont ceux qui prennent le plus de risques dans une économie du film qui est celle d'un casino.
Moins aidés par leCNC, ils mettent des sommes considérables dans des projets sur la seule base du scénario (jusqu'à plusieurs millions d'euros) sans aucune garantie de retour si le film est un échec en salle.
Une bonne nouvelle, parce qu'il en faut : les studios de Bry-sur-Marne sont sauvés. Le nouvel exploitant est par la société Transpalux qui loue du matériel pour le cinéma. Les sites internet des journaux généralistes en ont parlé, comme Libération.fr.
" En France, il y a un marché pour les films avec des acteurs noirs " affirme Charlotte Pudlowski sur Slate.fr. Le film Dear White People vient de sortir sur les écrans français. Mais ce n'était pas gagné : le réalisateur a d'abord eu beaucoup de mal à le financer aux Etats-Unis. Pourquoi ? Les services marketing des studios rechignent à faire des films avec des acteurs noirs, sous prétexte que cela n'intéresse que les concernés, les noirs. Aux Etats-Unis, ils sont assez nombreux pour constituer un marché en soir, mais pas en France. Pourtant, explique l'article,
L'idée émerge qu'un public qui n'a jamais été pris en compte vaut le coup d'être considéré.
Avec le succès en salle de films comme Bande de filles, Qu'Allah bénisse la France ou Les Crocodiles du Botswanga, les studios et les distributeurs commencent à réaliser qu'ils peuvent donner plus de place aux acteurs noirs. Même si, comme le conclue la journaliste :
[...]Dans ce nouveau monde idéal où les noirs auraient davantage de place dans l'industrie du divertissement, il faudrait que leur place ne soit pas cantonnée à des rôles d'immigrés et de femmes de ménage, de "Mamadou le comique et Rachid le voleur".
Toujours sur Slate.fr, Michael Atlan tente d'expliquer pourquoi Will Smith est descendu du rang de méga-star, au rang de " simple star ". Alors qu'il assurait à lui seul le succès des blockbuster dans lesquels il jouait, il vient d'enchaîner plusieurs gros échecs. Son problème : il n'a pas osé prendre de rique, contrairement à un Tom Cruise par exemple. Il s'est enfermé dans le confort de ses rôles à box-office, et dans une forme de " revival 90s " permanent... Et qui lasse. L'analyse est très intéressante et dresse le portrait de ce qu'est cette nouvelle ère du cinéma, " l'ère de la franchise et des superhéros interchangeables ".
Et enfin, deux très belles vidéos. Vous avez peut-être vu passer la première, qui met en parallèle les premiers et derniers plans de 55 films célèbres. J'ai beaucoup aimé la deuxième aussi, un montage des dernières scènes de 86 longs-métrages lauréats de l'Oscar du meilleur film, de Birdman à Autant en emporte le vent en passant par Le Seigneur des Anneaux.
LesInrocks.com se penchent sur une star des teen-movie des années 1980 : qu'est-devenue Molly Ringwald ?
Après The Breakfast Club, le plus culte des teenage movie, sa carrière a périclité. Mais 30 ans après, elle est de retour sur les écrans. L'occasion de faire le point sur sa carrière et d'expliquer le succès de ses rôles :
Molly Ringwald incarne une alternative cool pour toutes les adolescentes américaines, ce n'est ni la pimbêche qui officie en tant que pom pom girl et petite amie du quarterback de l'équipe de foot (soit la Regina George de ) ni la geek un peu moche et esseulée. Dans tous les teen movies dans lesquels elle apparaîtra par la suite, elle jouera une ado dans la même veine : sensible mais pas cruche, différente mais pas . Ses tâches de rousseur et ses yeux noisettes rendront dingues tous les garçons de l'époque (le racisme anti-roux n'était pas à la mode en ce temps-là) et les filles ne lui en voudront pas et chercheront même à copier son look si audacieux.
Retour à la presse écrite, maintenant, avec Society, le nouveau magazine du groupe So Press. Dans le même ton que So Film et So Foot, la revue traite en longueur de sujets de société... et un peu de cinéma. Ou plutôt de ceux qui le font. Dans le numéro 1, on a ainsi une page sympathique sur Owen Wilson et ses compagnons cinématographiques . Mais aussi une longue (cinq pages) interview d'Abderrahmane Sissako, réalisateur de Timbuktu. Il revient sur les polémiques autour de son film -qualifié de " naïf " ou de "conte pour occidentaux " par certains- et de son implication auprès du pouvoir mauritanien. Même si le réalisateur passe beaucoup de temps à se défendre de ces accusations, ses réponses ont le mérite de poser la question du rapport du cinéma au réel -en le comparant par exemple à un travail journalistique. A une époque où le cinéma " inspiré de faits réels ", les biopics et les docu-fictions sont de plus en plus fréquents, l'interrogation est pertinente.
Parce que les habitudes ont la peau dure, je finis avec quelques morceaux choisis dans Studio Ciné Live. A commencer par un dossier très sympathique sur Shaun le Mouton, qui a beaucoup plus à William, qui s'ouvre sur une interview... avec Shaun lui-même. Comme ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de parler cinéma avec un mouton, je vous recommande vivement cette " discussion à moutons rompus " sur les " risques de béliers ". Et oui, toute l'interview est comme ça. Elle est suivi par un reportage sur les studios Aardman, responsables entre autre de Wallace et Gromit et Chicken Run, une enquête sur les rôles de mouton au cinéma assez complète, même s'il y manque le magneau de Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, et une critique en toute mauvaise foi. De quoi convaincre assez rapidement d'aller voir ce film.
Il y a aussi un reportage inattendu : pour la première fois, un journal a été autorisé à assister au ciné-club de l'Elysée. Une salle de projection existe au palais présidentiel depuis De Gaulle, où les présidents de la Ve République ont tous organisé des projections de films pour un public restreint. Et à chacun son style : Charles De Gaulle aimait les films français populaires comme La Grande vadrouille, Georges Pompidou et ses invités leur préféraient des films de Truffaut, Sautet ou Coppola. Tandis que Nicolas Sarkozy aimait célébrer les succès français, François Hollande semble avoir axé sa programmation sur l'éducation et les jeunes. Apparemment, ce président qu'on dit peu intéressé par la culture voit le cinéma comme une fenêtre sur la société. Sophie Benamon s'est donc glissée à une projection des Héritiers à l'Elysée, en présence du Président, de la ministre de la Culture, de l'équipe du film et de ceux qui l'ont inspiré, et en fait un récit instructif.
Pour terminer cette revue de presse, un plaisir particulier dans le sommaire de Studio Ciné Live : un flash-back sur Chantons sous la pluie, avec une question :
Mais que se cache-t-il derrière les décors du plus beau film du monde ?
Réponse : un trio d'artistes et de belles chansons à revisiter. Je ne raconterai rien de plus sur ce joli flash-back un peu mélancolique, et je me contenterai de citer Thomas Baurez :
Le cinéma ne semble avoir été créé que pour ça : chanter et danser dans un monde réinventé. Chantons sous la pluie, c'est plus que du cinéma. C'est LE cinéma.
Tout est dit.