[Critique] Les Châteaux de Sable réalisé par Olivier Jahan

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« Éléonore, la trentaine, vient de perdre son père. Il lui a légué sa maison en Bretagne, dans les Côtes d’Armor. Elle est photographe, a connu un certain succès mais les affaires ne marchent plus comme avant. Il faut absolument qu’elle vende cette maison.
Elle s’y rend avec Samuel, son ancien compagnon dont elle s’est séparée il y a quelque temps, parce qu’elle ne se sent pas d’aller seule dans cette maison où elle n’est pas retournée depuis la mort de son père. Mais elle joue avec le feu – car elle sait bien que leur relation ne s’est pas franchement apaisée, même si elle a eu depuis quelques aventures et que Samuel vit à présent avec Laure. Claire Andrieux, l’agent immobilier, s’est occupée d’organiser des visites durant les deux jours où Éléonore et Samuel vont rester dans la maison.
C’est un drôle de week-end que ces trois-là s’apprêtent à passer. Un week-end surprenant, riche en surprises et en émotions, en tensions, souvenirs et engueulades, en moments mélancoliques et absurdes, dont Éléonore et Samuel sortiront forcément changés. »

« Un merveilleux moment de cinéma »

Second long-métrage du réalisateur français Olivier Jahan, Les Châteaux de Sable ne fait clairement pas partie des films que l’on est en droit d’attendre de pied ferme après une promotion menée tambour battant. Néanmoins projeté sur un peu moins de 200 écrans français, le film dispose d’une visibilité certaine, permettant au plus large public de se faire un avis. Troisième film distribué en salles par le jeune studio de distribution La Belle Company, Les Châteaux de Sable est un film dont on pourrait se faire une image dès le visionnement de sa bande-annonce, mais se cache en son for intérieur un exercice de style singulier qui plaira ou ne plaira pas.

Le cinéma est un art permettant de partager des sentiments, des émotions et de faire voyager chaque individu qui y a accès. C’est un moyen pour ne pas se sentir seul, pour apporter du bonheur aux gens et pour leur faire vivre de bons moments. Mais qui dit bons moments, ne dis pas forcément burlesque ou comédie. Les Châteaux de Sables fait partie de ce petit panel de films qui réussissent à franchir l’archétype d’un genre pour le transcender et réussir l’impossible : divertir et émouvoir tout en sortant du conformisme habituel sur la forme. Véritable mélange des genres, ce long-métrage fait voyager le spectateur au cœur d’une Bretagne endeuillé, mais d’une Bretagne où les lieux font corps avec les personnages. Le temps est menaçant, les nuages obscurcissent les lieux, mais la lumière y est belle. Lorsque l’on dit que la Bretagne et les régions qui l’entourent sont des régions où il pleut et que le soleil n’est pas au beau fixe, il faut avant tout reconnaître que ce sont des régions où il fait bon vivre. Olivier Jahan et son directeur de la photographie, Fabien Benzaquen, ont bien saisi cette valeur et offrent à la Bretagne et aux différents décors une place de choix au cœur de ce film grâce à un aspect naturaliste omniprésent à l’image. Alors que les personnages sont en proie au doute et tentent chacun de leur côté de combattre leur principal démon, les décors apportent un vent de fraîcheur et une sensation qui va leur permettre de s’ouvrir pleinement. Spacieux et aérés pour les extérieurs comme les intérieurs disposant toujours à l’image de vitres ou baies offrant de la clarté, les décors et environnements apportent un vent de fraîcheur et une ouverture sur l’extérieur en opposition avec les tourments intérieurs des personnages.

Fondé sur un trio de personnages dont la palette émotionnelle ne va cesser de s’élargir au fur et à mesure de l’avancée du film, Les Châteaux de Sable n’est pas un film qui a pour but de surprendre. Conventionnel et prévisible dans son déroulement, le récit met un point d’honneur à se centrer autour de ses personnages et de leurs tourments. Chacun ayant une histoire différente, c’est cette rencontre malencontreusement orchestrée par la mort du père d’Éléonore, qui va leur permettre de se connaître et de se découvrir mutuellement comme intérieurement. C’est une belle histoire, une histoire banale serte, mais qui parle à tous, permettant aux spectateurs de se projeter au travers d’un des protagonistes qui font cette histoire. Racontée comme une nouvelle, par une voix off qui va par petites touches, faire irruption afin de décrypter les pensées des personnages ou décrypter des moments du passé, cette histoire se laisse vivre et permet de vivre une large palette d’émotions. Voix off qui sert également de transition d’entre séquences afin que le récit conserve une fluidité constante et qui permet au récit de jongler entre moments filmés et photographies. Photographe de métier, le personnage principal se sert de la photo pour immortaliser des moments et se remémorer un passé qui n’est plus. Un effet de style singulier, agréable de surcroît, mais avant tout esthétique puisque les photographies ont majoritairement été prises par Frédéric Stucin (accès à son book avec quelques photos du film).

À la fois tendre, sensuel, drôle et touchant, Les Châteaux de Sables, réussit grâce à son aspect naturaliste à transmettre des émotions avec une fluidité déconcertante. Les émotions vont et viennent au grès du vent et de notre attachement aux personnages. Un film qui nous transporte et qui se vit pleinement. Conformiste sur le fond, c’est véritablement sur la forme que Les Châteaux de Sable sort des sentiers battus et gagne en singularité. Usage de photographies pour illustrer le passé, ce qui permet au récit de gagner en profondeur, développant quelques thèmes sous-jacents. Usage avec parcimonie d’une voix off afin que le récit conserve une fluidité et permette aux spectateurs d’en apprendre toujours plus sur les personnages, mais également usage de regards caméra pour happer le spectateur et le mettre dans la confidence. Un lien se créé indubitablement entre les personnages et le spectateur, renforçant chaque émotion et chaque moment du film. Porté par une réalisation qui met bien en valeur les décors et paysages, ainsi que des acteurs au sommet de leur art. Un merveilleux moment de cinéma.

4.5/5

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